Wael Chebbi
Hildegard Ignătescu, 05.07.2023, 12:09
Wael Chebbi, Tunisien d’origine, avait suivi des cours d’ingénierie
à l’Université polytechnique de Bucarest, avant d’avoir fondé le Comité des
étudiants francophones Gaudeamus, dont il détient toujours la présidence
honorifique. Après des études de maîtrise à la même université de Bucarest, il
suit cette année un Master en Relations internationales et diplomatie à
l’université Jean Moulin de Lyon. Francophone militant, ingénieur passionné,
Wael Chebbi se distingue par-dessus tout pour son engagement civique. Homme de cœur
et de conviction, on le retrouve impliqué dans l’organisation des dernières
élections législatives et présidentielles dans son pays d’origine, mais aussi
en Roumanie, à travers l’organisation estudiantine qu’il avait fondée, et
l’aide apportée de diverses manières aux réfugiés ukrainiens depuis le début du
conflit chez nos voisins. Mais pourquoi a-t-il jeté son dévolu sur la Roumanie
et qu’a-t-il trouvé dans notre pays d’attrayant ? Wael Chebbi :
« Bonjour,
et merci déjà pour votre invitation. Ecoutez, je suis venu en Roumanie en 2014,
pour suivre des études d’ingénieurie à la Faculté d’Ingénierie en langues
étrangères de l’université Polytechnique de Bucarest. C’est là que j’avais
décroché mon diplôme de licence en Electronique et télécommunications. Ce qui
est certain, c’est que l’année 2014 représente un tournant dans ma vie
personnelle, et professionnelle bien entendu. Il s’agit pour moi d’une aventure
merveilleuse, dans l’un des plus beaux pays d’Europe, et du monde, si vous me
le permettez ».
Mais pourquoi la Roumanie, et pourquoi Bucarest ?
« Il est
vrai qu’au départ, je ne cherchais qu’une université européenne. C’était mon
seul critère. Et la Roumanie venait de rejoindre l’Union européenne, c’était en
2007. Je cherchais aussi de suivre des études d’ingénierie
en français, car pour nous, Tunisiens, le français est une langue qui nous est
proche. Et j’avais alors tout simplement cherché sur internet la meilleure
université de Roumanie. Qu’elle n’a été ma joie de découvrir que l’université
Polytechnique de Bucarest dispensait des cours en français, et qu’elle avait
développé une filière qui m’intéressait tout particulièrement. Sachez
d’ailleurs que la Roumanie accueille pas mal d’étudiants du Maghreb, tunisiens,
marocains, algériens. Alors, bon, j’embarque, et me pose en Roumanie. Et là,
patatras, je tombe de haut. Je suis d’emblée confronté à une autre langue, à
une autre culture, et puis l’hiver, ça caille. Je n’y étais pas habitué, et je
commence alors à douter. Mais c’est mon implication civique qui m’a aidé. Je
commence à m’impliquer dans la vie estudiantine, à suivre ensuite aussi des
stages en entreprise, et là je commence à me sentir chez moi, parmi les miens.
Et la vie est plaisante en Roumanie, les gens, la nature, j’adore. Depuis lors,
9 années sont passées, vous savez. En un coup de vent. »
Vous vous sentez donc vraiment chez vous actuellement ici,
en Roumanie, à Bucarest…
« En effet, en effet. Pour moi la Roumanie c’est
maintenant chez moi. Homesweet home. J’avais 20 ans à
l’époque, j’en ai presque 30 actuellement. Un tiers de ma vie je l’ai passé
ici. Alors, c’est un peu normal d’avoir ce sentiment. A la fin de mes études
universitaires, mon prof m’avait dit : Maintenant vous n’êtes pas juste un
ingénieur électronicien, vous êtes aussi l’ingénieur de votre destin. Et cela était
vrai. La Roumanie peut sembler de premier abord difficile d’apprivoiser pour un
étranger. Mais il s’agit aussi d’une terre d’opportunités. Certes, la France
aussi présente plein d’opportunités, notamment pour les francophones, pour ceux
qui parlent la langue, qui sont accoutumée à sa culture, et c’est un peu mon
cas. D’ailleurs, lorsque j’avais jeté mon dévolu sur la Roumanie, j’aurais pu
choisir d’aller étudier en Suisse. Mais j’avais désiré vivre une aventure,
m’éloigner un peu de ce qui m’était familier. Et lorsque j’avais informé mes
parents de mon choix, j’avais formulé les choses exactement ainsi : j’ai
envie d’aller vivre dans un pays où aucun des miens n’y avait mis les pieds.
C’est aussi simple que cela ».
Et alors, aujourd’hui, en quels mots décrivez-vous à votre famille, à vos
amis votre pays d’élection et d’adoption ?
« A mes
amis je leur dis que je suis Roumain de cœur. Je vous le disais, je me sens
chez moi. J’ai des amis, j’ai ma famille ici. Après près de dix années passées
ici, j’ai plus d’amis en Roumanie qu’en Tunisie. La Roumanie fait aujourd’hui
partie de moi, et aussi de mes projets d’avenir. Vous savez, je me lance dans
l’entrepreneuriat, et j’ai pas mal d’idées et de projets, et tous sont en lien
avec la Roumanie. »
Vous passez le plus clair de votre temps à Bucarest. Vous
avez une fois écrit qu’il s’agit de la plus belle ville au monde. Qu’en est-il ?
« En effet,
Bucarest est une très belle ville. Et je dis cela pas juste pour la beauté
architecturale de la vieille ville, mais en pensant aussi à ses habitants. Les
Roumains sont peut-être le peuple le plus accueillant d’Europe. Il existe un
sens de la famille, de l’amitié, toutes ces choses qui font sens ici. Lorsqu’on
se trouve dans la rue et que l’on a besoin d’un coup de main, on fait appel à
quelqu’un, et puis trois autres se pointent pour te proposer leur aide. Et
c’est bien pour cela que je crois que la Roumanie soit probablement le plus
beau pays au monde ».
Malgré tout, est-ce qu’il y a des choses qui vous
interpellent, qui ont le don de tempérer quelque peu votre enthousiasme ?
« Certes,
les choses peuvent toujours être améliorées, et cela où que ce soit. Et si je
me permets de parler de certaines choses qui me dérangent, c’est parce que
j’aime tant la Roumanie. Prenez, par exemple, le système de santé. J’avais pu
suivre de près l’évolution des choses lors de la pandémie de Covid-19. Je crois
que la Roumanie vaut un meilleur système public de santé, surtout que les
médecins d’ici sont de véritables professionnels. Mais il y a des améliorations
à apporter au sein du système. Ensuite, il manque toujours d’autoroutes. Un si
beau pays mais tellement difficile d’accès. Je ne sais pas, si j’avais envie
d’aller maintenant à Suceava par exemple, j’hésiterais de me lancer du coup. Or
cette région de Suceava est d’une beauté à couper le souffle, c’est le paradis
sur terre. Mais pour s’y rendre, ceci est une autre paire de manches. Ces
quelques kilomètres d’autoroute en plus, cela ferait un grand changement. Pour
le quotidien des Roumains, mais aussi pour tous les amoureux de la
Roumanie. »(Trad Ionut Jugureanu)