Nazanin Kaveh (Iran)
Diplômée de l'Université d'architecture et d'urbanisme Ion Mincu de Bucarest et ayant la double nationalité, iranienne et roumaine, elle est architecte, designer et décoratrice.
Hildegard Ignătescu, 18.10.2023, 12:13
Nazanin Kaveh, née à Téhéran, diplômée de l’Université
d’architecture et d’urbanisme Ion Mincu de Bucarest, et jouissant actuellement
de la double nationalité, iranienne et roumaine, est architecte, designer et décoratrice.
Une femme jeune, qui semble avoir vécu déjà plus que d’une dans une vie.
Mais
comment avait débuté son histoire roumaine ?
« J’avais atterri en Roumanie en 1998. Mon
père y travaillait depuis deux ans déjà, alors que ma mère, moi et mon frère
qui venait de naître à l’époque étions encore en Iran. Et puis mes parents
avaient pris la décision de réunir la famille à Bucarest. Ma mère était prof,
et à l’époque il y avait encore une école iranienne à Bucarest. Elle avait
trouvé un poste d’enseignante dans cette école iranienne de Bucarest, une école
que j’avais d’ailleurs suivie pendant 8 ans. Forcément, la société roumaine
était différente de ce que j’avais connu en Iran. Et durant ces 25 ans, ma mère
avait caressé l’espoir de rentrer un jour en Iran. Forcément, cela ne s’était
pas fait. Donc, ma mère avait trouvé un poste d’enseignante dans cette école
iranienne de Bucarest, qui malheureusement a fermé ses portes voici 4 ans. Et moi
et mon frère avions suivi les cours de cette école, justement dans l’idée qu’un
jour on allait finir par rentrer au pays. Mais une fois que l’école iranienne
avait fermé, on a dû changer d’école, passer dans une école roumaine, et ce ne
fut pas facile. J’étais au lycée, mon frère un peu plus jeune, et il nous a
bien fallu apprendre la langue et s’habituer à ce nouvel environnement. Il nous
a été difficile, mais on a bien fini par nous y faire. »
A quel âge étiez-vous arrivée en Roumanie ?
Comment voyez-vous aujourd’hui ces années passées en Roumanie ?
« Ecoutez, je n’avais que 5 ans lorsque nous y
sommes arrivés. J’ai 30 ans aujourd’hui. C’est assez déstabilisant à vrai dire.
J’avais ressenti cela comme cela, et c’est sans doute vrai pour d’autres
enfants qui se trouvent dans mon cas. Parce que l’on a du mal à comprendre où
se trouve son chez soi, dont l’on a tous besoin. L’on se sente assez dépaysé
aussi bien là où l’on vit actuellement que dans le pays où l’on a vécu. Certes,
on a de la famille, qui dans notre cas est ici, on a une maison, on y a grandi,
on a suivi l’école en Roumanie, nous avons des amis, mais quelque chose nous
manque toujours. Une fois tous les trois ou quatre ans on retourne en Iran. Là
aussi on a de la famille, des souvenirs, une partie de moi s’y trouve toujours.
Le rythme de la vie est différent, les coutumes sont différentes. C’est une
réalité, et il faut s’y faire. »
Justement, dans quelle mesure Nazanin et sa famille
ont-ils pu conserver et suivre les traditions et les coutumes iraniennes dans
leur nouvelle vie en Roumanie ?
« Heureusement, nous avons un petit groupe d’amis
iraniens et ensemble l’on parvient à suivre certaines de nos traditions et nos
fêtes. L’on ne va pas commencer à acheter un sapin à Noël, à fêter la Pâque
orthodoxe. Du moins, pas en famille. En famille, on fête le Nouvel An iranien,
l’on suit nos fêtes traditionnelles. Et puis, j’ai aussi bien de très bons amis
roumains que des amis iraniens.
Mais le langage, les manières, la façon de communiquer, c’est particulier.
Chaque être est particulier. L’on intègre une ou plusieurs cultures, l’on s’y
sente et l’on navigue plus ou moins à l’aise dans chacun de ces
contextes. »
Qu’est-ce que vous regrettez le plus de votre ville,
Téhéran, qu’est-ce que vous n’arrivez pas à trouver ici ? Et comment
arrivez-vous à faire comprendre à vos amis iraniens votre vie en
Roumanie ?
« En Iran, on va en vacances. Je n’y ai pas vécu
suffisamment longtemps pour saisir de manière très consciente, très assumée, ce
qui pourrait me manquer. Il me manque une partie de ma famille, les sorties
avec les amis qui vivent toujours en Iran, tout cela. Mais aussi, une fois en
Iran, je commence à regretter la nature roumaine, les paysages, la sécurité, la
tranquillité que l’on a ici, enfin plein de choses. »
Quels changements aimerait voir Nazin se produire en
Roumanie ?
« Ce que j’aimerais voir se produire, mais
pas qu’en Roumanie, c’est que les gens deviennent plus tolérants, plus gentils,
plus patients envers les autres. Qu’ils se montrent plus compréhensifs, et que
l’on arrête de nous fâcher pour un rien. Il ne s’agit pas d’un souhait pour la seule
Roumanie, mais pour nous tous, pour le monde entier. »
Mais quels sont les régions ou les endroits de
Roumanie que Nazine affectionne tout particulièrement, ceux qu’elle aimerait
faire voir à sa famille d’Iran ?
« En Roumanie je me sens chez moi partout. Il
m’est difficile de jeter mon dévolu sur un endroit particulier. J’y ai passé
mon enfance, j’y ai eu mes moments de bonheur et de doute, mais c’est chez moi.
Mais il est vrai que j’adore la nature. J’adore la montagne roumaine, le
silence qui y règne, j’adore la vie paisible de la campagne, les animaux, le
vent qu’on entend, la forêt. Quant aux endroits à visiter, sans doute Sinaïa, Zarnesti,
Timisoara. La région du Maramures aussi, que je connais mal. Mais ce sont des
endroits de Roumanie que j’aimerais faire connaître à ceux qui me sont chers,
pour sûr. »