Darko Jovik (Macédoine du Nord)
Né en Macédoine du Nord, à Veles, monte dans la capitale, à Skopje, pour suivre des études en droit. Après un passage de neuf ans, entre 2004 et 2013, aux États-Unis, dans le New Jersey et à Chicago, où il rencontre sa future épouse, une Roumaine originaire de Cluj, il s’établit en Roumanie, à Cluj même, en 2013, où il va fonder en 2015 une brasserie artisanale. Il nous raconte le début de sa vie en Roumanie, dans la ville natale de son épouse, à Cluj.
Hildegard Ignătescu, 24.07.2024, 15:16
Darko Jovik, né en Macédoine du Nord, à Veles, monte dans la capitale, à Skopje, pour suivre des études en droit. Après un passage de neuf ans, entre 2004 et 2013, aux États-Unis, dans le New Jersey et à Chicago, où il rencontre sa future épouse, une Roumaine originaire de Cluj, il s’établit en Roumanie, à Cluj même, en 2013, où il va fonder en 2015 une brasserie artisanale. Il nous raconte le début de sa vie en Roumanie, dans la ville natale de son épouse, à Cluj.
« Je ne me suis pas senti dépaysé. Culturellement, je trouve que la Roumanie et la Macédoine du Nord sont assez proches. Mon premier étonnement fut de constater que la Roumanie d’alors était presque dépouvue d’autoroutes. J’ai atterri à Bucarest et j’ai dû rejoindre la ville de Cluj par des routes nationales, en piètre état. Ensuite, nous nous sommes installés chez mes beaux-parents, dans la même cour. Cette immersion m’a beaucoup aidé à comprendre la culture et a facilité mon apprentissage du roumain. Cluj est une ville assez internationale, il y a beaucoup d’étrangers, et puis, après avoir appris la langue, il m’a été facile de nouer des liens avec les gens du pays. »
Après presque une décennie de vie aux États-Unis, Darko Jovik est arrivé en Roumanie. Nous lui avons demandé comment il avait trouvé la vie ici, comment il avait décidé d’ouvrir cette petite brasserie artisanale et comment allait son affaire.
« Déjà, ma Macédoine natale est un pays plus étriqué et, de toute évidence, plus pauvre que l’Amérique du Nord. La Roumanie est un peu entre les deux. Les grandes villes roumaines, Bucarest, Cluj, sont des endroits qui ont connu un essor économique foudroyant ces dernières années. Il y a d’évidence un grand écart entre la qualité de vie qui est de mise dans ces grandes villes et le reste du pays. Il fait bon vivre ici, mais la vie est chère. D’autre part, l’on dispose de plus de temps pour soi, pour sa famille ici, en Roumanie, qu’aux Etats-Unis. Mais il faut savoir jouer sur cet équilibre entre vie privée et vie professionnelle. C’était d’ailleurs notre idée de départ : monter une affaire à taille humaine, qui nous permette d’une part de vivre décemment, mais qui nous offre aussi l’opportunité de nous ménager un temps de qualité pour notre vie de famille, plutôt que d’être obligés de rester assis au bureau ou dans les embouteillages pendant des heures jusqu’à ce que nous rentrions à la maison. Quant à la brasserie, elle avait démarré sur les chapeaux de roues. Mais après la pandémie les choses sont devenues moins roses, avec les hausses des prix dans l’énergie notamment. Nous espérons cependant que cette année sera un peu meilleure. »
Nous avons demandé à Darko Jovik ce qu’il aimerait pouvoir changer en Roumanie.
« C’est une très bonne question que la vôtre. La première chose qui me vient à l’esprit serait d’améliorer la prévisibilité fiscale. Moi, en tant qu’entrepreneur, je suis durement impacté par le moindre changement en la matière. Or, voyez-vous, le code fiscal a été modifié à dix reprises depuis que j’ai fondé mon entreprise. C’est très malsain. Et c’est la première chose à améliorer selon moi. Nos politiciens ne nous aident pas et nous n’en avons pas nécessairement besoin, nous avons juste besoin d’eux pour maintenir la stabilité au niveau macroéconomique, pour assurer une meilleure prévisibilité en matière fiscale. Les jeunes devraient se sentir plus concernés par l’avenir du pays, s’impliquer davantage, ne fut-ce qu’en allant voter. Or, voyez-vous, c’est surtout les gens d’un certain âge qui vont aux urnes, c’est eux qui décident de l’avenir du pays. Il faudrait changer la manière d’appréhender la politique, la manière dont on s’y investit. Or ces choses-là, ça prend du temps, cela peut prendre toute une génération. »
Darko Jovik est papa d’un petit garçon de presque 6 ans. Je lui ai demandé ce qu’il voulait pour son enfant : le voir grandir et se construire un avenir en Roumanie, ou préfère-t-il l’encourager à tenter sa vie à l’étranger ? Aujourd’hui, la Roumanie est-elle votre maison ?
« Oui, je me sens chez moi. Le fait que j’ai vécu dans trois pays jusqu’à présent me fait dire que votre maison est là où votre famille se sente chez elle. En même temps, quand j’arrive en Macédoine, je me sens aussi chez moi. J’ai de la famille en Macédoine, des gens qui me sont chers.
Quant à l’avenir de mon enfant, votre question me met dans l’embarras. Peu de parents seraient en mesure de donner une réponse à cette question. Nous ignorons ce que l’avenir nous réserve. Certes, des villes comme Cluj, peut-être Timișoara, Bucarest certainement peuvent se prévaloir d’une bonne qualité de vie, des opportunités qu’elles offrent. Encore faut-il trouver un bon travail, bien gagner sa vie et puis savoir gérer le stress inhérent au rythme d’une grande ville. De toute manière, il est bien trop tôt pour envisager un tel choix. Mon fils vient seulement de débuter sa vie d’élève. Certes, nous essayons de lui offrir autant d’opportunités que possible, lui faire connaître et vivre plus que ce que nous avons eu, et nous espérons qu’il saura faire ses propres choix le moment venu. C’est le plus important. »
S’il devait pouvoir réaliser un échange culturel entre ces pays chers à son cœur, la Roumanie et la Macédoine du Nord, que pourraient-ils s’apporter l’un à l’autre ?
« Ce sont deux pays très proches à bien d’égards. En termes culturels, en cuisine, en musique, dans la manière de vivre. Le fait que la Macédoine soit un pays légèrement plus petit fait qu’il a un air plus convivial, plus familial. On passe aussi plus de temps en famille. Cluj, ma ville d’adoption, finit par être très peuplée. Il faut planifier si on veut aller quelque part, mais c’est normal, je pense. Avec la croissance de la ville, c’est un peu normal. A l’inverse, je ne sais pas si j’apporterais quelque chose de Roumanie en Macédoine, car je n’ai pas l’intention de retourner en Macédoine. Ma vie en ce moment est ici et continue ici. Je n’ai pas l’intention d’y retourner. » (Trad. Ionut Jugureanu)