Cela Neamţu, la grande dame de la tapisserie roumaine
Eugen Cojocariu, 11.02.2022, 13:18
Parlons
tapisserie, un art dont on parle trop peu de nos jours. Les tapisseries de Cela
Neamţu ont fait le tour du monde. D’Allemagne en Israël, de Turquie en Alaska,
en passant par Lausanne, en Suisse, qui est une sorte de Mecque de cet art, les
créations de cette Roumaine ont été présentées dans les plus grandes galeries
internationales. Cela Neamţu a aussi été récompensée pour ses œuvres, de la
médaille d’or à Paris, en 2006, ou encore du prix « Ion Andreescu »
accordé par l’Académie roumaine, en 2011, pour l’ensemble de son activité.
Pour
la fin 2021, l’artiste a proposé au public une exposition
personnelle intitulée « Au fil de la création. Dessin, miniature,
sérigraphie », accueillie par la Galerie Senso de Bucarest. Que peut-on y
admirer ? C’est Cela Neamţu elle-même qui répond : « Ce
sont des souvenirs que j’ai très à cœur, remontant aux années 79-80. Ce sont de
sérigraphies et des dessins, pas de tapisseries. J’avais préparé pour la fin
novembre une autre exposition pour la bibliothèque de l’Académie (…) mais à
cause de pandémie, elle n’a pas pu se concrétiser. J’espère pouvoir la mettre
sur pied cette année sous le titre « Dessins derrières les fils ». Ici, je
parle du fil de la création, un titre très inspiré trouvé par la commissaire de
mon exposition, Ana Sultana. Il porte un message symbolique : on laisse
derrière une année pleine et on aimerait que la nouvelle année soit de même.
Bref, après une année d’interdictions, si Dieu le veut, on espère bien
retrouver la normalité. C’est ce dont tout le monde rêve. Au-delà de ça,
j’expose des miniatures faisant partie du cycle que j’ai intitulé « Chaos et
ordre ». Certaines ont été réalisées il y a trois ou quatre ans. J’ai
trouvé l’inspiration dans un salon de miniatures textiles du Musée du paysan
roumain de Bucarest, dont j’aime bien la thématique : la dot. Moi,
j’ai fait des collages de « bouts de beauté », dont j’ai tissé ce que j’ai
appelé « la chemise de l’éternité de notre nation ». J’ai pris tant de
joie à travailler ! C’était comme si je jouais ! Lorsque j’étais
petite, je jouais sur la véranda de ma maison avec des bouts de tissu. Ma mère
cousait et me donnait des morceaux dont elle n’avait plus besoin. Je me
souviens toujours la joie et l’émotion que j’éprouvais en jouant avec ces
morceaux ! C’est ce que je fais maintenant aussi ! C’est une
véritable joie pour moi que de mettre ensemble des bouts de tissus ! »
La
pandémie a quand même offert un beau cadeau à notre invitée : du temps
dans son atelier. Cela Neamţu avoue : « Ce soir j’ai fait une
exception pour sortir. Mais autrement, j’ai bien profité de cette liberté du
temps. Un temps sans obligations, sans autre travail, un temps qui n’appartient
qu’à moi dans mon atelier. Je me suis rendu compte combien de temps j’ai
gaspillé dans ma jeunesse. Maintenant j’ai tout le temps du monde pour passer
dans mon atelier. En 2020, j’ai fait une tapisserie d’un bout à l’autre et je
l’ai exposée en septembre au Palais de la Culture de Iasi. A mon avis, c’est
une véritable bénédiction – pouvoir travailler, trouver son chemin, mettre à
profit sa créativité. »
Avec
sa vitalité admirable, Cela Neamţu nous a parlé de l’année 2021 et de ce que
cette année a été pour elle : «Ce fut une année bénéfique pour moi. Une
année d’anniversaire aussi, car je suis née en 1941. Alors, j’ai voulu
montrer mes ouvrages. J’ai rangé mes dessins. J’ai lancé le projet
« Au fil de la création », j’ai exposé à Cluj ma grande tapisserie. Ce fut
quelque chose d’extraordinaire. Des lycéens et des étudiants sont venus la
voir. En fin de compte, la tapisserie est un métier, un métier méconnu, en voie
de disparition même. Alors que ces racines remontent à l’Antiquité ! Vous
savez, depuis l’époque de Pénélope le monde n’a jamais cessé de tisser ! »
En
attendant les surprises que cette année lui apportera, Cela Neamţu continue à
tisser, et en plus, avec beaucoup de joie. (Trad. Valentina Beleavski)