Beverley-Jane Stewart, artiste britannique d’origine roumaine
Carmen Pelin, 14.01.2022, 12:47
Beverley-Jane Stewart est une artiste visuelle complexe qui raconte dans
son art l’histoire des Juifs qui ont quitté leurs lieux d’origine – dans le cas
de sa famille, la Roumanie – pour trouver leur place ailleurs dans le monde.
Ses œuvres combinent la couleur et le détail qui suggèrent la réalité
d’aujourd’hui, avec des images frustes, en bois brûlé ou des photographies en
noir et blanc, respectivement en jaune et blanc, comme elles l’étaient à
l’époque de ses arrière-arrière-grands-parents, qui avaient une usine de
fabrication de tonneaux.
Une exposition d’œuvres de l’artiste est organisée du jusqu’au 31
janvier par l’Institut culturel roumain de Tel Aviv. Elle est intitulée «
Voyage dans le temps, vers les racines roumaines ». L’exposition comprend des
œuvres de peinture, de gravure et de collage, inspirés suite aux voyages de
recherche entrepris par l’artiste, en trois années différentes, en Roumanie,
sur les traces de ses ancêtres. Ainsi, l’artiste présente dans ses œuvres des
aspects architecturaux et culturels de villes roumaines auxquelles ses racines
roumaines sont liées ou qui ont eu d’importantes communautés juives, comme Alba
Iulia, Timişoara, Bucarest, Botoșani, Galaţi, Sibiu ou encore Sighet.
Beverley-Jane Stewart : « Toutes ces œuvres sont récentes. Elles sont
toutes inspirées par mes voyages en Roumanie. Je suis allée en Roumanie trois
fois. J’ai d’abord été invitée à visiter ce pays et c’est là que j’ai commencé
à penser à mes racines. La deuxième fois, j’ai exploré une bonne partie de la
Roumanie, à la recherche de l’héritage patrimonial juif, avec ce qui existait
dans le passé et ce qui restait lors de mon passage. Quant à ma dernière visite,
elle a été à Timişoara et à Sighet. Là, j’ai été intéressée par l’histoire des
Juifs et ce qui est resté dans la communauté et peut encore être considéré
aujourd’hui comme la contribution des Juifs. Je suis allée à Alba Iulia. Alba
Iulia est intéressante, parce qu’elle a ouvert ses frontières aux Juifs, quand
les Turcs ont ouvert les frontières aux Juifs, qui fuyaient l’Inquisition
espagnole. Les Juifs étaient torturés et exécutés en Espagne, alors ils ont dû
la quitter vers 1400. Vous pouvez donc voir dans ma peinture des scènes de
Juifs exécutés et forcés à quitter l’Espagne et à se rendre en Turquie, où ils
ont continué leur commerce. A un moment donné, les Turcs se sont opposés à ce
que les Juifs fassent du commerce. Puis le roi de Hongrie, qui administrait
également Alba Iulia (centre) a
ouvert les frontières de la ville pour accueillir les Juifs. Les Juifs de
Turquie sont donc venus à Alba Iulia. Il y avait des Juifs séfarades, venus du
Moyen-Orient, d’Espagne, puis de Turquie et qui ont fini par bénéficier de toute
la liberté en Transylvanie. Ils avaient droit à leur propre synagogue, ils
avaient leurs maisons, alors maintenant dans la ville, on peut non seulement
voir l’ancienne synagogue, qui fonctionnait aussi comme un tribunal, un lieu de
prière et d’étude, mais aussi un lieu d’échange bancaire. Toutefois, au-delà de
la synagogue, les Juifs ont joué un rôle important dans la région. Mon premier tableau
sur la Roumanie a donc été inspiré par Alba Iulia. »
L’artiste a ajouté : « Quand j’ai consulté les archives pour voir ce qui est arrivé aux Juifs
pendant la guerre, j’ai trouvé une source personnelle et directe, un rabbin qui
avait vécu l’expérience de l’Holocauste à Alba Iulia. La communauté locale soutenait
les Juifs aussi, mais la Garde de fer était une organisation très forte et
avait une grande influence. La communauté locale était vraiment bouleversée par
ce qui s’était passé, par la Shoah. Et tout cela est écrit dans le journal du
rabbin de l’époque. Certains Juifs d’Alba Iulia sont arrivés dans les camps, mais
beaucoup ont survécu soutenus par la communauté locale. »
En 2019, l’artiste a effectué une deuxième visite en Roumanie sur les
traces de sa famille : « Ma famille est originaire de Botoşani, que ma grand-mère et mon
arrière-grand-mère ont quitté pour Londres au début des années 1900, mais une
partie de la famille est restée à Botoşani. J’ai trouvé des cartes postales par
lesquelles ma famille correspondait de Londres avec ceux qui restaient à
Botoşani. Après l’Holocauste, cette partie de la famille a disparu. Je suis
donc allée à Botoşani, pour retrouver des liens avec le passé, et ce que j’ai découvert était très intéressant. Par
exemple, certains de mes ancêtres sont enterrés dans l’ancienne partie du
cimetière, une zone sauvage aujourd’hui. Et aussi les pierres tombales et les
images sur les tombes sont répétées dans les sculptures de mon grand-père. Mon
grand-père a sculpté en bois, il a fait des meubles et différentes œuvres en
bois, et ses modèles ressemblaient beaucoup à ceux que j’ai vus au cimetière.
Donc, dans l’exposition, je présente un certain nombre de photographies que
j’ai prises moi-même, et j’illustre également une peinture de la photo de mes
grands-parents, prise en Roumanie ; puis, je suis leur voyage à Londres. »
L’exposition de Beverley-Jane Stewart « Voyage dans le temps, vers les
racines roumaines » peut être visitée jusqu’au 31 janvier 2022 à l’Institut
culturel roumain de Tel Aviv. (Trad. Ligia Mihaiescu)