Andrea Fogliazza (Italie)
Andrea Fogliazza vient d'Italie, et plus précisément d'un village italien situé à proximité de la ville de Parme. Devenu bucarestois d’adoption depuis de nombreuses années, il a ouvert sa propre entreprise et donne des cours de conduite défensive. Mais pourquoi a-t-il choisi de venir s’installer en Roumanie ? Témoignage.
Hildegard Ignătescu, 17.07.2024, 10:59
Pourquoi la Roumanie ?
Andrea Fogliazza vient d’Italie, et plus précisément d’un village italien situé à proximité de la ville de Parme. Devenu bucarestois d’adoption depuis de nombreuses années, il a ouvert sa propre entreprise et donne des cours de conduite défensive.
Mais pourquoi a-t-il choisi de venir s’installer en Roumanie ?
Andrea Fogliazza : « Je suis arrivé en Roumanie pour la première fois en 2002, puis je me suis progressivement décidé à m’installer ici à partir de 2009. Ce n’est qu’en 2013 que j’ai ouvert mon entreprise. Dans le passé, j’étais passionné par la moto, j’étais un inconditionnel de la moto, puis j’ai eu un accident un peu compliqué et je suis passé à la voiture. Lorsque je suis arrivé en Roumanie en expat je m’occupais d’informatique et des services informatiques pour le compte d’une multinationale. Entre-temps, nous avions présenté un projet à la BMW en Allemagne, un projet qu’ils ont approuvé en 2012 puis, en 2013, nous avons démarré la collaboration. Avant 2002, je travaillais déjà dans la société mère italienne, dans son siège de Modène, en informatique. Et déjà à l’époque l’on pouvait constater une forte augmentation du nombre d’informaticiens roumains, tandis qu’en Italie, il était dévenu difficile de dénicher des personnes spécialisées dans ce domaine. Et c’est ainsi que mon entreprise de Modène a choisi d’ouvrir sa première succursale en Roumanie, dans la ville de Cluj.
Quant à moi, je me suis engoufré dans cette niche : le développement de logiciels. L’entreprise a progressivement pris son envol, et d’une entreprise qui comptait initialement 15 employés, nous sommes arrivés à 100, puis 200, puis 500, jusqu’à atteindre 1.200 employés répartis dans trois filiales, à Iași, Oradea et Bacău. Je suis arrivé en Roumanie à cette époque, en 2002, lorsque l’expansion démarrait. Ce fut une belle aventure. Je suis né en 1973, et j’ai vécu, jeune, de très belles années en Italie. De 1983 à 1998 disons, c’était probablement la plus belle période de l’Italie moderne. Il y avait beaucoup d’enthousiasme, les gens travaillaient, il y avait une forte croissance économique, il y avait beaucoup d’argent sur le marché, de nombreuses entreprises qui se développaient. Et j’ai grandi dans un environnement où les gens étaient heureux, on socialisait, on se retrouvait autour d’un café le soir, nous nous asseyions là pour raconter des histoires, nous parlions jusqu’au petit matin. A partir des années 2000, 2002, le vent a tourné. Il y avait des signes avant-coureurs des crises à venir, les gens ne sortaient plus autant, l’esprit communautaire s’effilochait.
Ensuite, lorsque je suis arrivé en Roumanie, que je marchais dans le vieux centre de Bucarest ou à Iași, dans le quartier Copou, j’ai pu ressentir à nouveau cet optimisme, l’air frais de cette envie de vivre avec ce qu’on avait. Vous pouviez rester trois heures devant une bière, deux heures devant un café. Et d’une manière ou d’une autre, j’ai retrouvé exactement la même ambiance que j’avais connue en Italie dans ma jeunesse, cette capacité à s’amuser avec des amis, à raconter des histoires avec des amis, que l’on ait de l’argent ou pas. Goûter aux plaisirs simples de la vie. »
La Roumanie, un nouveau chez soi
Andrea Fogliazza a été séduit par la Roumanie. Il s’y est établi, a fait sa vie et a bâti sa carrière dans son pays d’adoption.
Mais qu’est-ce aujourd’hui la Roumanie pour lui ?
Andrea Fogliazza : « La Roumanie c’est mon chez moi, c’est ma maison. Mais la Roumanie a à son tour été touchée par la crise financière de 2008. A cause de cette crise, à cause de l’apparition de certaines lois qui ont commencé à entraver le développement de l’entreprise où je travaillais à l’époque, la société mère a décidé de déménager les activités de la filiale roumaine en Albanie. Or, je ne voulais pas quitter le pays, et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à étudier le marché, à voir ce que l’on pouvait faire, et en 2013 nous avons décidé de lancer notre propre entreprise. Puis, à cette époque j’ai rencontré une très belle fille, une Roumaine, qui est aujourd’hui ma femme. En 2018 notre petite fille est née. Pour moi, la Roumanie est aujourd’hui ma maison, d’autant que pendant la période du Covid-19, pendant un an et demi, je ne suis pas sorti d’ici, et que des amitiés solides se sont nouées. J’ai compte beaucoup de très bons amis roumains, alors que j’en compte beaucoup moins d’italiens.
Certes, au départ, c’était plus difficile de comprendre la marche des choses. Je parle de la fiscalité, de certaines choses qu’on ne découvre que lorsque l’on entre dans les détails. Mais partout où j’allais, dans n’importe quelle institution dont j’avais besoin, peu importait la raison, l’on me parlait gentiment, il y avait de l’écoute, une volonté de résoudre, de solutionner les choses auxquelles je me voyais confronter. Quant à nous, nous avons essayé d’agir de façon honnête dès le départ, et de faire les choses comme il faut. Nous savions dès le début que l’on voulait bâtir une entreprise qui dure. Aussi, nous avons mis sur pied un plan de croissance. Je viens d’Italie, où l’entreprise est souvent héritée, où elle est le fruit d’une longue tradition. Il n’existe pas cette approche qui consiste à mettre sur pied et développer durant trois années une entreprise pour la vendre au plus offrant et engranger le plus de bénéfices au bout de cette période. Or, je crois qu’il manque aux entrepreneurs roumains cette vision du long terme, de la durabilité. »
Clin d’oeil sur le système éducationnel roumain
Nous avons demandé à Andrea Fogliazza ce qu’il aimerait voir améliorer en Roumanie.
Andrea Fogliazza : « Ecoutez, je vis en ce moment une situation particulière qui concerne ma petite fille. Ce que je n’aime pas, c’est que ma petite fille suive son parcours scolaire dans une école maternelle privée. Jusqu’à mon arrivée en Roumanie, je ne savais même pas qu’il existait des jardins d’enfants ou des écoles privées, parce qu’en Italie l’on ne va dans une école privée que si on ne veut pas apprendre. Ceux qui veulent apprendre vont à l’école publique, et là-bas vous avez tout ce dont vous avez besoin. Si tu n’en as pas envie, alors tu vas dans une école privée. Mais là où le bât blesse en Roumanie c’est que l’on est pratiquement poussé vers le système privé, alors alors que le système public pâtit du désintéressement de l’Etat et de l’absence d’investissements. Et à l’heure qu’il est je suis en train de discuter avec ma femme à ce sujet, et il se puisse que l’on soit obligé d’envoyer notre fille en Italie pour qu’elle puisse suivre ses cours au sein de l’école publique. Or ce genre de défaillances, cette démission de l’Etat de ses missions fondamentales est perceptible non seulement dans le système de l’éducation, mais aussi dans le domaine de la santé. Pour moi, cela constitue un énorme gâchis. En procédant ainsi, en ségrégant les enfanyts, les gens, l’on perd son identité. La société ne peut exister en l’absence de ces services de base que sont la santé et l’éducation. »
Un sens du civisme qui inspire
Mais qu’est-ce qu’il apprécie le plus en Roumanie et, surtout, qu’aimerait-il emporter d’ici dans son Italie natale ?
Andrea Fogliazza : « Le sens du civisme politique pour sûr. Je me suis engagé à mon tour lors de ces mobilisations populaires pour la défense de la démocratie et de l’Etat de droit. Et j’ai grandement apprécié la capacité de mobilisation des Roumains lors de ces manifestations. C’était incroyable! En Italie, je n’aurais jamais vu cela, une grande manifestation organisée, comme lors du mouvement « Résistons ! », sur la place Victoriei, c’était impressionnant. Cet esprit de mobilisation. J’ai trouvé incroyablement beau que tout le monde se mobilise et réussisse à faire bouger les lignes. J’apprécie encore cet esprit de convivialité, le fait que les gens savent se rassembler dans le parc, rire, s’amuser, et ce quels que soient les problèmes ou la situation financière auxquels ils se voient confronter. J’apprécie aussi l’endurance des Roumains. J’ai des amis qui travaillent dans des domaines où ils se voient confronter à plein de difficultés. Pourtant, ils font preuve de patience, ils n’abandonnent pas, ils s’accrochent, ils ne lâchent pas. Enfin, l’inventivité. »
Le trafic routier, un grand souci
Enfin, dernière question, qu’est-ce qu’Andrea Fogliazza aimerait apporter de l’Italie à la Roumanie ?
« Si nous parlons, par exemple, du trafic routier, là il y a vraiment un gros souci. Et c’est bien pour cela que j’ai ouvert mon auto-école de conduite préventive. Lorsque je vois certains comportements, certaines situations où je n’étais au fond que spectateur, mais où vous voyez des gens qui s’empoignent au beau milieu d’un carrefour pour le non respect d’une règle de priorité, là j’ai mal. Pourtant, les choses évoluent dans le bon sens vous savez. On le constate lors des événements qu’on organise. Il y a de plus en plus de jeunes qui prennent part à ces événements et ils sont beaucoup plus respectueux, ils conduisent mieux, de manière préventive. Mais il y a encore des situations telles que celle que j’avais mentionné. Il manque encore une certaine déférence, un certain respect à l’égard des autres. Et je crois qu’en Italie, nous accordons plus d’attention au client, à l’usager, à la qualité du service, aux gens, à la façon dont nous saluons les gens lorsqu’ils entrent dans notre magasin, à la façon dont nous leur parlons, et pour tout vous dire je tiens beaucoup à ces formes de civilité. »(Trad. Ionut Jugureanu)