Traditions pascales des orthodoxes de Roumanie
La Semaine sainte, c’est-à-dire la dernière semaine avant Pâques, débute après le Dimanche des Rameaux, dernier dimanche précédant le dimanche de Pâques, et culmine par le Vendredi saint, pour faire ensuite place à la joie de la nuit de la Fête de la Résurrection.
L’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu nous éclaire sur les multiples significations des fêtes pascales pour les chrétiens d’Orient, et notamment pour ceux qui vivent en Roumanie : « Pâques représente la fête la plus importante des Roumains et, plus largement, de tous les chrétiens orthodoxes. Par rapport aux autres chrétiens de l’Ouest de l’Europe, où la fête de Noël demeure primordiale, pour les croyants de Roumanie, de Russie, d’Ukraine, de Grèce, mais aussi de Syrie, de Palestine ou d’Egypte, Pâques est la fête la plus importante du calendrier. Pendant les premiers siècles de l’ère chrétienne, les apprentis des premiers apôtres sont arrivés dans ce qu’était alors le territoire de la Roumanie actuelle, dans la région de Dobroudja, qu’ils ont traversée. C’est probablement à ce moment-là que Pâques est devenue une fête particulièrement importante. Selon certains ethnographes et historiens roumains, il est probable à ce que Pâques ait cannibalisé d’autres fêtes païennes, communes aux peuples thraces et géto-daces, et qui marquaient l’arrivée du printemps et le renouveau de la nature. Mais parce que l’essence du christianisme est concentrée dans le miracle de la Résurrection du Seigneur, elle fait que la fête de Pâques soit devenue la plus importante fête des peuples qui vivent à l’Est de l’Europe et de la Méditerranée. En 1925, l’Eglise orthodoxe de Roumanie a été élevée au rang de Patriarcat. Depuis lors, la fête de la Résurrection a lieu à minuit, et c’est des mains du patriarche que les croyants prennent la lumière symbolisée par les cierges allumés. »
Peindre les œufs de Pâques et préparer les mets traditionnels constituent les occupations principales des ménages roumains durant cette période. La région de Maramureş (région historique, située dans le nord de la Roumanie) est peut-être la région où les traditions liées aux fêtes pascales sont le mieux respectées.
Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, raconte la manière dont se déroule la Semaine sainte dans le respect des traditions : « Le lundi de la Semaine sainte on va aérer les vêtements, on les sort au soleil, car l’habit doit se renouveler, et le soleil a depuis toujours cette qualité de pouvoir purifier. Les premiers jours de la Semaine sainte sont donc destinés au nettoyage, de fond en comble. Dans les maisons en torchis d’autrefois, les locataires réparaient le sol et les murs. Puis, à partir du Jeudi saint, on commence à préparer les mets pour la grande fête pascale. Car le Vendredi saint il est généralement défendu de pétrir la pâte ou d’utiliser le four, alors tout ce que l’on prépare se doit d’être prêt dès jeudi. Le jeudi avant Pâques est d’ailleurs appelé le Jeudi des œufs peints, car c’est le jour où on fait cette activité. Mais c’est aussi le moment de faire la charité en souvenir des trépassés, ou encore de faire la paix avec tout le monde. Il n’y a pas de règle à faire don des œufs peints à l’occasion. Les œufs peuvent aussi être crus, mais il est important que tout le monde, les familles pauvres comme les autres, puissent fêter dignement la Résurrection du Seigneur. Le Vendredi saint est, depuis toujours et sans exceptions, un jour de repos. Il est censé être un jour dédié à la méditation, à la prière. Il faut jeûner toute la journée, respecter sans faille le carême, pour racheter le pêché collectif d’avoir acculé le Sauveur au sacrifice suprême. Le samedi, l’activité reprend, on pétrit la pâte, on prépare le gâteau traditionnel de Pâques, sorte de galette, faite de pâte et de fromage frais. La confection de cette galette trouve ses origines dans un rite agraire. Elle contient des ingrédients d’origines à la fois végétale et animale, et ce mélange est supposé réaliser un transfert de puissance, de force, depuis le végétal et l’animal vers l’humain. Enfin, le sacrifice de l’agneau, qui a toujours lieu le samedi, est supposé symboliser le sacrifice du Rédempteur. La viande d’agneau est préparée de manière rituelle. Une sorte de pain de viande d’agneau préparée au four et appelé « drob » est servi en entrée, alors que le ragoût d’agneau aux oignons frais, appelé « stufat » constitue, avec l’agneau farci, le plat de résistance. »
Aussi, dans la tradition roumaine, lors des fêtes religieuses on ne va pas consommer d’aliments, quelle que soit leur origine, avant de les avoir fait bénir. C’est donc que le panier de Pâques était ainsi une forme de bénédiction des mets qui allaient être consommés lors du repas de fête, lorsqu’il fallait respecter un certain code alimentaire dont, sans faute, l’œuf peint.
Monica Chiorpec, 28.04.2021, 13:13
La Semaine sainte, c’est-à-dire la dernière semaine avant Pâques, débute après le Dimanche des Rameaux, dernier dimanche précédant le dimanche de Pâques, et culmine par le Vendredi saint, pour faire ensuite place à la joie de la nuit de la Fête de la Résurrection.
L’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu nous éclaire sur les multiples significations des fêtes pascales pour les chrétiens d’Orient, et notamment pour ceux qui vivent en Roumanie : « Pâques représente la fête la plus importante des Roumains et, plus largement, de tous les chrétiens orthodoxes. Par rapport aux autres chrétiens de l’Ouest de l’Europe, où la fête de Noël demeure primordiale, pour les croyants de Roumanie, de Russie, d’Ukraine, de Grèce, mais aussi de Syrie, de Palestine ou d’Egypte, Pâques est la fête la plus importante du calendrier. Pendant les premiers siècles de l’ère chrétienne, les apprentis des premiers apôtres sont arrivés dans ce qu’était alors le territoire de la Roumanie actuelle, dans la région de Dobroudja, qu’ils ont traversée. C’est probablement à ce moment-là que Pâques est devenue une fête particulièrement importante. Selon certains ethnographes et historiens roumains, il est probable à ce que Pâques ait cannibalisé d’autres fêtes païennes, communes aux peuples thraces et géto-daces, et qui marquaient l’arrivée du printemps et le renouveau de la nature. Mais parce que l’essence du christianisme est concentrée dans le miracle de la Résurrection du Seigneur, elle fait que la fête de Pâques soit devenue la plus importante fête des peuples qui vivent à l’Est de l’Europe et de la Méditerranée. En 1925, l’Eglise orthodoxe de Roumanie a été élevée au rang de Patriarcat. Depuis lors, la fête de la Résurrection a lieu à minuit, et c’est des mains du patriarche que les croyants prennent la lumière symbolisée par les cierges allumés. »
Peindre les œufs de Pâques et préparer les mets traditionnels constituent les occupations principales des ménages roumains durant cette période. La région de Maramureş (région historique, située dans le nord de la Roumanie) est peut-être la région où les traditions liées aux fêtes pascales sont le mieux respectées.
Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, raconte la manière dont se déroule la Semaine sainte dans le respect des traditions : « Le lundi de la Semaine sainte on va aérer les vêtements, on les sort au soleil, car l’habit doit se renouveler, et le soleil a depuis toujours cette qualité de pouvoir purifier. Les premiers jours de la Semaine sainte sont donc destinés au nettoyage, de fond en comble. Dans les maisons en torchis d’autrefois, les locataires réparaient le sol et les murs. Puis, à partir du Jeudi saint, on commence à préparer les mets pour la grande fête pascale. Car le Vendredi saint il est généralement défendu de pétrir la pâte ou d’utiliser le four, alors tout ce que l’on prépare se doit d’être prêt dès jeudi. Le jeudi avant Pâques est d’ailleurs appelé le Jeudi des œufs peints, car c’est le jour où on fait cette activité. Mais c’est aussi le moment de faire la charité en souvenir des trépassés, ou encore de faire la paix avec tout le monde. Il n’y a pas de règle à faire don des œufs peints à l’occasion. Les œufs peuvent aussi être crus, mais il est important que tout le monde, les familles pauvres comme les autres, puissent fêter dignement la Résurrection du Seigneur. Le Vendredi saint est, depuis toujours et sans exceptions, un jour de repos. Il est censé être un jour dédié à la méditation, à la prière. Il faut jeûner toute la journée, respecter sans faille le carême, pour racheter le pêché collectif d’avoir acculé le Sauveur au sacrifice suprême. Le samedi, l’activité reprend, on pétrit la pâte, on prépare le gâteau traditionnel de Pâques, sorte de galette, faite de pâte et de fromage frais. La confection de cette galette trouve ses origines dans un rite agraire. Elle contient des ingrédients d’origines à la fois végétale et animale, et ce mélange est supposé réaliser un transfert de puissance, de force, depuis le végétal et l’animal vers l’humain. Enfin, le sacrifice de l’agneau, qui a toujours lieu le samedi, est supposé symboliser le sacrifice du Rédempteur. La viande d’agneau est préparée de manière rituelle. Une sorte de pain de viande d’agneau préparée au four et appelé « drob » est servi en entrée, alors que le ragoût d’agneau aux oignons frais, appelé « stufat » constitue, avec l’agneau farci, le plat de résistance. »
Aussi, dans la tradition roumaine, lors des fêtes religieuses on ne va pas consommer d’aliments, quelle que soit leur origine, avant de les avoir fait bénir. C’est donc que le panier de Pâques était ainsi une forme de bénédiction des mets qui allaient être consommés lors du repas de fête, lorsqu’il fallait respecter un certain code alimentaire dont, sans faute, l’œuf peint.
Florin-Ionuţ Filip Neacşu, précise : « Dans toutes les régions du pays il est de coutume d’emmener à l’église les mets préparés pour le repas de Pâques, pour qu’ils soient bénis par les prêtres, avant de pouvoir les consommer. Il s’agit notamment des œufs de Pâques, peints notamment en rouge, et symbolisant vie et renaissance. Il s’agit paraît-il d’une vieille coutume d’origine celte ou thrace. Puis des plats traditionnels, et il ne faut pas oublier la « ciorba » d’agneau, une soupe aigre délicieuse. A l’instar des traditions pascales juives de Palestine, il est de coutume à ce que l’on sacrifie des agneaux, des moutons ou des chèvres. D’un point de vue étymologique le mot « Pâque » signifie « passage » en hébreu, et le terme a été repris par les chrétiens, vu comme un passage vers la lumière par la Résurrection. En Bucovine, en Bessarabie, en Moldavie et même dans la partie est de la Transylvanie, à côté du « cozonac » (sorte de gâteau traditionnel) les autres mets traditionnels sont le « drob » (terrine d’agneau au four), la galette traditionnelle, décorée d’une croix ».
Dans la région de Maramureş on trouve une coutume qui a peu survécu dans les autres régions historiques du pays. Il s’agit de la bénédiction de la galette de Pâques et des mets qui seront servis le dimanche de Pâques, lors du repas rituel. Aussi, le jeûne se prolonge dans le Maramures pendant la nuit de samedi à dimanche. Ce n’est que le dimanche matin que l’on peut rompre le jeûne, lorsque les gens rapportent de l’église, à la fin de la messe de Pâques, qui ne s’achève qu’au petit matin, les plats que le prêtre a bénis. Aussi, la bénédiction des mets se fait selon un rituel particulier. Devant les églises, on peut observer la nuit de Pâques des rangées de croyants attendent avec leurs paniers joliment décorés des tissus aux motifs traditionnels, chacun portant les signes distinctifs de sa famille », précise l’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu. (Trad. Ionut Jugureanu)