Préparatifs pour Noël dans les villages roumains
Jadis,
les préparatifs de Noël dans les villages roumains commençaient à la mi-décembre.
Le coup d’envoi des préparatifs gastronomiques et des spécialités à base de
viande de porc, des « cozonaci » – brioches traditionnelles farcies
de noix et d’autres plats de fête que toute la communauté déguste en cette
période est marqué le 20 décembre, appelé le jour de l’ « Ignat ».
Monica Chiorpec, 24.12.2022, 06:14
Jadis,
les préparatifs de Noël dans les villages roumains commençaient à la mi-décembre.
Le coup d’envoi des préparatifs gastronomiques et des spécialités à base de
viande de porc, des « cozonaci » – brioches traditionnelles farcies
de noix et d’autres plats de fête que toute la communauté déguste en cette
période est marqué le 20 décembre, appelé le jour de l’ « Ignat ».
Explication
avec Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare : « L’Ignat
est plutôt connu dans la région située à l’extérieur de l’arc des Carpates
roumaines. Même à l’intérieur de celui-ci il est attesté dans de vieux recueils
folkloriques, mais il est désormais entré dans une mémoire passive. Les
habitants des lieux connaissent l’Ignat moins comme une fête ancienne, mais
plutôt comme une fête religieuse. Dans le sud et l’est de la Roumanie, ce
moment est étroitement lié à la nourriture et à la découpe du cochon. C’est le
20 décembre qu’à l’occasion de ce que l’on appelle « l’Ignat des
Cochons » les familles paysannes sacrifient le cochon qu’ils élèvent durant
l’année. La race du cochon et notamment sa couleur noire ou blanche étaient
très importantes. Le porc noir était et plus précisément son saindoux et son
sang étaient utilisés pour toute sorte d’incantations et de cures contre les
maladies. Mélangé à la farine d’avoine, le sang de porc noir était utilisé
comme médicament pendant toute l’année par les malades de la maison. C’était un
traitement soigneusement préservé dans la mémoire du paysan roumain. A partir
du saindoux du cochon noir, les paysans préparaient différents oignements en y
mélangeant d’autres produits naturels. »
Le
moment de l’Ignat est mentionné dès l’Antiquité et semble être issu d’un ancien
rituel de célébration du Soleil. Les chrétiens orthodoxes rendent hommage le 20
décembre au sacrifice du Saint Ignatie au nom de la foi. Son nom est donc à à
l’origine de cette fête populaire. Chaque famille paysanne qui se respecte doit
absolument sacrifier un cochon pour le préparer et le transformer en plats et
spécialités servies à Noël. De nos jours encore, à Noël, il faut mettre sur la
table de fête des saucisses, des sarmale, soit des feuilles de choux farcies,
de l’aspic, de l’andouillette et du boudin.
Delia
Suiogan : « Le cochon, il fallait le sacrifier à l’aube et le rituel
devait impliquer toute la famille. Il fallait ramasser le sang du cochon dans
un pot neuf en terre cuite et l’enterrer dans le jardin de la maison en tant
qu’élément sacré. Dans d’autres endroits le sang était bouilli pour être
ensuite utilisé dans la préparation du
boudin noir, une spécialité présente à Noël surtout dans les villages
transylvains. Le rituel de la découpe du lard était également très important.
L’aspect du lard allait donner quelques indices sur l’année suivante, sur les
membres de la famille et même sur la météo. L’épaisseur et la couleur du gras allaient
aussi indiquer plusieurs de choses. »
C’étaient
exclusivement les hommes qui opéraient la découpe de la viande de l’animal, qui
allait ensuite être utilisé pour préparer des plats à Noël. Les femmes ne
pouvaient qu’assister à cette opération et préparer les outils nécessaires. Toute
cette opération s’achevait par un plat rituel qui honorait en quelque sorte
l’animal. On choisissait des morceaux de viande, d’abats et de gras que l’on
faisait cuire dans un peu d’eau jusqu’à la fonte du saindoux, puis dans du
gras, à la façon du confit. Ensuite, lorsque ces morceaux étaient bien dorés,
on les sortait de la marmite. Salés et poivrés, il fallait ajouter de l’ail
écrasé. Ces morceaux de viande étaient accompagnés de polenta, de légumes en
saumure et de vin rouge dans le cadre d’un repas dont la spécificité résidait
justement dans le fait qu’il fallait le partager avec d’autres gens du village.
On disait que c’était même un pêché que seulement les membres de la même
famille consomment la viande de leur animal. Du coup, toute cette opération et
les rituels qui l’accompagnaient étaient une bonne occasion pour toute la
communauté de se réunir. (trad. Alex Diaconescu)