Les « martini d’automne »
Dans l’espace
roumain, la mi-novembre est marquée par une fête presque oubliée mais très importante
autrefois. « Martinii de toamna », les « martini »
d’automne étaient célébrés dans les communautés rurales des régions de montagne
afin de protéger les troupeaux d’animaux et les maisons de toute incursion des
animaux sauvages. Quelques jours durant, les paysans ne partaient pas à la
chasse et ne plaçaient pas de pièges afin d’améliorer l’humeur des
esprits de la forêt.
Monica Chiorpec, 17.11.2021, 22:39
Dans l’espace
roumain, la mi-novembre est marquée par une fête presque oubliée mais très importante
autrefois. « Martinii de toamna », les « martini »
d’automne étaient célébrés dans les communautés rurales des régions de montagne
afin de protéger les troupeaux d’animaux et les maisons de toute incursion des
animaux sauvages. Quelques jours durant, les paysans ne partaient pas à la
chasse et ne plaçaient pas de pièges afin d’améliorer l’humeur des
esprits de la forêt.
A la maison, les mères de famille ne nettoyaient pas la
maison, ni la cour et ne jetaient pas les ordures. Elles consacraient cette
journée à une activité particulière et allaient chercher les racines de
différentes plantes aux propriétés curatives. Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare : « Les femmes cherchaient toutes ces plantes aux propriétés
thérapeutiques cueillies le long de l’année et prononçaient une invocation pour
recevoir de la force curative qu’elles vont ensuite transférer aux humains. Il
y a évidemment tout un rituel dans le cadre duquel les femmes mettaient toutes
ces actions sous le signe de la puissance de l’ours. Elle recevaient ainsi une
partie de sa puissance si elles réalisaient ces rituels durant cette fête.
N’oublions pas que ce fut toujours à l’occasion de cette fête que les jeunes se
costumaient en ours pour aller visiter les familles paysannes et leur faire des
voeux. C’est une tradition qui, tout comme celles du printemps, a migré vers
l’automne. Jadis, dans les villages roumains, certaines personnes portaient des
peaux d’ours et lors d’une cérémonie publique marchaient sur les personnes
malades dans une sorte de transfert symbolique de la force et de la santé. »
Selon les croyances populaires, les personnes qui respectaient ces
règles allaient être protégées tout le long de l’hiver des influences
maléfiques. Ceux qui fêtaient les Martini d’automne étaient en même temps
protégés des mauvais esprits mais aussi des attaques des loups et des ours. Des
haches étaient suspendues aux toits des maisons en guise de protection contre
toute attaque naturelle ou surnaturelle. Bref, nous avons à faire à une fête
qui célèbre la force de la nature mettant l’ours au centre des pratiques. D’ailleurs,
le nom de « Martini » renvoie à l’ours, que les enfants appellent d’habitude
Mos Martin (Père Martin). Delia Suiogan revient avec davantage de
détails : « Dans certaines régions roumaines, cette
fête s’appelait aussi la fête de Toton Martin. La fête des martini renvoie
aussi vers une divinité, un demi-Dieu en fait présent dans l’ancien calendrier
dacique qui portait une peau d’ours et marquait l’union entre l’Homme et cet
animal. L’ours n’était pas appelé ainsi normalement. On l’appelait
« toton » ou bien « mon vieux ». Évidemment, il y a un lien
avec les ancêtres humains. Il s’agit d’un véritable culte des morts. Dans le
calendrier traditionnel, toutes ces journées qui sont consacrées aux ours précèdent
en fait les journées de commémoration des morts en hiver, en automne et au
printemps. Toutes ces fêtes invitent les personnes décédées il y a plus de sept
ans à rentrer pour aider les vivants. »
Symbole de la force, de la verticalité, mais aussi de la royauté,
l’ours est à retrouver dans nombre de légendes et contes roumains, en tant que
personnage qui aide le héros. Censées gagner sa confiance, ou bien le tenir à
l’égard des troupeaux de moutons ou de bétails, ces fêtes des
« martini » se déroulaient tant en hiver qu’au printemps. A l’instar
des autres journées de fête, soigneusement respectées jusqu’à la fin novembre
et qui culminent par la Saint Andrée, la fête des martini d’automne ouvrait annonce
l’arrivée de l’hiver. (Trad. Alex Diaconescu)