Les journées des « Martini »
Célébrée à la mi-novembre, cette fête est de moins en moins connue parmi les Roumains aujourd'hui.
Monica Chiorpec, 18.11.2023, 11:41
C’est une fête de moins en moins connue parmi les Roumains aujourd’hui.
Représentant la force, la
verticalité et la royauté, l’ours est présent dans de nombreuses légendes et
contes de fées roumains dans lesquels il seconde le héros. Par conséquent, les
anciennes communautés lui consacraient des journées entières de festivités.
Destinées à le persuader de rester loin des troupeaux de moutons ou de bovins,
ces journées, appelées en roumain « Martini » étaient observées aussi
bien en hiver qu’au printemps. Les fêtes d’automne se poursuivaient donc avec
les journées des « Martini » à partir de la mi-novembre.
Delia Suiogan,
ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, nous donne des détails :
« Dans certaines régions de Roumanie,
cette fête est également appelée la Journée de « Moș Martin ». La fête des « Martini » fait
référence à une demi-divinité de l’ancien calendrier dace, qui portait une peau
d’ours et marquait l’union entre l’homme et cet animal. L’ours n’est
généralement pas nommé, dans la tradition il est appelé « Moș » ou « ăl’ (n.a. cel) bătrân » soit « le vieil homme » en
roumain. Evidemment cela fait référence à des ancêtres mythiques. C’est un
culte des « vieux hommes ». Dans le calendrier populaire, nous
verrons que tous ces jours consacrés à l’ours surviennent avant les fêtes
appelées « Moşi » d’hiver, d’automne et de printemps.
Toutes ces célébrations annoncent à ces ancêtres, appelés « Blajini », morts depuis plus de
sept ans, qu’ils doivent revenir parmi les vivants et les aider d’une manière
ou d’une autre. »
Les communautés
traditionnelles respectaient les fêtes appelées « Martini » d’automne
pour éloigner les loups des troupeaux et des maisons.
Pendant ces jours, les
habitants n’allaient pas à la chasse ni ne tendaient pas de pièges aux animaux
sauvages, afin d’améliorer l’esprit des forêts. D’ailleurs, les femmes ne
balayaient pas la maison et ne sortaient pas les ordures, afin qu’elles ne
soient pas considérées comme jetées devant les animaux de la forêt. Les femmes
ne tressaient pas, ne tissaient pas, et ne cousaient pas. Elles n’utilisaient
pas non plus d’objet pointu. Les femmes se rendaient vers les lisières des
forêts pour chercher les racines des futures plantes médicinales et invoquer
leur pouvoir de guérison.
Delia Suiogan : « Les femmes vont vers la forêt, vers les
champs, recherchent toutes ces plantes médicinales qu’elles récolteront à
différents moments de l’année et prononcent une invocation pour recevoir la
force de guérison, qu’elles transmettront ensuite à chaque homme. Après, elles
les cueillent. Bien sûr, il y a tout un rituel. Les femmes mettent toutes ces
actions sous le signe du pouvoir de l’ours. Elles reçoivent une partie du
pouvoir de l’ours si elles font toutes ces choses ce jour-là. N’oublions pas
que, également lors de cette fête, des chants de Noël étaient chantés avec
l’ours, même si maintenant la tradition se fait, comme toutes les anciennes
fêtes de printemps, pendant les moments du chant de Noel. Autrefois, des gens
vêtus de peaux d’ours venaient dans les villages roumains et les malades
étaient piétinés par ceux qui étaient masqués. Il y a un transfert de pouvoir
de l’animal à l’homme »
Les gens croyaient que les personnes qui suivaient ces
règles seraient protégées tout au long de l’hiver des mauvaises influences.
Ceux qui respectaient les « Martini » étaient à l’abri des
« strigoi » (soit des morts-vivants), mais aussi des attaques des
loups et des ours. Sur les toits des maisons, les gens accrochaient des haches
en signe de protection. (Trad : Andra Juganaru)