Le rituel des Paparude …
La tradition des Paparude est spécifique des régions de la Roumanie où jadis lon pratiquait lagriculture intensive, à savoir dans les zones de plaine, comme celle du Danube, mais aussi dans les vallées des rivières de Transylvanie, du Banat ou de Crișana. Elle était rigoureusement respectée dans les communautés archaïques, afin que les terres agricoles reçoivent des quantités optimales deau apportées au printemps par la pluie. Les étapes et lorganisation de la fascinante procession des Paparude étaient très strictes, ce que nous raconte en détail lethnologue Florin Ionuț Filip-Neacșu.
Monica Chiorpec, 21.05.2022, 17:49
La tradition des Paparude est spécifique des régions de la Roumanie où jadis lon pratiquait lagriculture intensive, à savoir dans les zones de plaine, comme celle du Danube, mais aussi dans les vallées des rivières de Transylvanie, du Banat ou de Crișana. Elle était rigoureusement respectée dans les communautés archaïques, afin que les terres agricoles reçoivent des quantités optimales deau apportées au printemps par la pluie. Les étapes et lorganisation de la fascinante procession des Paparude étaient très strictes, ce que nous raconte en détail lethnologue Florin Ionuț Filip-Neacșu.
« Ce rite remonte à la nuit des temps et il existe tout un débat entre ethnologues et ethnographes roumains et étrangers sur la question de ses origines. On pense que cest une vieille tradition préchrétienne par laquelle on invoquait une divinité marine. Les Paparude représentaient ainsi une cérémonie consacrée à la pluie durant les périodes de sécheresse. Dans les écrits conservés de Descriptio Moldaviae, de Dimitrie Cantemir, on voit quil sagit dun groupe de jeunes filles dirigées par une femme plus âgée, elle aussi une paparudă dans sa jeunesse. Elles étaient sommairement habillées et recouvraient leur corps dun vêtement fait de feuilles darmoise et dautres plantes qui poussaient au bord de leau. Les chansons accompagnaient la constitution dun cortège funèbre qui allait noyer une poupée réalisée en pailles et en argile, incarnant la sècheresse et la fin de celle-ci grâce au retour des pluies. »
La manifestation publique du rituel des Paparude est similaire à la pratique du colindat, qui consiste, notamment pour les enfants, à aller de porte en porte pour annoncer par des chants la Nativité ou encore larrivée du Nouvel An. Le nombre de personnes qui participent au convoi peut varier, mais il est obligatoire quau moins une ou deux dentre elles portent des costumes traditionnels de feuilles ou de guirlandes de hêtre, de chêne, de noisetier et des rubans rouges. Dans cette danse rudimentaire les femmes tapent des mains en prononçant une incantation. Le groupe arpente les rues du village et se laisse asperger deau par les habitants, notamment par des femmes, entrant par la suite chez ceux qui leur offrent symboliquement des œufs, de la farine de maïs, du lait ou des bretzels roumains. Parfois, dans certaines régions du pays, on donne aux Paparude en guise de récompense de vieux vêtements ayant appartenu aux défunts. Cet aspect rattache la tradition des Paparude à un ancien culte des morts. Florin Ionuț Filip-Neacșu nous en offre encore plus de détails:
« Les villageois attendaient le cortège devant leur porte avec des seaux remplis deau et lui lançaient de largent, des fruits ou des fleurs. Daprès certains écrits conservés, le groupe des Paparude se serait constitué comme une fratrie initiatique qui déposait un serment, et le cortège avait une structure hiérarchique. Il nous reste beaucoup dimages de cette cérémonie. Aujourdhui encore, en temps de grande sècheresse, dans les villages de Roumanie, des vestiges de cette coutume refont surface, sous la forme dun jeu denfants. »
Autrefois il était nécessaire que tous les membres de la communauté y participent et, le plus important, que personne ne soit vexé sil finissait par être trempé de la tête aux pieds. Les conflits étaient considérés néfastes et auraient eu le pouvoir dannuler les effets du rituel.
(Trad. Ilinca Gângă)