Le rituel des « Paparude »
Monica Chiorpec, 27.05.2023, 12:56
Dans
la tradition roumaine pastorale et agricole, on trouve aussi des rituels visant
à aider la nature avoir assez d’eau et de chaleur tout au cours d’une année. La
pluie est toujours absolument nécessaire au bon déroulement des activités
agricoles durant l’été et, implicitement, afin d’obtenir une riche récolte à
l’automne. Ainsi, au cours du dernier mois du printemps, y-a-t-il des rituels
destinés à chasser la sécheresse et à convoquer la pluie pour arroser les
champs.
Ces
rituels sont observés par des femmes appelées en roumain des « paparude ».
On les retrouve dans plusieurs zones de la Roumanie, dont nous parle l’ethnologue Florin Ionuț Filip-Neacșu :
« Il s’agit des zones où l’agriculture intensive était pratiquée, soit
les plaines du sud du pays, et en particulier la plaine du Danube, mais aussi le
plateau central de la Moldavie (dans l’est) et les vallées des rivières de
Transylvanie ou dans le Banat et la Crișana (dans l’ouest). Cette coutume se
perd dans la nuit des temps, car les ethnologues et les ethnographes tant
roumains qu’étrangers proposent des versions différentes sur ses origines. On
pense qu’il s’agit d’une tradition préchrétienne ancienne invoquant une
divinité de l’eau. Le rituel des femmes appelées « paparude» était
une censé invoquer la pluie en période de sécheresse. Dans son ouvrage
« Descriptio Moldaviae » (La Description de la Moldavie, en latin), Dimitrie
Cantemir (un des premiers écrivains de Moldavie) décrit un groupe de jeunes
vierges menées par une femme plus âgée, qui à son tour avait été une
« paparuda» dans sa jeunesse. Celles-ci étaient légèrement vêtues, se recouvrant
d’un costume fait de feuilles d’absinthe et d’autres plantes se trouvant au bord
de l’eau. »
On
dit que lorsque les « paparude », ces invocatrices de la pluie, observent
leur rituel en parcourant le village, toutes les erreurs des femmes sont
pardonnées. Les hommes n’ont pas le droit de se fâcher s’ils sont arrosés d’eau
de la tête aux pieds, car tout mécontentement entraînerait l’annulation de la pluie. Les
enfants étaient autrefois inclus dans ce rituel, en particulier les filles qui
n’avaient pas encore atteint l’âge de l’adolescence et qui suivaient les mêmes
règles strictes que les femmes adultes participant au rituel. Aujourd’hui,
toute cette procession a un caractère plutôt ludique. Dans le passé, cependant,
la danse des « paparude » avait des étapes très bien établies et
respectées.
Florin Ionuț Filip-Neacșu nous en offre plus de détails :
« Les villageois attendaient cette procession devant leurs portes avec des
seaux remplis d’eau et ils lançaient au cortège de l’argent, des fruits ou des
fleurs. D’après certaines informations conservées par écrit, il semble que ce
groupe des « paparude » était une sorte de confrérie initiatique, qu’un
serment y était même prêté et que cette cérémonie était organisée de manière
hiérarchique. De nombreuses photographies de cette coutume ont également été
conservées. Aujourd’hui encore, en période de sécheresse, dans les villages de
Roumanie, des réminiscences de cette coutume persistent, comme une sorte de jeu
d’enfant. »
Comme
définition on pourrait dire que la coutume des « paparude » est une manifestation
collective et publique d’un acte magique visant à attirer la pluie. Au cours
des dernières décennies, ces processions au bord des rivières sont devenues un véritable
spectacle et le rituel a beaucoup changé par rapport à sa forme initiale, même
s’il est encore présent dans les régions ethno-folkloriques du sud de la Roumanie.
La danse des « paparude » se retrouve aussi chez les voisins de la
Roumanie, soit la Serbie, la Hongrie ou la Bulgarie. (Trad. Andra Juganaru)