Philippe Marsan (France) – le marché des vins de Roumanie
En Roumanie la consommation de vin se monte à 25 litres par habitant.
Ioana Stăncescu, 19.06.2015, 13:46
Nous avons invité au micro M. Dan
Muntean, président de l’Association des Producteurs et Exportateurs de vin de
Roumanie et directeur général de la société Halewood Roumanie, l’un des plus
grands producteurs autochtones de vin.
Soyez le bienvenu au micro de RRI. Votre société a une longue tradition sur le marché du vin. Comment se présente-t-il en fait ?
Dan Muntean: Le marché roumain du vin est très
important, si l’on tient compte du fait que la consommation du vin par habitant
se monte à 25 litres dans un pays comme le nôtre, de 20 millions d’habitants.
Cela situe la Roumanie en onzième position dans un classement mondial des
grands producteurs de vin de la planète. Concrètement, la quantité de vin
produit en Roumanie dépasse celle de vin obtenu par le Portugal ou l’Australie.
Une réalité très surprenante, n’est-ce pas ? Pourtant, n’oublions pas
qu’un pourcentage extrêmement important de la production est destiné à la
consommation propre.
Et pourtant, nos
vins ne sont pas très connus à l’étranger. Pourquoi ?
Dan Muntean: On
constate avec surprise que malgré la quantité importante de vin produite ici,
la Roumanie continue à figurer parmi les grands importateurs. A titre
d’exemple : dans une année où la météo fut trouble-fête et la récolte
mauvaise, notre pays a importé presque un million d’hectolitres de vin, une
quantité énorme. Malheureusement, les exportations de vin roumain ne
représentent que 5% du marché. Les Roumains sont effectivement de grands
consommateurs de vin. Prenons l’exemple de nos voisins bulgares qui, eux,
préfèrent l’eau-de-vie, ce qui fait que 80% de leur production de vin soit
destinée à l’exportation. Ou encore, les Hongrois qui exportent la moitié de ce
qu’ils produisent. Pour prendre l’exemple de mon entreprise, nous, on exporte
une bouteille sur cinq, ce qui signifie que les exportations sont de 20%.
Est-ce que les
Roumains achètent beaucoup de vin ?
Dan Muntean:
Malheureusement, pour pas mal de Roumains, le vin continue à figurer sur la
liste des produits de luxe, surtout après la crise économique de 2009 qui a
entraîné une légère chute de la consommation. Le marché du vin a diminué ces 5
dernières années de 400 millions à 300-350 millions d’euros. Le vin est
considéré comme un produit attaché à la civilisation, ce qui fait qu’à chaque
fois que le niveau de vie baisse, la consommation diminue à son tour.
Dans ce contexte,
pourquoi ne pas encourager les exportations ?
Dan Muntean: Deux
aspects sont à prendre en considération : une monnaie nationale forte,
comme c’est le cas du leu dont le taux de change par rapport à l’euro n’a pas
connu de fluctuations trop importantes, une telle monnaie donc ne privilégie
pas les exportations. Les producteurs roumains préfèrent se concentrer sur le
marché intérieur. D’autre part, n’oublions pas que la Roumanie ne fait toujours
pas belle figure en Occident. Le vin est un ambassadeur. C’est un produit dont
on cherche toujours à savoir l’origine. Et puisque les vignobles de Roumanie
sont loin d’être renommés et comme l’image de notre pays en Occident n’est pas
des meilleurs, nos vins ne sont pas trop recherchés. Les consommateurs étrangers
préfèrent acheter des vins français ou italiens.
Quels sont les vins
les plus connus de Roumanie ?
Dan Muntean: A parler
de nos vins, il convient de mentionner en tout premier lieu les cépages
autochtones et je pense notamment à la Feteasca noire ou blanche, à la
Tamaioasa (Muscat roumain) ou encore à la Busuioaca de Bohotin. Ce sont des
vins que je propose à tout consommateur qui souhaite s’aventurer à goûter
quelque chose de nouveau. Par exemple, la Feteasca Noire est le vin le plus
connu de Roumanie. C’est comme le Riesling pour l’Allemagne, le San Giovèse
pour l’Italie ou encore les célèbres vins français, Côtes du Rhône, Bordeaux,
Pinot Noir ou Cabernet Sauvignon. Autant de cépages internationaux que l’on
cultive aussi en Roumanie. Pourquoi ? Parce que vers la fin du XIXème
siècle, la viticulture planétaire a été frappée par une terrible catastrophe
provoquée par un minuscule puceron originaire d’Amérique du Nord, le
phylloxéra, qui attaque les racines des vignes. Ce minuscule ennemi a causé
d’épouvantables dégâts aux vignobles européens. La solution fut dénichée en
France par l’adoption des porte-greffes issus des plants américains résistants
au phylloxéra. Quand la Roumanie fut à son tour victime de l’attaque du
phylloxéra, les viticulteurs autochtones ont demandé l’aide des Français et
c’est ainsi que les cépages français ont pénétré en Roumanie. Comme vous voyez,
la Roumanie a une longue tradition dans la culture des vignes d’origine
française, qui sont à leur tour en partie américaines puisqu’elles sont composées
d’un greffon américain. Sur l’ensemble des cépages de
provenance française cultivés en Roumanie, rappelons le Pinot noir que l’on
cultive depuis 1900. D’origine bourguignonne, le Pinot noir est un cépage
prétentieux, ce qui rend difficile l’obtention d’un vin de grande qualité, à
même de rivaliser avec celui obtenu en France. Très peu de pays y parviennent,
à savoir la Nouvelle Zélande, certains Etats d’Amérique du Nord et quelques-uns
d’Amérique du Sud. Hé bien, la Roumanie, grâce aux dizaines d’années
d’expérience dans la culture de ce cépage d’origine française, se fait une
fierté de produire un Pinot noir de grande qualité.
Pourriez-vous nous
parler en quelques mots des cépages autochtones ? Comment c’est, par
exemple, la Feteasca noire ?
Dan Muntean : C’est un
cépage rouge qui se caractérise par des arômes de pruneaux, de fruits secs ou
encore de mûres. Ils vieillissent dans des barriques en chêne que l’on importe
de France. Sur l’ensemble des vins Feteasca noire, je mentionnerai Hyperion qui
est un vin de grande qualité au niveau planétaire. Nos vins participent aux
grands salons du vin du monde et rien que l’année dernière, nos vins Feteasca
noire et blanche se sont vu primer de la médaille d’or au Salon du vin de
Bruxelles.
Est-il difficile de
produire du vin en Roumanie?
Dan Muntean: Vous
serez certainement surpris d’apprendre que c’est une branche qui ne rapporte
pas beaucoup. En Roumanie, les grands producteurs publics ont peu à peu disparu
du marché et ont été remplacés par un tas de petits producteurs qui ne
résistent pas trop de temps à la concurrence. Personnellement, j’aimerais bien
que le marché du vin soit plus structuré, que les grandes chaînes de magasins
préfèrent la qualité au prix. Et bien sûr, j’aimerais bien que la Roumanie
attire plus de touristes qui, de retour chez eux, se souviennent avec plaisir
des vins qu’ils ont l’occasion de goûter chez nous pour aller les chercher dans
leurs magasins aussi. J’aimerais bien que la Roumanie améliore son image, une
démarche à laquelle on contribue nous aussi par les vins produits. Pas mal
d’étrangers se disent surpris par le goût et la saveur de nos vins et souvent,
les étrangers se disent surpris d’apprendre que la Roumanie figure parmi les
grands producteurs de vin d’Europe et du monde.