Paul Jamet (France) – L’Eglise orthodoxe roumaine et la vaccination
Paul sétonnait de ce que certains membres de lEglise orthodoxe roumaine prêtent main-forte pour convaincre les fidèles à se faire vacciner. Qu'en est-il exactement ?
România Internațional, 12.02.2021, 13:13
Ce n’est pas étonnant ici, Paul, car un baromètre de décembre 2020 indiquait que les Roumains accordent le taux de confiance le plus élevé à l’Eglise, plus de 70%. Avec plus de 86% de fidèles, l’Eglise orthodoxe est majoritaire dans ce pays. L’Armée arrive en 2e position, avec près de 62%, suivie par l’Académie roumaine (45%) et la mairie (43%). Avec un taux de confiance de 41%, la Police se classe cinquième, et le ministère de la Santé arrive ensuite, avec 31%. Les résultats de ce sondage ne sont pas des exceptions. Au fil des ans, si l’Eglise n’était pas première, elle était deuxième. Les dernières places, donc les entités auxquelles les Roumains font le moins confiance, sont le gouvernement, avec moins de 14%, le parlement, avec 9,5%, et les partis politiques avec 9%.
En fait, dans ce pays, les 18 cultes reconnus par l’Etat ont reçu d’importants subsides de la part de ce dernier au fil des ans. Des subventions qui ont triplé entre 2008 et 2018, par exemple, dont beaucoup pour la construction et la réparation d’églises et autres lieux de culte, mais aussi pour une partie (plus exactement 65%) des salaires des prêtres, pasteurs, imams etc. et du personnel des cultes (plus de 15 000 postes). Selon la loi, les traitements du clergé sont équivalents à ceux de l’enseignement secondaire. Les chefs des cultes (92 personnes) sont assimilés à des fonctions de dignité publique et touchent une indemnité mensuelle fixe du même ordre de grandeur que le salaire du président de la Roumanie. En plus, les cultes reçoivent également des fonds des conseils départementaux et des budgets locaux. Quant à la dynamique des allocations aux cultes, elle a été plus étoffée pendant les années préélectorales et électorales, sauf pendant les années de crise et lorsque le pays a été dirigé par un gouvernement technocrate. Pour la construction de l’immense Cathédrale du salut de la nation, en cours à Bucarest, l’Eglise orthodoxe roumaine a touché énormément d’argent de l’Etat.
Fin 1989, il existait en Roumanie 17 393 lieux de culte en tout — églises, chapelles, maisons de prière, synagogues, mosquées et autres. En 2016, l’on en dénombrait 27 384, alors qu’en 2020, plus de 28 000 ! Bien sûr, tous n’ont pas été financés par l’Etat, loin s’en faut, mais ce dernier y a contribué aussi. Seuls 38% des nouveaux lieux de culte étaient orthodoxes jusqu’en 2016, précisait l’Eglise orthodoxe roumaine. Pour comparaison, disons que de 1989 à 2016, seules 385 écoles ont été bâties en Roumanie. Il est vrai que pour des écoles, on ne peut pas faire de dons dans ce pays, selon la loi.
Il n’est donc pas étonnant que certains prêtres consentent à parler aux paroissiens des bénéfices de la vaccination, mais c’est selon leur conscience. Des dépliants ont été mis à leur disposition par l’Etat, intitulés « La vaccination contre le Covid-19 en Roumanie. Gratuite. Volontaire. Sûre ». Toutefois, ces brochures sont destinées au clergé, pour qu’il décide en connaissance de cause de se faire vacciner ou non, et pas aux fidèles. Car, selon le porte-parole du Patriarcat roumain, le prêtre Vasile Bănescu, « l’Eglise ne peut pas se prononcer sur le caractère sûr de l’acte de vaccination. Ceux qui ont l’autorité professionnelle et morale de recommander un vaccin tout à fait nouveau et récent, ce sont exclusivement les spécialistes du domaine médical en question ». Néanmoins, les personnels des cultes sont libres ; certains membres du clergé ont donc soutenu l’immunisation, alors que d’autres ont plaidé pour ne pas se faire vacciner. « Le devoir de toute personne responsable de l’Eglise, c’est de conseiller aux autres de s’informer », a ajouté le porte-parole du Patriarcat roumain.