Paul Jamet (France) – La citadelle de Poenari
Une forteresse du XIIIe siècle, mystérieuse et liée à Vlad l'Empaleur
România Internațional, 18.06.2021, 12:22
Elle est sise en haut d’un rocher, dans le sud de la Roumanie, entre la ville de Curtea de Argeş et non loin du barrage de Vidraru, dans un décor boisé. C’est un édifice à part tant par son emplacement sur des abrupts que par son architecture — aux influences transylvaines, mais aussi byzantines -, mais surtout par les mystères liés à son histoire. On disait cette cité inexpugnable. Ceux qui ont visité ce lieu se sont déclarés fascinés.
Le nom de la citadelle lui vient du village homonyme, sis à 6 km de là ; ce nom figure dans des sources du XVe siècle. Elle a été la seconde résidence de Vlad l’Empaleur, reconstruite pour lui servir de forteresse contre les Turcs qui l’attaquaient. Considérée une des plus spectaculaires de Roumanie, la cité est de forme allongée ; elle avait initialement une tour en pierre à mission de défense de la frontière nord de la Valachie. Au milieu du XVe siècle, dans une nouvelle étape de construction, Vlad l’Empaleur lui en ajoute quatre et une citerne à eau. Pour construire la forteresse de Poenari, le prince régnant avait employé des personnes condamnées pour des faits graves. Notons aussi que les murailles de la construction étaient en pierre, mortier, solives et en brique et mesuraient 2 à 3 m d’épaisseur — selon une technique byzantine. Le mortier rouge, une autre technique byzantine, d’imperméabilisation, celle-là, avait été utilisé sur les murs de la citerne. La citadelle a été employée à plusieurs fins au fil du temps : abri pour les princes régnants roumains ou du Trésor de la Valachie, et même prison ! Beaucoup de légendes sont liées à cet endroit. Deux disent que l’épouse de Vlad l’Empaleur se serait suicidée là en 1462, soit parce qu’il voulait la quitter, soit parce qu’elle ne voulait pas tomber prisonnière des Turcs qui s’approchaient. Une autre légende dit qu’en 1462, Vlad l’Empaleur aurait réussi à échapper aux Turcs, se cachant dans la forteresse, parce qu’il avait ordonné aux maréchaux-ferrants de mettre les fers aux chevaux à l’envers. Il a ainsi dérouté ses adversaires, qui ont cru qu’il avait quitté la citadelle.
La cité est abandonnée à la moitié du XVIe siècle. Quelques éléments archéologiques ont été découverts à l’intérieur : une pointe de flèche en forme de feuille, des récipients à usage domestique, des fragments de pots, de la céramique émaillée, des briques et autres.
En 1955, suite à un puissant tremblement de terre, la cité a perdu son côté nord et le rocher sur lequel il s’appuyait, et n’a plus été reconstruit. Entre 1696 et 1972, elle a été restaurée à plusieurs reprises, et ses remparts — partiellement reconstruits et consolidés. Et d’autres restaurations ont été réalisées à compter de 2010.
C’est à l’époque communiste que les marches qui permettent d’y accéder ont été bâties. Car la forteresse est visitable. Pour y arriver, courage ! Elle est sise à 850 m d’altitude et il y a 1480 marches à monter, à travers la forêt. Ceux qui s’y sont aventurés ont mis entre 30 minutes et une heure et déclarent que le paysage est enchanteur et une fois en haut — la vue sur la vallée de la rivière Argeş, le barrage de Vidraru et les Monts Făgăraş — imprenable. Dernièrement, une clôture électrique a été installée le long des marches pour tenir les ours à distance.
La personnalité hors normes de Vlad l’Empaleur a inspiré au fil du temps les écrivains, dramaturges et réalisateurs, qui ont écrit des romans, des nouvelles, mais aussi des scénarios de pièces de théâtre et de films. Et elle a aussi constitué la source d’inspiration pour Jules Verne dans son roman « Le Château des Carpates ». Les légendes autour de cette personnalité mystérieuse fascinent encore de nos jours. Pour eux, Dracula Fest est organisé chaque année au mois d’août dans la citadelle, avec des évènements artistiques et des reconstitutions historiques censés mettre en exergue cette construction modifiée par Vlad l’Empaleur au sommet de la montagne.