Michel Beine (Belgique): « Existe-t-il en Roumanie un comité de concertation sur le climat? »
Quelles sont les mesures envisagées cette année ?
Alex Diaconescu, 04.08.2022, 13:42
Eh
bien, M Beine, je peux vous confirmer qu’en Roumanie il existe un comité
interministériel sur les changements climatiques, mis en place suite à une
décision du gouvernement datant du 28 avril dernier. Ce comite est présidé par
le premier ministre roumain et constitué par des représentants d’institutions
publiques de Roumanie qui élaborent et mettent en œuvre les politiques dans le
domaine de lutte contre les changements climatiques. Ce comité se réunit chaque
mois ou en cas de nécessité, à l’initiative de son président ou bien de l’un
des trois vice-présidents : le chef de la chancellerie du premier
ministre, le chef du département climat et soutenabilité de l’administration
présidentielle et le ministre de l’environnement, des eaux et des forêts. Et ce
Comité s’est réuni à la mi-juillet pour évaluer les conséquences de la
sécheresse dans l’agriculture, y compris celles produites par la sécheresse
pédologique. Et oui, on parle en Roumanie de « sècheresse
pédologique » ou « sècheresse édaphique » c’est-à-dire une
réserve d’eau dans le sol particulièrement basse.
Ce phénomène touche des
dizaines de milliers d’hectares en Roumanie. Dans ce pays où les systèmes
d’irrigation en bon état sont rares, l’agriculture dépend largement de la
météo. En effet, cela plus d’un mois que les pluies ont contourné pratiquement
tout le pays, et le déficit d’humidité dans le sol a dépassé les 200 litres par
mètre carré dans plusieurs régions. Cette situation, les météorologues l’avaient
prédite depuis le printemps dernier et que les autorités n’arrivent plus à
régler, quelle que soit la météo. La directrice générale de l’Administration
nationale de météorologie, Elena Mateescu, a confirmé cette situation dans une
interview à l’agence de presse Agerpres, où elle affirme que le déficit de
précipitations de cet été est significatif et il restera significatif, selon
les prévisions. Du coup, dit-elle, cette année sera l’une des plus arides de
l’histoire. Les spécialistes considèrent que les cultures de maïs et de
tournesol en sont les plus touchées, tandis que la province de Moldavie (Est)
est la région la plus impactée par la sécheresse agricole, ou pédologique,
extrême, avec, cette année, une quantité de précipitations de seulement 322,6
litres par mètre carré, soit la plus faible de l’histoire.
Plusieurs
départements du sud de la Roumanie annoncent que les systèmes d’irrigation
manquent d’eau à cause d’une baisse importante du débit du Danube. Petite
parenthèse, la baisse des débits et en fait du niveau des eaux du Danube, nous
la constatons chaque jour, ici au service français de RRI, puisque c’est à nous
de lire au micro, en français, le bulletin hydrologique pour certaines
localités de Roumanie. Cette liste est diffusée ensuite en Roumain, Russe et
Français sur la chaine appelé « l’Antenne des villages » de la
Société roumaine de radiodiffusion, conformément à la convention de Belgrade sur
la navigation sur le Danube de 1948.
Mentionnons
que la sécheresse prolongée perturbe le ravitaillement en eau potable de la
population. Dans plusieurs localités du sud et de l’est de la Roumanie, les autorités
locales ont rationalisé la consommation d’eau et cherchent actuellement des
solutions pour assurer les quantités d’eau nécessaires pour les mois à venir. Entre
temps, la météo n’a pas l’air de s’améliorer. Pour conclure, la Roumanie s’est
dotée d’une commission interministérielle pour la gestion des changements
climatiques, alors que la Présidence de la République avait déjà mis en place
un groupe de travail à ce sujet. D’ailleurs, à en croire les autorités de Bucarest, telle la
présidence, « la Roumanie participe aux efforts mondiaux de lutte contre
les changements climatiques et dispose de toutes les prémisses pour devenir un
leader régional, européen et international dans ce domaine».
Mais quelles
actions concrètes déroulent les autorités roumaines au-delà des
déclarations ? Eh bien, tous ces groupes de travail déploient actuellement
des activités d’évaluation et de surveillance. Certes, la Roumanie s’est
engagée en tant que membre de l’UE à implémenter le « pacte vert européen ».
Mais, sur la toile de fond du conflit en Ukraine, la Roumanie compte toujours explorer
et exploiter ses réserves de pétrole et de gaz, notamment en mer Noire. Ce qui
plus est, avec la perspective d’une crise énergétique encore plus grave cet
hiver, Bucarest envisage aussi d’utiliser en cas d’urgence, d’autres
combustibles, beaucoup plus polluants, tels le charbon et le mazout. Même dans
le cadre de son plan de relance et de résilience, qui réunit des projets
financés par l’UE, la Roumanie a inclus l’expansion de ses réseaux de
distribution de gaz naturel dans le milieu rural, alors que l’UE s’ambitionne à
réduire justement la consommation de gaz. Voilà donc que la Roumanie se
retrouve dans une situation assez compliquée dans ses efforts de réduction des
émissions de carbone. D’une part le pays souffre des suites des phénomènes
météorologiques de plus en plus violents et de l’autre, il ne se permet pas
encore d’adopter des mesures radicales en termes de politique verte.