Michel Beine (Belgique) – d’où vient le nom « Roumanie » ?
C'est dans des textes latins antiques et moyenâgeux que le nom de Roumanie trouve ses origines...
România Internațional, 04.08.2017, 14:53
Le nom de notre pays est ancien et provient du latin ; il apparaissait dans des textes latins depuis la fin de l’antiquité et au Moyen Age. Ainsi, l’appellation de Roumanie est attestée tôt au sujet de l’espace danubien (une lettre d’Auxentius de Durostorum, datée autour de l’année 383). Le plus ancien document connu en roumain, et qui atteste la dénomination du pays, « Pays roumain », est une lettre écrite par un certain Neacşu au juge de Braşov, en 1521.
Et dans ce texte roumain, la principauté nommée par les étrangers « Valachie » est appelée « Pays roumain » (Ţara Românească). L’historien Ioan-Aurel Pop, membre de l’Académie roumaine et président de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj (centre), précise dans un discours que le terme de Roumanie (România) n’est qu’une forme de l’appellation Pays roumain, et que cette appellation a circulé par le passé parallèlement à la dénomination de Valachie, donnée par les étrangers.
Ainsi, l’académicien précise que « des sources anciennes indiquent avec certitude que les provinces roumaines étaient parfois désignées comme Terrae Valachorum ou Valachiae, soit des pays des Roumains. C’est là, entre le Danube et les Carpates Méridionales (appelées par les Occidentaux Alpes de Transylvanie) que s’est formé, au tournant du XIIIe et du XIVe siècles, par la réunification de plusieurs Vlachies, le prototype de l’Etat médiéval roumain, soit la Valachie ou le Pays roumain.
Pour les Roumains, le nom de Roumanie n’est qu’une forme de l’appellation Pays roumain, adaptée aux temps modernes, mais extraite du passé, avec des racines dans le passé et justifiée par l’histoire », donc « absolument identique à celle de Pays roumain », explique l’historien Ioan-Aurel Pop. Pour ce qui est des Etats médiévaux roumains, à compter du XIIIe siècle, les documents historiques comportent des informations sur les débuts des principautés de Moldavie et de Valachie.
En même temps, la Transylvanie entre dans la sphère d’influence du catholicisme. Au XVe siècle, l’Empire ottoman conquiert la Dobroudja, et suite à la bataille de Mohacs, toute la Péninsule balkanique et une grande partie de la Hongrie deviennent pachaliks. Toutefois, la Transylvanie (où règnent des voïvodes hongrois), la Moldavie et la Valachie (avec des voïvodes roumains) restent des principautés autonomes, avec leurs propres Conseils, souverains, lois, armées, flottes, ambassadeurs et avec leur religion chrétienne ; elles paient un tribut à la Sublime Porte, sans faire partie de l’Empire ottoman. Une des premières références explicites à un « territoire ethnolinguistique roumain » comprenant la Valachie, la Moldavie et la Transylvanie est à retrouver dans un ouvrage du chroniqueur Costin, au XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle, le prince érudit Dimitrie Cantemir désigne systématiquement les trois principautés habitées par les Roumains sous le nom de Pays roumain.
Le peuple roumain s’est formé au nord et au sud du Danube, comme partie de la romanité orientale, entre le IIe siècle av. J.-C. et le IXe siècle, soit des premiers contacts commerciaux entre les Daces (peuple d’origine thrace) et les Romains jusqu’à la formation de la langue roumaine. Les principales étapes de la formation du peuple roumain ont été la période de domination romaine (les IIe et IIIe siècles dans la province de Dacie, et respectivement les Ier au VIIe siècle dans la région entre le Danube et le mer Noire), lorsque la romanisation a été exercée par les colons, les vétérans, l’administration romaine, formant la population daco-romaine. Ensuite, la continuité des Daco-Romains au nord du Danube après le retrait de Dacie sous l’empereur Aurélien, en 271. Aurélien retire ses armées de Dacie parce que l’Empire ne pouvait plus assurer la défense de la province face aux attaques des peuples migrateurs.
Durant les grandes migrations des peuples germaniques, slaves, turciques et finno-ougriens, les locuteurs de latin de cet espace voient s’ajouter des peuplades de langue germanique (au IIIe siècle) et surtout les peuplades slaves (aux VIe-VIIe siècles). Le mélange des Daces, des Romains et des nouveaux arrivants s’est passé au nord et au sud du Danube, pendant plusieurs siècles. Au nord du Danube, vous avez donc les Roumains, issus de ce processus.
Au sud du Danube, les Thraces et les Romains ont donné les Thraco-Romains, et ces derniers avec les Slaves ont donné les Aroumains, les Méglénoroumains et les Istroroumains. Les fouilles archéologiques indiquent une continuité d’habitation sur ce territoire. Les Roumains figurent dans des sources historiques à compter du VIIe siècle sous le nom de Valaques, mais sont attestés clairement à peine aux XIIe-XIIIe siècles, par des chroniqueurs étrangers — dans la Chronique d’Anonymus, dans le Chant des Nibelungen e. a..
La langue roumaine fait partie des langues romanes ; elle s’est formée avec le peuple roumain, par la symbiose du latin parlé par les colons romains et de la langue géto-dace, nos ancêtres, avec plusieurs influences au cours des âges, suite au contact des populations slaves. L’élément slave est pourtant secondaire et n’a pas influencé le caractère roman de notre peuple ni de sa langue. Le roumain s’est formé entre le IIIe siècle av. J.-C. et le VIe siècle, au nord et au sud du Danube.
Au nord du Danube apparaît le dialecte daco-roumain ; au sud du fleuve — les dialectes mégléno roumain, istro roumain et aroumain. Les recherches linguistiques ont mis en exergue le caractère latin du roumain, donné par son lexique et sa structure grammaticale. Au Moyen-Age et à l’époque pré moderne, la langue acquiert des mots hongrois, turciques et grecs. Le français exerce une influence importante sur le roumain au XIXe siècle.