La situation des Roumains travaillant à l’étranger et de leurs enfants
Plus de 3,5 millions de Roumains travaillaient à l'étranger en 2011, selon un rapport de l'OCDE.
Ioana Stăncescu, 20.06.2014, 15:07
Chers amis, dans les minutes suivantes, je voudrais bien vous parler un peu sur la situation des Roumains travaillant à l’étranger et surtout sur les enfants qu’ils se voient contraint de laisser souvent derrière.
Plus de 3,5 millions de Roumains (sur une population d’une vingtaine de millions dhabitants) travaillaient à létranger en 2011, selon un rapport de lOCDE sur les migrations rendu public en 2011 et repris par la presse. Une réalité qui a poussé la spécialiste des migrations Catherine de Wenden a invité au calme au moment de la levée des restrictions sur le marché européen de l’emploi, pour affirmer dans la publication française l’Express que « les populations susceptibles de migrer sont déjà parties. Les personnes à même de partir chercher du travail à létranger sont essentiellement celles âgées entre 25 et 45 ans ». Sur l’ensemble des pays choisis par les ressortissants roumains, ce sont notamment lItalie et lEspagne qui ont accueilli le plus grand nombre de Roumains: 2 millions au total avant le déclenchement de la crise économique, en 2009. « La plupart des ressortissants roumains et bulgares travaillent dans des secteurs de niches. Il sagit soit des personnels très qualifiés, comme des ingénieurs, des médecins et des infirmières -qui se déqualifient souvent en travaillant par exemple dans la garde de personnes âgées, particulièrement en Italie. Ou bien ils sont employés dans la catégorie des métiers » 3D » (Dirty, dangerous, difficult) « , complète la chercheuse dont les propos figurent sur la page électronique de L’Express. Pourtant, peu d’entre nous se posent la question : qu’est ce que ces ressortissants laissent souvent derrière eux ? Qu’est ce qui se passent avec leurs familles et surtout avec leurs enfants ?
Le niveau de vie en berne, les salaires très bas et le chômage ont poussé les Roumains à chercher du travail ailleurs. Du coup, les statistiques de 2011 faisaient état de plus de 80.000 mineurs confiés aux différents membres de leur famille après le départ à l’étranger de leurs parents. « La plupart des parents qui choisissent de partir travailler à l’étranger le font poussés par le souhait d’assurer un certain niveau de vie et d’éducation à leurs enfants. Ils ne veulent pas tourner le dos aux responsabilités parentales, mais ils se voient incapables d’élever proprement leurs gamins » lit-on dans la presse roumaine. Selon les psychologues, il faudrait que le gouvernement mette en place des politiques économiques cohérentes censées offrir des conditions décentes de travail et de vie. Mais, une fois qu’une aide soignante gagne en Italie plus qu’un professeur universitaire en Roumanie, il est évident pourquoi les Roumains sacrifient souvent leurs familles à la recherche d’un emploi bien rémunéré. Malheureusement, le sacrifice n’est pas une simple métaphore, mais une réalité des plus dures : rien qu’en 2011, la Roumanie recensait plus de 60.000 familles avec au moins un membre parti travailler à l’étranger, tandis que les enfants de plus de 16.000 ménages étaient restés à la charge des grand-parents ou d’autres proches, après le départ des deux parents à l’étranger, selon les statistiques du Ministère roumain du Travail. Une situation dramatique aux conséquences désastreuses : la plupart des enfants abandonnés par leurs parents finissent par abandonner l’école, tout en risquant de fréquenter de mauvais entourages. En plus, la presse et la police fait état d’un nombre alarmant de mineurs maltraités par le parent restant. L’histoire de deux enfants âgés de 10 et de 15 ans dont le père les frappait sans cesse pour se venger contre le départ à l’étranger de son épouse a fait la une dans la presse de Vaslui d’il y a quelques années. Pourtant, aux dires des psychologues, seuls les personnes violentes peuvent abuser d’un enfant en invoquant la colère déclenchée après le départ à l’étranger de leur conjoint. Comme quoi, la violence se fait très présente au sein des familles roumaines dont pas mal admettent encore les coups comme mesure éducative. En plus, la violence se nourrit de l’absence de l’éducation, des perspectives, des moyens et d’un emploi. Selon les statistiques, les Roumains touchaient en 2011 les salaires les plus bas de l’UE, quelque 360 euros par mois, de cinq fois de moins que les travailleurs espagnoles, allemands ou italiens.
Pourtant, sur l’ensemble des familles roumaines qui choisissent de quitter la Roumanie pour s’installer ailleurs, pas mal arrivent à immigrer en couple avec enfants. Du coup, les statistiques montrent que le nombre d‘enfants originaires de l’Europe de l’Est vivant par exemple, au Royaume Uni, s’est triplé entre 2008- 2013, en se chiffrant à 123.000 il y a un an. On ne saurait nous déclarer donc surpris de constater que le nombre d’élèves d’origine roumaine a quintuplé dans les écoles britanniques dans la même période de temps, selon Daily Mail cité par Médiafax. Le roumain se situait donc en 2013 en quatrième position dans le classement des langues étrangères les plus parlées dans les établissements scolaires du Royaume Uni, après le russe, le lituanien et le polonais.
Les psychologues affirment que sur l’ensemble des enfants laissés derrière par des parents partis travaillés à l’étranger, pas mal sombrent dans la détresse et se laissent entraîner par la tristesse la plus noire. En 2006, lhistoire de Razvan avait fait frissonner toute la Roumanie, et toutes les mères de famille sétaient reconnue en Elena Suculiuc, partie en Italie pour offrir à son fils lordinateur dont il rêvait, écrivait Sandrine Cazan sur le net. Sauf que le petit garçon rêvait aussi de garder sa maman près de lui et quil a fini par se pendre, après avoir sombré dans une mélancolie dont personne nest parvenu à le sortir. Son cas, extrême, révèle le profond malaise de « ces milliers denfants, que leurs parents, poussés par le mirage de largent, ont quittés », notait léditorial du quotidien roumain Evenimentul Zilei. Mais ce genre de faits divers a beau marquer les esprits, ils ne poussent pas pour autant les Roumains à renoncer à leurs rêves de vie meilleure, continue Sandrine Cazan. Pourtant, la crise économique a coupé les ailes de pas mal des Roumains contraints de rentrer chez eux la chute économique espagnole ou italienne. Une décision qui a fait peut-être le bonheur des milliers des enfants qui à présent se confrontent à la pauvreté dont se nourrit souvent la violence domestique.