La déforestation en Roumanie
Jacques Augustin : Quant au bois , la télévision diffusa récemment un documentaire sur la déforestation sauvage en Roumanie pour le compte d'Ikea société suédoise. Qu'en est-il exactement ?

Fromenteaud Charlotte, 07.03.2025, 11:00
Nos amitiés à M. Augustin de France dont nous saluons les participations régulières par messages. Vos questions sont toujours pertinentes et permettent d’aborder sous un autre angle l’actualité roumaine, un grand merci à vous. Dans l’une de vos dernières lettres vous nous avez demandé : « Quant au bois ,la télévision diffusa récemment un documentaire sur la déforestation sauvage en Roumanie pour le compte d’Ikea société suédoise. Qu’en est-il exactement ? Cela me chagrine de voir pareil massacre du bois et de la nature. » J’imagine que votre question fait suite au documentaire Arte sur le rôle d’Ikea dans la déforestation illégale en Roumanie. Documentaire que j’ai moi-même vu, très bien réalisé et qui a fait beaucoup de bruit en Roumanie comme ailleurs. La question de la déforestation en Roumanie, notamment en lien avec des entreprises comme Ikea, est effectivement préoccupante et mérite une attention particulière. Des enquêtes récentes ont mis en lumière des pratiques d’exploitation forestière controversées dans le pays. Selon un rapport de Greenpeace, les fournisseurs d’Ikea profiteraient de la corruption qui gangrène le pays, ce qui conduit à une déforestation accrue. De plus, des investigations ont montré que des forêts anciennes, riches en biodiversité, ont été exploitées, affectant des espèces protégées comme l’ours brun, le loup et le lynx. En réponse à ces accusations, Ikea affirme gérer durablement les forêts roumaines et respecter les normes environnementales en vigueur. Cependant, des images récentes montrent de vastes zones de forêts fraîchement abattues, remettant en question ces déclarations. Les experts estiment que ces pratiques sont loin des standards de foresterie durable attendus. La situation est complexe et met en lumière les défis liés à la gestion durable des ressources naturelles en Roumanie. Les autorités locales, les organisations environnementales et les entreprises impliquées sont appelées à collaborer pour trouver des solutions équilibrées, préservant à la fois l’économie et l’environnement.
Un nouveau Code forestier a récemment été promulgué, apportant plusieurs changements significatifs pour lutter contre l’exploitation illégale du bois, mais aussi des mesures controversées. Parmi les principales mesures introduites, on note :
– Un renforcement des sanctions : désormais, les véhicules transportant plus de 5 mètres cubes de bois sans documents peuvent être confisqués (contre 10 m³ auparavant).
– Des règles contre les conflits d’intérêts : il est interdit à un forestier d’être impliqué dans une entreprise d’exploitation du bois ou d’avoir des liens familiaux directs avec ce secteur.
– Une obligation de reboisement des forêts abandonnées : l’État pourra reboiser des terres déboisées et laissées à l’abandon, même sans l’accord du propriétaire.
– L’usage de la technologie et de l’intelligence artificielle pour surveiller les forêts et détecter les transports illégaux de bois.
Cependant, plusieurs critiques ont émergé, notamment de la part des militants écologistes. Ces dernier soulignent notamment l’absence d’un cadastre forestier complet (seulement 9 % des forêts sont enregistrées), ce qui compliquerait la surveillance et la replantation. Ils pointent aussi une faille qui pourrait aggraver la déforestation : les propriétaires de forêts jusqu’à 100 hectares peuvent désormais décider eux-mêmes de leur mode d’exploitation, y compris pour la production de cellulose, ce qui permettrait d’abattre de jeunes forêts, mettant en péril la biodiversité.
Ce nouveau Code forestier vise donc à mieux encadrer l’exploitation du bois, mais certains craignent qu’il ne permette, paradoxalement, une plus grande destruction des forêts. Une affaire à suivre de près donc, mais la Roumanie sait que les yeux sont désormais tournés vers elle.