Jean Marie Monplot (France) – Les tatouages en Roumanie.
La mode des tatouages na pas été trop présente en terre roumaine.
Ioana Stăncescu, 13.02.2015, 15:54
Hé bien, avant de donner la parole à un artiste tatoueur que j’ai invité à mes côtés dans le studio, je voudrais vous signaler l’organisation à Bucarest d’une exposition consacrée à l’histoire des tatouages en terre roumaine. Accueillie par le Musée d’Histoire de la ville de Bucarest, l’exposition invite le public à admirer une collection didactique de tatouages réalisée par le docteur Nicolae Minovici à la fin du XIXe siècle. Il convient de mentionner le fait que Nicolae Minovici a été le deuxième directeur de la Morgue de Bucarest, en succédant à son frère, Mina Minovici. Donc, si par hasard vous vous trouvez à Bucarest jusqu’au 30 avril, n’hésitez pas à visiter l’exposition. Pourtant, malgré l’organisation d’un tel événement à Bucarest, il faut dire que la mode des tatouages n’a pas été trop présente en terre roumaine. Ce fut une pratique importée notamment après la chute du communisme, donc après 1989.
C’est le moment de faire la connaissance de notre invité, l’artiste tatoueur Dan Fotescu, président de l’Union des artistes tatoueurs de Roumanie : «Ce fut en 2007 que l’Union des artistes tatoueurs en collaboration avec le Ministère roumain de la Santé ont élaboré le seul acte normatif de l’UE visant l’activité déroulée dans les salons de tatouage. La mise en place d’un tel document a été nécessaire suite au nombre croissant de tels salons ouverts sur l’ensemble de la Roumanie en l’absence de toute législation. Disons tout simplement qu’avant 2007, n’importe qui pouvait ouvrir son propre salon de tatouage. Malheureusement, cet acte normatif n’a pas pu empêcher l’apparition de salons illégaux, ce qui met en danger la santé des clients. Mais bon, cette situation est à signaler partout dans le monde ».
Est-ce que les Roumains s’empressent à se faire tatouer ?
Dan Fotescu: « A l’heure où l’on parle, la demande est à hauteur de 30%, bien en dessous de celle signalée en France, au Royaume Uni ou en Allemagne. Pourtant, on constate un intérêt croissant de la population à l’égard des tatouages. Mais disons que les mentalités changent difficilement et il y a encore des Roumains pour qui les tatouages se résument à ceux des trois points très communs dans les prisons. Mais voilà que la nouvelle génération se montre plus ouverte face à cette tendance ».
Comment êtes-vous devenu artiste tatoueur ? C’est difficile d’embrasser cette carrière ?
Dan Fotescu: « Personnellement, je suis le plus âgé des artistes tatoueurs de chez nous. J’ai la cinquantaine et j’ai commencé vers l’âge de 14 ans quand je subtilisais les aiguilles des seringues de ma mère, qui était infirmière, pour tatouer mes copains. Et puis, je me suis lancé dans l’art de la caricature avant de travailler pour une organisation gouvernementale, ce qui m’a permis de beaucoup voyager. C’est en Occident que j’ai eu l’occasion de voir les premiers salons de tatouage. Et comme dans les années 2000, il n’y avait presque pas de tels salons en Roumanie, j’ai pris la décision d’en ouvrir un. Pourtant, il m’a fallu de partir en Espagne pour faire une formation et obtenir un certificat d’artiste tatoueur avant de rentrer au pays et inaugurer le premier salon de tatouage légalement ouvert en Roumanie. En 2003, je suis arrivé à ouvrir la première école consacrée aux artistes tatoueurs et donc, c’est à partir de cette année-là que ce métier est reconnu. Le tatoueur doit posséder un sens artistique réel et être passionné de dessin. A part cela, il faut avoir au moins 16 ans, avoir terminé au moins dix années d’études et suivi trois cours de formation : de tatoueur, d’hygiène et de premiers soins. »
Je vous prie de définir votre clientèle cible.
Dan Fotescu: « Nos clients sont des jeunes âgés pour la plupart de 16 à 25 ans. Il y a quelques années, les amateurs de tatouages préféraient s’inspirer les uns des autres et ils avaient pratiquement tous les mêmes dessins. Je me rappelle qu’à un moment donné, il y avait une chanteuse qui s’était fait tatouer un petit ruban au poignet et toutes les jeunes filles qui voulaient un tatouage nous demandaient de reproduire ce ruban. Mais à présent, les tatouages sont devenus plus perso chez nous aussi. Pourtant, il y a pas mal de jeunes qui veulent se faire un tatouage sans avoir une idée bien précise sur le dessin. Ce sont ces personnes-là qui veulent plutôt être cool et à la mode. Mais sinon, je remarque de plus en plus de jeunes qui espèrent que le tatouage leur rappellera un événement important de leur vie. Par exemple, j’ai eu un client qui avait frôlé la mort. Il a eu un accident de la route et il a été sur le point de perdre sa vie et toute sa famille. Il a donc voulu se faire un tatouage symbolique qui lui rappelle ce moment. En tant qu’artiste tatoueur, les idées de nos clients ne nous étonnent plus. »
Combien de salons de tatouage existent actuellement en Roumanie ?
Dan Fotescu: « Plus de 500.000, dont un nombre significatif est représenté par les entreprises individuelles illégales. En plus, sur ce chiffre impressionnant, une centaine ou deux sont basés à Bucarest. Mais, encore une fois : c’est un nombre qui inclut aussi les tatoueurs qui travaillent de manière illicite dans leur petit appartement et qui sont très nombreux. Pourtant, ce dernier temps, les clients préfèrent un salon recommandé ou qui se fait de la publicité. Mais là encore, la situation n’est pas forcément légale, puisque n’importe qui peut se faire une page sur Facebook ou un site à même d’attirer les clients sans leur offrir pourtant la garantie d’un tatouage réussi et dépourvu de risques pour la santé. Moi, je m’efforce d’obtenir le soutien du ministère de la Santé pour changer la législation en vigueur afin de contraindre les salons de tatouage à poster sur leur site le certificat de fonctionnement et de formation des artistes qui y travaillent ».
Quels sont les tarifs pratiqués ?
Dan Fotescu : « Un tatouage de 30 centimètres carrés sur l’avant bras coûte quelque 20 euros, un tarif bien en dessous des ceux pratiqués en Occident où, pour un tatouage similaire, on pourrait débourser jusqu’à 80 euros. Nous avons donc pas mal d’étrangers parmi nos clients, notamment dans les salons de Bucarest, bien que ceux-ci affichent parfois des tarifs doubles par rapport aux autres villes de Roumanie. En plus, les tatoueurs de Bucarest se considèrent souvent supérieurs à ceux de la province. Mais dans ce métier la célébrité n’a pas beaucoup d’importance. La valeur d’un artiste réside dans le degré de satisfaction du client ».