Jean Marie Monplot (France) – l’apprentissage des métiers manuels en Roumanie
La formation professionnelle est confrontée à une image négative, puisquelle souvre principalement aux élèves qui ont raté leur admission au lycée.
Ioana Stăncescu, 26.09.2014, 14:57
Que faire après les années d’école obligatoires? Voilà une question que des milliers de jeunes se posent partout dans le monde. Une bonne partie d’entre eux choisissent le lycée ou l’école supérieure. D’autres, plus intéressés par une expérience pratique, choisissent la voie de la formation professionnelle. Celle-ci propose un enseignement en relation avec le monde professionnel et ses métiers. Une alternative à la formation classique qui malheureusement a perdu de plus en plus de terrain ces vingt dernières années. A qui la faute ? Eh bien, à nous tous, pourrait-on dire. Même si la voie professionnelle permet aux élèves d’acquérir des compétences et d’obtenir à la fin de leurs études un brevet de qualification reconnu sur l’ensemble de l’UE, les jeunes préfèrent tenter leurs chances ailleurs au lieu d’apprendre un métier.
Selon l’ancien secrétaire d’Etat au Ministère de l’Education, Stelian Fedorca, la formation professionnelle est confrontée à une image négative, puisqu’elle s’ouvre principalement aux élèves qui ont raté leur admission au lycée. Or, il serait normal que l’admission en classe professionnelle se fasse suite à un entretien avec les agents économiques qui se verront offrir la possibilité de choisir les meilleurs élèves.
A l’heure où l’on parle, les écoles professionnelles, victimes de la mentalité collective, doivent lutter contre les préjugés selon lesquels elles ne seraient jamais une alternative, mais seulement un endroit s’ouvrant aux mauvais élèves. Par conséquent, même ceux qui voudraient bien acquérir des compétences professionnelles au bout de trois ans de formation évitent de le faire, en préférant décrocher un diplôme délivré par une université privée.
En Roumanie, notamment dans le milieu urbain, on dit qu’en l’absence d’un diplôme universitaire, on n’a aucune chance de réussir dans la vie » déclarait Radu Merica, président de la Chambre de commercer roumano-allemande cité par la presse. Or, il suffit de regarder vers l’Allemagne où l’on peut avoir un statut social et économique confortable grâce à un métier que l’on a bien appris, poursuit M. Merica en prenant l’exemple de son chef chez Mercedes. Ce dernier n’avait que dix ans d’études et un certificat d’école technique, ce qui ne l’empêchait pas de toucher un très gros salaire et de diriger une équipe de 400 personnes. Un patron ne s’intéresse pas aux diplômes, mais aux compétences » affirme Radu Merica. Et d’ajouter qu’ « en Roumanie, on a trop de diplômes et pas de qualification ».
Un exemple en ce sens serait celui des fonctionnaires bancaires. En l’absence d’un lycée professionnel qui leur soit consacré, ceux-ci se voient obliger d’obtenir un diplôme universitaire d’études économiques avant d’intégrer une agence bancaire qui leur offre des stages de formation d’une année ou deux avant de les laisser travailler au guichet. Or, il suffirait d’une formation professionnelle de deux ou trois ans pour pouvoir remplir des formulaires ! Il en est de même pour le métier de secrétaire ou d’assistant manager.
A défaut d’une formation professionnelle adéquate, ce sont surtout des jeunes diplômés au chômage qui occupent ces postes. Imaginez la frustration de se voir occuper un poste de secrétaire au bout de toutes ces années d’études ou encore le mécontentement des patrons devant ces employés qui ne savent pas à quoi rime le secrétariat.
Avant 1990, les écoles professionnelles étaient bien nombreuses. En plus, la plupart d’entre elles étaient financées par tel ou tel ministère. Celui du commerce dans le cas des lycées de la filière économique et commerciale, celui des Transports pour les écoles de transports, etc. Or, aux termes de la loi de l’Education de 1995, les écoles professionnelles ont été placées sous l’égide des municipalités locales. Dépourvues des fonds nécessaires, celles-ci ont tourné le dos à tous ces établissements scolaires dont la plupart sont de nos jours tombées en ruine. C’est le cas de l’école professionnelle de hôtellerie de Calimanesti, fameuse jadis pour le niveau des compétences professionnelles offert aux élèves.
Vers le début des années 2012, l’ancien ministre de l’Education, Daniel Funeriu, a lancé un nouveau modèle pour les écoles professionnelles d’inspiration allemande, à savoir le système dual. Concrètement, cette option consiste en l’apprentissage sur le tas, accompagné d’une formation dans une école professionnelle. Ce choix permet de travailler en parallèle « avec les mains et avec la tête ». En outre, il permet à l’élève de se voir embaucher, s’il le souhaite, par l’entreprise dans laquelle il a fait son stage.
Si avant 2014, la formation professionnelle proposée aux élèves roumains s’étalait sur deux ans seulement, à partir de cette année, elle est de trois ans. A la fin, les élèves passent un examen en présence du chef de l’entreprise qui l’avait accueilli en stage et ils se voient délivrer un certificat de compétences reconnu partout dans l’UE.