Jean-Marc Olry (France) – La religion dans les écoles roumaines
Cest lunique discipline scolaire, à part le roumain, enseignée jusquà la terminale.
Ioana Stăncescu, 10.04.2015, 13:43
Bannie et critiquée par les communistes, la religion a connu un retour en force en Roumanie après le renversement du régime Ceausescu. Interdite pendant un demi-siècle, après 1989, la religion est devenue très vite omniprésente et même omnipotente. Et ce vu que le rôle de l’Eglise orthodoxe roumaine, majoritaire, est incontestable. Sinon, comment expliquer le nombre absolument impressionnant d’églises qui ont été dressées et continuent à être construites dans un pays où le nombre d’écoles et d’hôpitaux est à la baisse?
Introduite au programme dans les années ’90, au lendemain de la chute du régime communiste, la religion est enseignée sans discontinuer depuis lors. D’ailleurs, c’est l’unique discipline scolaire, à part le roumain, enseignée jusqu’à la terminale. Pourtant, même si à première vue elle semble obligatoire, cette discipline a un statut pour le moins ambigu. La législation européenne défend la liberté religieuse. Obligée donc d’en tenir compte, la loi de l’Education nationale stipule que les écoles publiques de Roumanie doivent offrir des classes de religion sans que les enfants soient pourtant forcés d’y participer. Jusqu’il y a un an, les parents qui ne voulaient pas que leur enfant intègre la classe de religion devaient remplir un formulaire en ce sens.
En réalité, la situation est bien différente. La plupart des parents ignorent complètement cette option et la plupart des professeurs préfèrent garder le silence et présenter la religion comme une discipline obligatoire.
La raison ? L’école n’assume pas la responsabilité de surveiller les enfants qui ne suivent pas ce cours. Dans la plupart des cas, les parents n’ont pas le choix, car ils ne peuvent pas les emmener avec eux et puis les écoles ne proposent pas d’autres activités pour occuper le temps de l’enfant qui ne fréquente pas les classes de religion. Les écoles publiques n’ont pas assez de salles de classe ou de personnel pour s’occuper de ces élèves.
En plus, la rémunération des professeurs est influencée par le nombre de classes effectivement tenues. Du coup, si le nombre d’élèves diminue, ils risquent de se voir diminuer aussi le nombre de classes, et donc leur traitement, voire leurs emplois. Alors, bon nombre d’écoles roumaines ne dévoilent pas aux parents le caractère optionnel de cette discipline.
Mais voilà que depuis quelques années, la société civile, plusieurs ONGs et surtout de plus en plus de parents ont commencé à faire des pressions auprès du ministère de l’Education pour défendre le caractère laïc des établissements scolaires de Roumanie. Leur principal argument et sujet de révolte: le contenu des manuels de religion qui transforme cette discipline en un véritable cours de catéchisme avec bien au centre, l’Eglise orthodoxe roumaine.
Pire encore, les manuels abondent en exemples d’enfants punis par la divinité pour différentes raisons dont la principale reste la non participation aux activités religieuses organisées dans les paroisses. Je me souviens d’un dessin dans le manuel de ma fille avec un petit garçon renversé par une voiture et donc sérieusement blessé pour ne pas avoir prié le soir, avant de s’endormir. Et la liste continue et les exemples sont des plus stupéfiants et des plus durs.
Après moult débats dans les médias et sur les réseaux sociaux et suite à une saisine officielle, la Cour constitutionnelle de Roumanie a finalement tranché la question de l’enseignement de la religion dans les écoles publique roumaines : depuis le 6 mars dernier, c’est aux parents des élèves qui souhaitent intégrer les classes de religion d’avancer une demande en ce sens.
Où est le changement, vous allez dire ? Eh bien, c’est une question de nuance, si vous voulez. Une demande, on l’avance pour faire quelque chose et non pour refuser cela, a argumenté la Cour sa décision qui est définitive et obligatoire. La réaction du Patriarcat n’a pas tardé : c’est une décision discriminatoire et humiliante, peut-on lire dans un communiqué officiel. Et surprise, la réaction des professeurs aussi. Non pas ceux de religion, mais leurs collègues qui, une fois de plus, ont essayé de plaider en faveur des cours de religion, en invoquant de nouveau l’argument suprême des écoles roumaines surpeuplées : que faire avec ceux qui ne participeront pas aux classes de religion ? Qui s’occupera d’eux ? Un argument qui, surtout dans le cas des gamins, a bien fonctionné, en poussant les parents à préférer une heure de catéchisme à une heure passée dans le couloir.
Pourtant, le problème le plus important reste toujours d’actualité : les manuels n’ont pas été modifiés. Les menaces sont toujours là, la religion se résume à l’orthodoxie, les punitions y abondent. Finalement, c’est une question de chance de tomber sur un professeur doux et gentil qui refuse l’endoctrinement et présente la religion selon les préceptes qu’elle se propose de prêcher. Mais ces professeurs se font plutôt rares, surtout que pour enseigner cette discipline, il faut être agréé par le Patriarcat roumain. Pas de chance donc de remplacer le cours existant par un autre, disons, d’histoire des religions.
D’ailleurs, cette idée avancée par la société civile a provoqué une réaction des plus dures de la part des représentants de l’Eglise orthodoxe roumaine qui ont invoqué comme argument suprême le pourcentage important de Roumains orthodoxes du pays : 86% du total de la population du pays selon un recensement de 2013. Les données statistiques recueillies après le dépôt des demandes d’inscription en classe de religion révèlent que plus de 90% des élèves appartenant aux 18 cultes religieux reconnus par l’Etat roumain ont opté pour ce cours. Comment cela, allez-vous dire ? Pourquoi étudier l’orthodoxie, si on n’est pas orthodoxe ? Par la simple bonne raison que, quelle que soit l’appartenance religieuse de leurs élèves, les écoles publiques roumaines se confrontent toutes aux mêmes problèmes : elles ne proposent aucune alternative aux enfants qui ne suivent pas ce cours. Et dans la plupart des cas, elles ne cherchent pas non plus à en trouver une.