Jean – François Meile (France) – Y a-t-il encore des salles de cinéma de quartier ?
Les petites salles de cinéma - qu'elles soient de quartier ou sises au centre-ville - n'ont pas trop de chances de survie en Roumanie.
Valentina Beleavski, 07.04.2017, 14:36
En un mot : désastreuse, telle est la situation des salles de cinéma de quartier. Vu que les grands centres commerciaux poussent comme des champignons en Roumanie et surtout à Bucarest, les petites salles de cinéma – qu’elles soient de quartier ou sises au centre-ville – n’ont pas trop de chances de survie.
Prenons l’exemple de Bucarest, la capitale. Avant 1989, on y recensait 87 cinémas publics appartenant à la Régie autonome de distribution et d’exploitation des films (RADEF). Aujourd’hui il n’en reste plus que 5 salles, et celles-ci ont été quasiment jetées dans l’oubli. Que sont devenues les autres ? Certaines ont été transformées en terrasses, bars et cafés, d’autres – en discothèques de luxe, d’autres encore sont en ruine. Vu cet état de choses, la Régie a décidé de ressusciter ces salles. Depuis 2008, quelques-unes ont été rénovées et dotées d’équipements modernes. Certaines proposent les mêmes films que les multiplex, mais à des prix nettement moins chers. D’autres visent différentes niches de public et proposent uniquement des films européens ou accueillent des festivals de film. Malgré tous leurs efforts, ces petites salles ont du mal à attirer les Bucarestois. « La plupart des gens les évitent, en pensant qu’elles sont obsolètes, que la qualité des écrans est douteuse et que les films sont vieillis », lit-on dans un article paru à ce sujet dans le quotidien Adevarul. En fait, « le public ne sait pas qu’une partie de l’univers des cinémas du Bucarest d’antan est toujours vivant et que derrière les portes démodées il existe des salles complètement remises à neuf, qui disposent de bonnes conditions techniques et d’un design moderne et dont les tarifs dont beaucoup plus accessibles.
En voici quelques exemples. Europa Cinéma est une salle accueillante et coquette, d’environ 300 places, qui fait partie du réseau du même nom et à l’affiche de laquelle on retrouve uniquement des films européens. La Cinémathèque Union fait partie du même réseau, Europa Cinéma, avec la précision qu’elle offre des réductions importantes de prix aux étudiants de l’Université d’art théâtral et cinématographique et de l’Université nationale des beaux-arts. Elle est située, évidemment tout près de l’Université de Bucarest. Toujours au centre-ville, à deux pas du centre historique en fait, il y a le cinéma Corso. On peut y regarder les films les plus récents, les mêmes blockbusters américains que dans les multiplex. Puis, au cœur même de la ville, sur l’avenue de Magheru, le Cinéma Studio est considéré comme une des salles les plus intimes de Bucarest, l’endroit où l’on peut voir de bons films dans le cadre de différents festivals internationaux.
De l’autre côté du boulevard Magheru, le Cinéma Patria tente lui aussi de survivre, à sa manière. Avant l’arrivée des multiplex, à la fin des années 90, ce fut le premier cinéma de Bucarest à être doté d’une sonorisation de dernière génération, le Dolby Surround, qui était à ses débuts en Roumanie. A l’époque, on faisait la queue pendant plus d’une heure pour y acheter des billets. Puis, les jeunes ont tout de suite préféré les grandes surfaces et leurs salles ultra-modernes et ultraconfortables. Le Cinéma Patria est passé dans l’oubli, à l’instar d’autres salles publiques. Plusieurs années se sont écoulées avant qu’il ne soit rénové. Il fallait surtout le doter d’un bon système de chauffage central, car c’est un grand cinéma, avec un millier de places. Comme je le disais tout à l’heure, une fois modernisé, il tentait de survivre à sa manière en proposant non seulement des films, mais aussi des spectacles de théâtre et de stand-up comedy. Toutefois, fin 2015, le terrible incendie de la discothèque Colectiv de Bucarest a mis en lumière le fait que la grande majorité des salles (de théâtre, cinéma, concerts ou des restaurants) se trouvant dans les vieux bâtiments n’étaient pas conformes aux normes de sécurité en situation d’urgence. Par conséquent, elles ont été fermées. Ce fut le sort de toutes les boutiques de l’avenue Magheru, salles de cinéma et de théâtre comprises. Ce qui plus est, la quasi-totalité de ces bâtiments datent des années 1930 et courent un énorme risque sismique. Le cinéma Patria n’y fait pas exception. Il a donc fermé ses portes fin 2015.
Avant de terminer, je voudrais préciser qu’à Bucarest, les grands centres commerciaux sont à l’intérieur de la ville. En fait, il y en a plusieurs dans chaque quartier. Les gens les préfèrent, parce qu’elles sont très accessibles, parce qu’on y trouve tout – boutiques en tout genre, librairies, restaurants, grandes surfaces, aires de jeux et… cinémas. Vu cette offre tellement riche, je me demande bien ce que les petites salles de quartier pourraient offrir de plus….