Jean-François Meile (France) – Le cimetière roumain de Soultzmatt
Il y a en Alsace un cimetière de soldats roumains près de Soultzmatt. Ils étaient prisonniers des Allemands pendant la guerre de 14-18. Quelles raisons ont conduit ces prisonniers en Alsace-Moselle alors germanique ?
România Internațional, 02.10.2015, 14:13
Le cimetière du Val du Pâtre est le plus grand cimetière militaire roumain de France. Il regroupe 678 prisonniers de guerre roumains, morts des privations subies par les Allemands au cours de la première guerre mondiale. On compte 553 tombes individuelles, ainsi que deux grandes fosses communes renfermant 125 victimes, mortes de froid lors de la tragédie de Steinbrunn-le-Haut la nuit du 27 au 28 janvier 1917. Après le conflit, la commune de Soultzmatt a, par délibération du 30 août 1919, fait don à la Roumanie du terrain nécessaire à l’aménagement du cimetière au lieu-dit Gauchmatt. Il a été inauguré en 1924 par le roi Ferdinand de Roumanie et la reine Marie. Cette nécropole roumaine constitue aujourd’hui encore un haut-lieu de pèlerinage, où les dirigeants de la Roumaine viennent se recueillir chaque année.
Et voici un complément d’information, relevé dans l’ouvrage de Jean NOUZILLE, Le Calvaire des prisonniers de guerre roumains en Alsace-Lorraine, 1917-1918 (Bucarest, Editions Militaires, 1991) : « Au début de la Première Guerre mondiale, les troupes allemandes ont déboisé une partie de la forêt à l’ouest de Soultzmatt pour construire des abris et des installations militaires. Ils ont érigé un camp militaire. Le camp du « Kronprinz » est occupé en permanence par environ 500 soldats allemands. Il est camouflé pour ne pas être repéré par l’aviation française.
Au début de 1917, par un froid rigoureux, les habitants de Soultzmatt voient arriver des soldats roumains exténués et amaigris. Les prisonniers sont surveillés par un détachement spécial d’une quinzaine de gardiens et encadrés pour le travail par des chefs d’équipe civils et un garde forestier. Ils reçoivent une nourriture insuffisante. Les pauvres soldats roumains meurent d’épuisement et de faim. Certains sont sans souliers et ont les pieds entourés de chiffons. Les vêtements sont en lambeaux et les prisonniers doivent récupérer ceux des morts. » La population française n’a pas été insensible au traitement inhumain auquel les Allemands soumettent les soldats roumains. En cachette, ils donnent des vivres à ces derniers. C’est ainsi que certains réussissent à survivre. « Le 9 avril 1924, le roi Ferdinand et la reine Marie de Roumanie sont les hôtes de l’Alsace et viennent se recueillir au Val du Pâtre, accueillis par le Général Berthelot, ancien chef de la mission militaire française en Roumanie en 1916-1918. Après l’inauguration du monument, la reine Marie dépose, au pied de la grande croix du cimetière, une immense couronne d’arums et de roses et, parcourant les allées qui séparent les tombes, place sur chaque tombe un bouquet d’œillets rouges et blancs. Dans le cimetière militaire de Soultzmatt, au pied de la croix qu’entourent toujours en permanence les drapeaux français et roumain, trois plaques de marbre témoignent du sacrifice des prisonniers de guerre roumains. »