Guy Le Louet (France) – Qu’en est-il des ukrainiens réfugiés en Roumanie ? »
Sur les plus de 3 millions de réfugiés à avoir traversé la frontière avec la Roumanie depuis février 2022, seuls 110 mille ont décidé d'y rester.
Alex Diaconescu, 27.04.2023, 10:16
La Roumanie, même si elle est un Etat-membre de l’UE ayant la frontière la plus étendue avec l’Ukraine, soit plus de 600 kilomètres, emme ne constitue pas une destination privilégiée par les réfugiés ukrianiens. Sur les plus de trois millions de réfugiés à avoir traversé la frontière avec la Roumanie depuis février 2022, seuls 110 mille ont décidé d’y rester. La vaste majorité de ces personnes ont seulement transité notre pays afin de se rendre dans d’autres Etats d’Europe Occidentake. Les différences linguistiques, des relations bilatérales dans les années 1990 – 2000 avec des hauts et des bas et surtout des bas ! – ont découragé en quelque sorte les Ukrainiens à chercher refuge en Roumanie. Par ailleurs, la Pologne avec sa langue assez proche de l’Ukrainien a été la destination privilégiée de ces réfugiés. Et pourtant, afin de gérer la crise des migrants qui ont fui la guerre, les autorités de Bucarest ont mis au point un système par le biais duquel les réfugiés ukrainiens étaient hébergés et nourris sur les frais de l’Union européenne.
En effet, les propriétaires d’immeubles mis à la disposition des réfugiés ukrainiens reçoivent ou plutôt recevaient par personne et par jour, quelque 50 lei, soit dix euros pour l’hébergement et 20 lei, soit 4 euros pour la nourriture, comme l’explique Hotnews.ro. Malgré les nombreux problèmes, notamment bureaucratiques, qui ont miné ce programme, il a quand même fonctionné le long de l’année 2022. Retenons aussi que dès le 27 février 2022 la Commission européenne avait versé aux Etats membres plus de 3 milliards et demi d’euros censés les aider à gérer la crise des réfugiés ukrainiens. La Roumanie a reçu, elle, 450 millions d’euros, soit le troisième montant le plus élevé. Entre temps, la situation s’est empirée et le système s’est carrément grippé. Les retards dans les décomptes n’ont pas tardé et les montants dus au mois de décembre ont été versés à peine en mars dernier. Déjà, à compter du mois de février, des rumeurs ont commencé à circuler comme quoi le programme serait entièrement suspendu.
Dans ce contexte d’arriérés et d’incertitudes, nombre de propriétaires d’immeubles qui accueillaient des réfugiés leur ont demandé soit de payer des loyers, soit de déménager. Mais voilà qu’inquiètes du fait que ce programme a bouleversé le marché de la location immobilière de Roumanie, les autorités de Bucarest ont décidé de payer de l’argent directement aux réfugiés et non pas aux propriétaires d’immeubles. S’y ajoute aussi l’argument des fraudes survenues et de cas de réfugiés fictifs enregistrés à différentes adresses. Conformément aux nouvelles normes, qui s’appliquent à partir de ce 1er mai, une famille de réfugiés ukrainiens recevra désormais 400 euros pour l’hébergement, alors qu’une personne seule bénéficiera de 150 euros par mois. Côté nourriture, tout réfugié ukrainien recevra un forfait mensuel de 120 euros. Le gouvernement de Bucarest annonce également que l’aide sera offerte sans aucune autre condition pendant un seul mois. Durant les trois mois suivants, les réfugiés devront soit trouver un emploi, soit inscrire leurs enfants à l’école ou à la maternelle.
Mais le problème c’est que désormais, les familles ukrainiennes sont obligées à renégocier leurs loyers, tout en s’occupant des différentes formalités par le biais d’une application nouvellement développée. En pratique, les réfugiés devraient payer de leur propre poche un mois de loyer, à part la nourriture et les autres frais. Il n’est pas du tout étonnant que le nombre de réfugiés ukrainiens en Roumanie a baissé de 113 mille fin février à 101 mille fin avril. Sur les groupes Facebook de soutien aux réfugiés ukrainiens, les appels à l’aide se sont multipliés. Selon ceux-ci des mères seules avec plusieurs petits enfants se sont retrouvées dans la rue, sans aucune source de revenu et sans avoir les moyens de rentrer en Ukraine. Bref, cette situation demeure compliquée en Roumanie, même si le nombre de réfugiés est assez réduit par rapport à celui d’autres Etats. De l’autre côté, même si sur les réseaux sociaux, les offres et les demandes d’embauche se multiplient, seulement quelque 6 mille contrats de travail ont été conclus avec des ressortissants ukrainiens depuis le début de la guerre au pays voisin. S’y ajoutent quelques milliers d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes qui travaillent au noir : plombiers, femmes de ménage etc. Côté éducation, à travers le pays, environ 4 mille élèves d’école et de maternelle assistent uniquement aux cours et n’y participent pas de manière directe alors que 1 100 enfants ont un parcours scolaire tout à fait normal. Entre temps, sur les réseaux sociaux, même si le discours de haine réapparait périodiquement, les exemples de solidarité sincère de la part des Roumains sont également nombreux. Certains ne ratent aucune occasion de photographier des voitures de luxe portant des plaques d’immatriculation ukrainiennes alors que d’autres s’impliquent pour aider les personnes en difficulté.