Le courrier des auditeurs du 03.11.2023
Alex répond à vos messages et questions ...
Alex Diaconescu, 03.11.2023, 08:49
Bonjour et soyez les bienvenus à une nouvelle rencontre avec l’émission préférée des passionnées de la radio en ondes courtes. Je suis très heureux de me retrouver à nouveau dans le cadre du courrier des auditeurs de RRI. Comment allez-vous ? Nous, en Roumanie, nous nous réjouissons d’une météo d’automne de plus en plus douce ; avec des maxima de plus de 20 degrés en novembre. D’un côté, on est heureux de pouvoir fuir la ville presque tous les weekends, de trainer en terrasse ou tout simplement de se promener dans un parc sous le soleil doux de l’automne. Ce qui plus est, nous avons ainsi l’occasion de mettre en marche le chauffage un peu plus tard et, par conséquent, on bénéficie de factures moins salées. De l’autre côté, on se rend tous compte que cette nouvelle réalité météorologique n’est pas normale et que les températures élevées et surtout la sécheresse – tout cela a des conséquences dévastatrices sur l’environnement. Dans cette nouvelle réalité météorologique, les fêtes d’hiver se transforment en fêtes d’automne ou même du printemps, puisque le plus souvent on arrive à fêter Noël ou la nouvelle année en T-shirt. D’ailleurs le sujet des changements climatiques et du réchauffement a fait l’objet de l’édition de cette année de la Journée de l’auditeur de RRI. Vous avez été nombreux à nous envoyer des opinions et nous vous en remercions.
Passons maintenant à vos messages et questions. Aujourd’hui nous parlons d’élections en Roumanie. C’est Michel Beine de Belgique qui nous a envoyé par le passé deux lettres avec des suggestions de sujets portant sur les élections en Roumanie, sur la manière dont se déroulent les préparatifs, sur la réquisition des locaux, le montage des urnes, sur la formation des bureaux de vote et sur la manière dont sont sélectionnés les membres de ceux-ci. Vous demandez aussi quel est l’âge minimum pour voter. J’ai donc choisi ce sujet pour ce Courrier des auditeurs, surtout qu’en 2024, la Roumanie organise tous les scrutins possibles : élections législatives, municipales, présidentielles et pour le Parlement européen. C’est une situation inédite en Roumanie, qui a redoublé d’efforts pour séparer les élections présidentielles de celles législatives. C’est justement pourquoi le mandat présidentiel de quatre ans a été prolongé à cinq ans. N’empêche, mathématiquement, tous les vingt ans on se voit obliges d’organiser toutes les élections la même année.Mais quelle est l’architecture politique de la Roumanie, comment vote-t-on et qu’est-ce qu’on fait élire ? Allons donc à l’essentiel : conformément à la Constitution de 1991, révisée en 2003, la Roumanie est une république démocratique multipartite, le régime politique est semi-présidentiel, où le Premier ministre est le chef du gouvernement. Le président, élu directement par le peuple lors d’élections présidentielles, se charge surtout de la politique extérieure et de la défense, alors que le premier ministre, proposé par le chef de l’Etat et confirmé par le Législatif est grosso modo chargé de l’économie. Mais les deux peuvent jouer des rôles similaires dans presque tous les domaines et c’est pourquoi les épisodes de cohabitations difficiles ont été assez nombreux ces 20 dernières années. Le pouvoir exécutif est détenu par le gouvernement tandis que le pouvoir législatif est partagé entre le gouvernement et les deux chambres du parlement, dont le pouvoir est dans leur cas aussi similaire. Donc, pour résumer, le principal souci des pères de l’architecture constitutionnelle de la Roumanie a été de maintenir un équilibre entre les principaux acteurs, ce qui a évité d’avoir une concentration du pouvoir dans la main d’une seule personne. Cela a également donné naissance à de nombreuses périodes de crise politique et de blocage institutionnel. Mais voilà que les politiciens roumains ne cessent d’innover et durant l’actuelle législature, l’alliance gouvernementale a réuni les deux premiers partis issus des élections, c’est-à-dire la gauche et la droite. Le protocole de la coalition au pouvoir actuellement à Bucarest a impliqué aussi une rotation des premiers ministres – une autre nouveauté. Reste à voir si des arrangements similaires auront lieu aussi après 2024.
Comment se déroule concrètement le vote ? Eh bien, les élections se déroulent le plus souvent dans des écoles et elles font la joie des écoliers qui y vont puisqu’ils bénéficient ainsi de deux jours libres : le vendredi d’avant les élections et le lundi d’après. Les cabines de vote, les urnes, toute la mise en place a l’air d’une grande improvisation, avec des cabines de vote en bois aux rideaux en tissu et des urnes en carton. Normalement, on se rend dans l’école allouée notre circonscription électorale. A l’intérieur, chaque salle de classe accueille un bureau de vote qui regroupe plusieurs rues et adresses. En échange de la carte d’identité et d’une signature dans le registre électoral on reçoit les bulletins de vote et un tampon avec le mot « VOTAT », « Voté ». On vote, on introduit les bulletins de vote dans les urnes respectives et puis on va déposer le tampon et récupérer sa pièce d’identité. Il n’est pas permis d’utiliser des outils à écrire, mais seulement le tampon. Notons que depuis quelques cycles électoraux, une nouvelle mesure de sécurité a été mise en place : à l’entrée au bureau de vote, chaque pièce d’identité est vérifiée sur une tablette pour voir si l’électeur a exprimé – oui ou non – son vote ailleurs ou sur une liste supplémentaire. Comme vous pouvez l’imaginer, le weekend électoral est particulièrement difficile pour les membres des bureaux de vote qui veillent au bon déroulement du processus électoral, y compris au décompte et au dépôt des bulletins de vote. Qui sont les membres de ces bureaux ? Il s’agit d’envoyés de tous les partis politiques, enseignants ou fonctionnaires, coordonnés par un président qui doit être un magistrat. Dans les bureaux de vote on trouve aussi des observateurs indépendants, le plus souvent membres d’ONGs, des bénévoles ou des étudiants en Sciences Po, par exemple. Mais pour qui les Roumains votent et comment nos suffrages se transforment-ils en voix. Pour l’élection présidentielle c’est simple, car nous devons choisir parmi plusieurs candidats aux fonctions de chef d’Etat durant le premier tour. Si aucun candidat ne recense 50,1 % des voix, alors un deuxième tour de scrutin est organisé et les Roumains sont appelés à choisir parmi les deux premiers candidats du premier tour. Parfois, les résultats ont été particulièrement serrés, avec des victoires décrochées à la dernière minute, sur des différences minuscules. On a eu aussi des dénouements spectaculaires lorsque le candidat arrivé en deuxième position au premier tour a fini par remporter les élections au second tour. Dans le cas des élections municipales, on doit élire par vote direct les maires de sa localité et par vote proportionnel les conseillers municipaux.
Le scrutin législatif est désormais proportionnel après un épisode de vote mixte qui combinait le scrutin uninominal à celui proportionnel, qui n’a fait qu’augmenter le nombre des sénateurs et des députés. D’ailleurs le nombre des élus nationaux, soit 588, est assez élevé pour un pays avec moins 20 millions d’habitants comme la Roumanie, déplorent les analystes politiques. Mais peut-être que s’il y a plus d’élus, la qualité de la législation issue du Parlement est meilleure, rétorquent d’autres. Pourtant, décrocher une voix au Parlement n’est pas chose facile, puisque le seuil électoral est de 5 %. Ce qui plus est, pour se porter candidat, un citoyen doit rassembler des milliers de signatures de soutien. Par conséquent, on n’a pas tort de dire que le système politique roumain favorise les partis qui on un grand nombre d’adhérents et un grand réseau national. Mais périodiquement la politique roumaine nous fait aussi quelques surprises. Comme d’habitude, les informations les plus récentes sur le déroulement des campagnes électorales et des élections roumaines, tout comme leurs résultats vous les trouverez sur RRI.
Enfin, je remercie aussi tous nos amis qui nous ont envoyé des rapports d’écoute : Jacques Augustin, Paul Jamet et Philippe Marsan de France.