Pétition européenne pour la sauvegarde des abeilles
Eugen Coroianu, 29.10.2021, 10:20
Une pétition
visant la sauvegarde des populations d’abeilles a réussi à rassembler le nombre
de signatures nécessaire pour être examinée par la Commission européenne.
L’initiative « Save Bees and Farmers » a dépassé le million de
signatures, selon le site internet qui l’avait promue. « Le fait que nous
ayons réussi l’exploit, en dépit des restrictions massives causées par la crise
du COVID-19, montre l’enthousiasme des gens qui appellent à un changement de la
politique agricole européenne », avait déclaré Veronika Feicht,
représentante de l’Institut de l’environnement de Munich, l’un des responsables
de la campagne.
La pétition
demande que la législation de l’UE élimine progressivement les pesticides de
synthèse, protège la biodiversité et cesse de se concentrer sur l’agriculture de
type industriel. Plus de 31.000 signatures ont été recueillies en Roumanie,
soit plus de 30 % de plus qu’il n’en fallait pour dépasser le seuil minimum
alloué au pays. La pétition, qui sollicite que l’utilisation de pesticides de
synthèse dans l’agriculture soit réduite de 80% d’ici 2030 et totalement éliminée
avant 2035, a été lancée par 90 organisations, originaires de 17 pays de
l’Union européenne. Parmi les initiateurs se trouve la Fédération des associations d’apiculteurs roumains, Romapis.
Constantin
Dobrescu, vice-président de cette organisation, explique sur Radio Roumanie le
pourquoi de cette initiative : « Une telle initiative nous est indispensable.
Vous savez, les abeilles, et pas seulement elles, toutes les populations d’insectes
pollinisateurs sont en déclin. Cette réalité, prouvée au-delà de tout doute
possible, a des effets sur le long terme, affectant ces populations à tous les niveaux.
Des études ont été menées, par exemple, en Allemagne, dans certaines zones
protégées, où l’agriculture intensive n’est pas pratiquée, je parle de cette
agriculture qui repose sur l’utilisation intensive de pesticides et de
monocultures. L’on a observé que les populations de pollinisateurs ont baissé
d’environ 70% sur une période d’environ 30 ans. Or, les insectes se trouvent à
la base de la chaîne trophique. La disparition des insectes met en danger
l’ensemble du vivant et l’ensemble de notre chaîne alimentaire. Ce n’est pas
une blague. Et, tenez compte, cette étude s’était déroulée dans une zone
protégée, où l’on n’emploie pas de pesticides. Voyez un peu ce qui se passe
dans les régions où l’on pratique cette agriculture industrielle et l’on
utilise beaucoup de pesticides. Les abeilles disparaissent, les apiculteurs
souffrent à leur tour. Pensez aux pauvres bourdons, aux abeilles solitaires,
que personne ne défend. Toutes ces populations disparaissent en catimini, des
espèces entières, une véritable hécatombe, aux conséquences terribles. »
Les abeilles,
mais aussi les autres pollinisateurs, sont en effet indispensables à la
préservation des écosystèmes et de la biodiversité. Jusqu’à un tiers de la
production alimentaire humaine et deux tiers des fruits et légumes que nous
consommons au quotidien reposent sur la pollinisation par les abeilles et les autres
insectes. Cependant, leur existence est menacée par la contamination constante
par les pesticides et par la disparition de leur habitat due à l’agriculture
industrielle, tire la sonnette d’alarme la Fédération des associations apicoles
roumaines. La pétition européenne attire également l’attention sur le fait que
les écosystèmes naturels des zones agricoles doivent être restaurés de toute
urgence, pour que l’agriculture devienne un facteur clé dans le rétablissement
de la biodiversité. Pour cela, les agriculteurs ont besoin d’être accompagnés
dans la transition vers l’agroécologie. Il faut faire en sorte de favoriser les
petites exploitations agricoles diversifiées et durables, et développer
l’agriculture biologique.
La formation et
la recherche pour le développement d’une agriculture sans pesticides et sans
organismes génétiquement modifiés doivent être encouragées, plaide Constantin
Dobrescu vice-président de la Fédération des associations d’apiculteurs
roumains : « L’agriculture industrielle telle qu’elle est pratiquée à
l’heure actuelle est tributaire à l’industrie agrochimique. Les pratiques
agricoles actuelles impliquent l’utilisation massive de ces pesticides, qui
sont devenus beaucoup plus toxiques que ceux des premières générations. D’une
génération à l’autre, les pesticides deviennent de plus en plus dangereux pour
les insectes, mais aussi pour nous, les humains. Parce qu’ils finissent dans
notre assiette, qu’on le veuille ou non. Croire qu’il est impossible de
pratiquer l’agriculture en l’absence de l’utilisation de ces poisons c’est
faux. Des études étayées le démontrent. L’Europe peut être autosuffisante d’un
point de vue alimentaire. Certes, abandonner l’emploi de pesticides présuppose
un certain changement de nos habitudes alimentaires, une diminution de la
consommation de viande, donc une baisse du volume de l’élevage. Il faudrait pouvoir
se contenter d’une production soucieuse de l’environnement, dans le contexte
d’une agriculture verte. Les agriculteurs qui ont sauté le pas et se sont convertis
à une agriculture sans pesticides savent que cela est possible, ils ont déjà pu
le constater. Croire que le monde risque sa sécurité alimentaire à force
d’arrêter l’emploi des pesticides est totalement faux, c’est tout bonnement un
mensonge. »
Le mécanisme de
l’initiative citoyenne européenne a été introduit par le traité de Lisbonne.
Cela permet que les initiatives soutenues par un million de citoyens en
provenance d’au moins un quart des 27 arrivent sur la table de la Commission
européenne, et que cette dernière se voie tenue de présenter des propositions
législatives dans ses domaines de compétence. Néanmoins, à cause des États
membres qui ont invoqué avoir besoin de plus de temps pour mettre en place des
mécanismes de certification des déclarations de soutien, les premières
initiatives citoyennes n’ont vu le jour que depuis le 1er avril 2012. (Trad.
Ionut Jugureanu)