L’ours, le loup et le lynx : les trésors vivants d’une Roumanie méconnue
Eugen Coroianu, 28.01.2022, 08:34
Le programme
international Life – Euro Large Carnivores, financé en partie par l’Union
européenne et centré sur la question de la coexistence des humains et des
grands carnivores en Europe, touchera bientôt à sa fin. Depuis près de cinq
ans, grâce à la coopération transnationale, le programme cherche à identifier les
meilleures solutions pour faire en sorte que l’ours, le loup ou encore le lynx
soient perçus pour ce qu’ils sont : un formidable trésor vivant, une
chance pour la biodiversité de notre continent.
Ce même programme s’est
également donné pour objectif de faire en sorte pour que ces formidables fauves
puissent continuer à vivre dans leurs habitats naturels, en interférant le
moins possible avec les humains. En fait, la coexistence entre nous, les
humains, et les grands carnivores a depuis toujours constitué un problème,
appelant à des compromis et menant à des adaptations, de part et d’autre. Néanmoins,
force est de constater que le développement explosif des concentrations et des
infrastructures humaines au cours des 100 dernières années a considérablement
réduit l’habitat naturel de la faune européenne, ayant grandement perturbé la
vie et l’avenir de ces espèces.
En effet, selon le Fonds
mondial pour la nature, des activités telles que l’exploitation forestière,
l’expansion de l’infrastructure de transport et des zones touristiques, le bâti
et les exploitations agricoles, la récolte intensive de baies ou la chasse
excessive de certaines espèces, dont notamment celles qui constituent la base
trophique de grands carnivores, ont fini par mettre en danger la survie des grands
fauves européens.
Pour ce qui est de la
situation spécifique de notre pays, nous nous sommes adressés à Marius Berchi,
expert du Fonds mondial pour la nature Roumanie, et responsable du volet
roumain du projet LIFE Euro Large Carnivores : « Nous savons fort bien
que les activités humaines se développent au détriment des zones sauvages et
des habitats naturels des espèces sauvages. Et cela ne manque pas d’entraîner
des conséquences, à plusieurs égards. Prenez les attaques d’ours sur les personnes,
les dégâts matériels et les pertes économiques engrangées à l’occasion. Aussi,
des fois, certaines pratiques de gestion de la faune, telle l’alimentation
complémentaire, qui aide l’animal à s’habituer à l’homme, puis la mauvaise
gestion des déchets ménagers, ne font qu’empirer le problème. Et l’ours, vous
le savez sans doute, n’est pas un animal domestique. L’attaque d’un tel fauve
peut mettre en danger la vie d’une personne. Quant au loup, nous ne disposons pas
de données récentes, qui fassent état des attaques de cet animal sur des
victimes humaines. »
Néanmoins, pour
réduire les risques d’attaques et le nombre d’incidents de ce genre, il est
urgent d’enclencher un dialogue entre tous les facteurs impliqués, afin de dégager
un consensus qui perdure. Or, parmi les acteurs impliqués dans la gestion du
problème, il faut réunir autour de la table les pouvoirs locaux, des représentants
des communautés, les agences de protection de l’environnement, les gardes forestiers
et les gardes-chasse, les gestionnaires de fonds de chasse, les gestionnaires
de fonds forestiers, les éleveurs d’animaux, les instituts de recherche, les
universités, les ONG, les opérateurs touristiques et bien d’autres acteurs
intéressés.
Marius Berchi
nous parle de l’approche utilisée par le Fonds mondial pour la nature Roumanie à
cet égard : « Pour ce qui est des dommages subis par les éleveurs par
exemple, nous sommes parvenus à faire introduire dans le Plan stratégique
national un mécanisme, financé par l’entremise de la Politique agricole commune,
qui prévoit l’acquisition du matériel et des moyens de protection, tels que des
clôtures électriques, des chiens de berger ou encore des poubelles sécurisées,
que l’ours ne pourra pas ouvrir. Nous avons ensuite réussi à jeter les bases d’une
plate-forme régionale pour la coexistence des espèces dans la région des monts
Apuseni. Vous y trouverez des éleveurs d’animaux, des chasseurs et des
représentants de la plupart des institutions concernées par le sujet. Je me
plais aussi de croire que nous avons également contribué à l’accroissement de
la capacité institutionnelle des acteurs concernés. Nous avons organisé des
formations thématiques, et je vous donne deux exemples : l’automne dernier, nous
avons abordé la mise en place d’un système d’évaluation et de suivi de la
population de loups l’échelle nationale,
alors qu’une deuxième formation, qui se déroule ces jours-ci, tente de mettre
en place des équipes d’intervention rapide, rassemblant les maires des
localités concernées, des gendarmes, des chasseurs et des vétérinaires. Nous
avons également mené des activités d’information auprès des agriculteurs de la
région, notamment au sujet des démarches à entreprendre en cas de préjudice,
pour obtenir des dédommagements en cas de dégâts. Nous avons fait aussi don
d’équipements de prévention dans le cadre du projet : des clôtures
électriques et des chiens, voire même des sprays anti-ours. Enfin, nous avons proposé
des aménagements législatifs et des politiques publiques, pour améliorer la gestion
de la population d’ours, et nous avons contribué à l’élaboration du Plan
international d’action pour la conservation des grands carnivores dans les
Carpates. »
Quoi qu’il en
soit, force est de constater l’augmentation de la population de loups, d’ours,
de lynx et d’autres animaux sauvages en Europe au cours de la dernière
décennie. Aussi, selon les statistiques, sur une population de plus de 18.000
ours qui vivent en Europe, la Roumanie abrite un peu plus de 6.700 exemplaires.
Et sur les 9.000 ratons laveurs recensés sur le continent, 1.200 avaient élu
domicile dans notre pays. Quant aux loups, si la plupart ont été exterminés
dans une bonne partie des régions européennes au cours des deux derniers
siècles, pour atteindre un minimum historique au milieu du XXe siècle, des
données récentes font état d’une population stable, qui varie entre 2.500 et
2.900 exemplaires, sur le seul territoire de la Roumanie, une population présente
notamment dans les régions de hautes collines et de basses montagnes. C’est
dire l’importance de la Roumanie dans la sauvegarde des grands fauves
européens. (Trad. Ionuţ Jugureanu)