Les systèmes agroforestiers, en rempart face au changement climatique
Combattre activement le changement climatique grâce aux plantations d'arbres et accroître la superficie occupée par les forêts dans le pays.
Eugen Coroianu, 30.06.2023, 22:41
Dans le sud de
la Roumanie, à partir du village de Dăbuleni, le pays de la pastèque comme il
est connu, débute le Sahara de la Roumanie, soit près de cent mille d’hectares
de terres arides, qui occupent une bonne partie de la surface du département Dolj.
Aussi, depuis quelques années, les sylviculteurs tentent-ils d’endiguer la
désertification des terres notamment grâce aux plantations de robiniers. Les cultures
de la commune de Cârcea, située près de l’aéroport international de Craiova, sont
parmi les plus affectées par la désertification rampante de la région. Les étés,
de plus en plus longs et caniculaires, ne semblent pas améliorer la donne.
C’est
dans ce contexte délétère que l’association La forêt de demain tente d’introduire des plantations novatrices. La structure
argileuse qui caractérise le sol de la région garde peu l’eau et réagit mal durant
les périodes de sécheresse, explique Marian Mechenici, le représentant de la
société chargée de préparer le sol de la nouvelle plantation expérimentale d’arbres.
Aussi, des céréales et des légumes ont été semées et plantées sur 1,3 hectares
de terrain, tout comme cela se fait habituellement dans la région. Ce qui
différencie pourtant cette parcelle des parcelles avoisinantes c’est qu’en
parallèle y ont été plantés des arbres et des arbres fruitiers.
Toujours à la
recherche des solutions novatrices pour lutter contre le changement climatique,
l’association la Forêt de demain a récemment mené une étude sur les
performances des systèmes agroforestiers. « Nous souhaitons combattre
activement le changement climatique grâce aux plantations d’arbres, et
accroître la superficie occupée par les forêts dans le pays », explique Mihail
Caradaică, son directeur. « Cela est particulièrement vrai pour la région des
plaines, où nous ne retrouvons que 6% des forêts roumaines.
Dans ce contexte, l’agroforêt
constitue la solution rêvée, aux bénéfices multiples. Grâce à cet écosystème,
nous participons à faire diminuer le CO2 dans l’atmosphère, le degré d’humidité
des sols est amélioré, les productions agricoles s’améliorent. Les animaux
domestiques y trouvent aussi un abri, lorsque ce système est implanté dans les
fermes », poursuit notre interlocuteur.
Mais qu’est-ce au fond une
agroforêt ? Les définitions abondent dans la littérature de spécialité, toutes
soulignant toutefois qu’il s’agisse d’intégrer les arbres et des éléments de l’écosystème
forestier aux cultures agricoles, aux pâturages, aux fermes, rendant l’ensemble
plus résilient. Ce modèle n’est pas nouveau en Roumanie, il s’agit même d’un
modèle bien connu, pratiqué depuis le néolithique, un modèle de management
durable avant la lettre qui intégrait les écrans forestiers et les groupements
d’arbres aux cultures agricoles.
Cependant, avec l’avènement de l’agriculture
intensive, de la mécanisation et la recherche éperdue de la productivité à
court terme, les arbres avaient disparu. Les 40 dernières années, l’on observe
un changement de paradigme. Les systèmes forestiers commencent à être réintroduits
dans l’agriculture et les fermes, et leurs multiples valences ont été de mieux
en mieux compris par les spécialistes et les agriculteurs. Selon l’Agence
européenne des systèmes agroforestiers, l’UE compte 8 millions d’hectares
recouverts agroforêts à l’heure actuelle. Les arbres offrent de l’ombre et un
abri aux animaux, mais aussi du bois, de l’énergie, des fruits. Les sols sont
stabilisés et les cultures mieux protégées contre les nuisibles. La présence d’arbres
augmente la résilience et la productivité des cultures agricoles face aux
changements climatiques, purifie l’air et conserve la qualité des eaux qui traversent
la région. Ce programme pilote tente de montrer l’utilité et les bénéfices de
cette approche, dans une tentative de développer à grande échelle ce modèle.
La
tête pensante du programme, le chercheur Mihai Enescu, de l’Université des
Sciences agronomiques et vétérinaires de Bucarest enchaîne :
« La
superficie que nous utilisons a été divisée en 20 parcelles carrées, de 24
mètres chacune. Nous allons y planter aussi bien des espèces communes, tel le
chêne, le frêne, l’érable, l’érable plane, mais aussi des espèces importées,
surtout des espèces xérophytes, adaptées aux milieux secs et capable de
résister à de grands déficits d’eau, tel l’orme sibérien (Ulmus pumila – lat.).
Nous allons aussi planter des arbres et des arbustes fruitiers, des fraisiers, des
mûriers, des grimpantes fruitières, en agriculture intensive. Et puis aussi du
maïs, des plantes de tournesol, en utilisant diverses techniques. Enfin, nous
allons tester des parcelles pour utiliser diverses techniques d’irrigations, des
cultures traitées, d’autres que nous n’allons pas irriguer ou traiter. Pour essayer
d’apporter des réponses à toutes les questions soulevées par notre recherche. Des
réponses qui viendront progressivement, tout au long de ces 4 années que nous
allons dédier à cette étude. Je compte obtenir des résultats pour le moins intéressants,
mais on verra ».
L’objectif
final du projet consiste en la réalisation d’un guide de bonnes pratiques au
bénéfice de l’agriculture et de la sylviculture roumaine. Une sorte de livre
blanc dans l’utilisation des systèmes agroforestiers dans notre pays, en précisant
les espèces et les procédés qui offrent les meilleurs résultats. (Trad Ionut
Jugureanu)