Les ONGs luttent pour protéger les rivières des Carpates
Les investisseurs vont jusqu’au cœur des montagnes pour chercher des endroits propices pour produire de l’énergie verte, mais au prix de la destruction de la nature sauvage. Dans d’autres pays européens, la biodiversité alpine a été irréversiblement endommagée par l’intervention humaine alors qu’en Roumanie, les Carpates sont toujours caractérisés par leur remarquable biodiversité. On peut y croiser des espèces sauvages qui existaient jadis sur tout le continent européen.
România Internațional, 25.12.2015, 13:56
Les investisseurs vont jusqu’au cœur des montagnes pour chercher des endroits propices pour produire de l’énergie verte, mais au prix de la destruction de la nature sauvage. Dans d’autres pays européens, la biodiversité alpine a été irréversiblement endommagée par l’intervention humaine alors qu’en Roumanie, les Carpates sont toujours caractérisés par leur remarquable biodiversité. On peut y croiser des espèces sauvages qui existaient jadis sur tout le continent européen.
A l’exception de la Russie, dans les Carpates roumaines on peut trouver la plus nombreuse population de gros carnassiers d’Europe formée d’ours, de loups et de lynx, ainsi que des régions entières couvertes de forêts vierges. Les rivières de montagne sont également peuplées d’une riche variété d’espèces de poissons. Malheureusement la construction des micro centrales a transformé l’eau pure des rivières et ruisseaux de montagne en un mélange de boue et de pierres qui rend impossible toute forme de vie. La faune des invertébrés aquatiques est touchée, ainsi que les lieux de reproduction des poissons.
Les chantiers exigent la construction de routes forestières jusqu’aux cours d’eau, des bulldozers et des excavateurs agissent au cœur de la nature pour modifier la configuration du sol. L’apparition de constructions en béton ne fait qu’interrompre les connexions naturelles des différents cours d’eau produisant une fragmentation des habitats. La productivité est plus importante si la vitesse de l’eau qui passe par les turbines des micro centrales hydrauliques est elle aussi plus élevée. C’est pourquoi ces constructions sont placés dans des aires protégées ou à la limite de celles-ci, c’est-à-dire dans des régions protégées par les législations roumaine et européenne.
Evidemment les ONGs de protection de l’environnement s’opposent vivement à de tels projets énergétiques. La fédération de la Coalition Natura 2000 vient de gagner un procès contre le ministère de l’Environnement et d’arrêter les projets de construction de pas moins de 4 micro centrales hydrauliques sur les rivières Bistra Marului, Sucu et Olteanu des monts Ţarcu. Le directeur de cette coalition environnementale, Liviu Cioineag, explique : « Il s’agit d’une bataille que nous menons depuis des années par le biais de nos membres World Wildlife Roumanie et l’Association Altitudine de Timisoara. Cette association qui gérait le site Nature 2000 a même perdu son rôle d’administrateur parce qu’elle a donné un avis négatif à ces projets énergétiques. Malheureusement l’Agence de protection de l’environnement de Caras Severin n’a pas tenu compte de cet avis, ni des saisines déposées par la coalition des associations environnementales et c’est alors que nous avons été obligés à recourir à la Justice. Le procès a duré plus d’une année, nous avons remporté chaque étape et finalement la Cour d’appel a rendu une décision irrévocable annulant les avis d’environnement des quatre projets énergétiques. Il s’agit de micro centrales hydrauliques qui produisent beaucoup plus que l’on peut s’y attendre. Leur impact sur les habitats autour des rivières, sur les zones ripariennes donc est extrêmement important alors que leur contribution au réseau énergétique national est plutôt faible. »
Le massif Ţarcu est une zone naturelle compacte sans aucune localité, à l’exception de Poiana Marului et de la station touristique Muntele Mic. Plus de 10 mille hectares sont couverts de forêts vierges et près de 2000 hectares sont couverts d’arbres âgés entre 165 et 185 ans. La région a été désignée site d’importance communautaire pour la protection de certaines espèces et habitats vulnérables spécifiques aux rivières, y compris des espèces de poissons, d’écrevisses et de loutres, protégées en Roumanie et en Europe.
Les poissons peuvent souffrir des modifications de leur habitat naturel. Pour se développer, ils ont besoin d’un volume d’eau et d’une diversité des micro-habitats relativement importants, alors que les micro centrales constituent une menace pour ces espèces. Liviu Cioineag : SON « Ces projets sont plus que des simples turbines qui utilisent la force de l’eau. Les micro centrales hydrauliques utilisent aussi d’immenses conduits longs de plusieurs kilomètres qui traversent le lit des rivières. Pour les poser, il faut inévitablement couper des arbres, détruire les paysages, les plantes, les animaux, l’ichtyofaune, les poissons fuient parce que ces capteurs d’eau assèchent les rivières. Je ne sais pas si vous avez déjà vu une rivière asséchée, où ne subsistent que des pierres. C’est ce qui se produit au moment où il existe une captation d’eau en amont, une micro centrale hydraulique qui a drainé toute l’eau pour produire de l’énergie. Si de tels projets arrivent à voir le jour, ils laissent les rivières dépourvues d’eau. »
Quelques micro centrales hydrauliques existent déjà sur les rivières des Monts Ţarcu. Elles ont été construites pendant les années précédentes lorsque la mise en application de la législation européenne n’était qu’à ses débuts et personne n’anticipait leur impact sur les rivières. Liviu Cioineag : « A l’étranger de tels investissements ne reçoivent plus des avis favorables parce qu’il a été démontré qu’ils ne sont pas utiles, leur impact sur l’environnement est considérable alors que leur contribution énergétique et assez petite. Les investisseurs ont continué d’arriver en Roumanie dans des endroits inexplorés jusqu’ici et utilisent les rivières de montagne justement parce que la chute d’eau est plus importante. Le débit est faible, mais la force de l’eau est supérieure, donc grâce à un investissement relativement petit, ils réussissent à réaliser un projet qui rapporte beaucoup d’argent aux investisseurs uniquement par des subventions et non pas suite à l’énergie produite. Ces subventions sont supportées par nous par le biais des factures d’électricité que nous payons. Nous payons des certificats verts qui vont à ces investisseurs qui théoriquement produisent de l’énergie verte. »
Plusieurs rivières des Monts Retezat, où se trouve le plus ancien Parc National de Roumanie, ainsi qu’un site Natura 2000, ont été captées et déviées. Dans d’autres départements de Roumanie, tant la population locale que les institutions publiques ont compris l’impact négatif de ces centrales et se sont opposés à de tels investissements. Les ONG environnementalistes organisent des colloques et des conférences pour demander l’arrêt de telles constructions. Jusqu’ici environ 200 micro centrales hydrauliques ont été bâties sur les rivières des Carpates. (trad. Alex Diaconescu)