Les espaces verts de la capitale roumaine
Pendant le dernier quart de siècle, la ville a perdu la moitié de ses espaces de verdure constitués de parcs, jardins, parterres paysagers longeant les rues et forêts. Un habitant de Bucarest bénéficie actuellement de moins d’un quart de la superficie d’espace vert fixé par les normes internationales. Si, en 1990, la capitale roumaine comptait 3500 hectares d’espaces verts, à présent elle n’en a plus que 1600. A cette situation précaire a contribué, entre autres, la mise en œuvre, en 2000, d’un projet d’urbanisme qui a coïncidé avec la loi, adoptée la même année, de la rétrocession des terrains confisqués par le régime communiste.
România Internațional, 28.08.2015, 13:10
La capitale a ainsi perdu des centaines d’hectares d’espaces verts. Et des dizaines d’hectares des grands parcs bucarestois risquent d’être recouverts de béton si les autorités ne prennent pas de mesures – avertissent les organisations actives dans le domaine de l’environnement qui militent pour la conservation des zones vertes. Dan Trifu est vice-président de l’Association Eco-Civica, organisation impliquée, aux côtés de l’Association « Sauvez Bucarest », dans plusieurs procès contre la mafia immobilière de la capitale : « Il s’agit de grandes étendues de verdure. 28 hectares ont été arrachés au Parc Tineretului, à l’aide de faux introduits dans les documents d’urbanisme. Par exemple, après la chute de Ceauşescu, le Palais des Enfants de Bucarest, faisant partie du Parc Tineretului, comptait 44 hectares. Dans le projet d’urbanisme de l’an 2000, il figure avec 16 hectares. Ce sont les principales armes auxquelles les autorités ont eu recours pour s’approprier ces espaces verts. En 2000, nombre d’entreprises et de plateformes industrielles avait déjà été privatisées, ce pourquoi il n’y avait plus d’espace disponibles pour cette mafia des rétrocessions. 2000 a été une triste année pour Bucarest. Cette mafia a très bien préparé le terrain par les projets d’urbanisme ; ainsi, sur de grandes superficies, comme celles du nord de la capitale – différents parcs et tout ce qui était les pépinières de Bucarest – ont été érigées des constructions. »
Des centaines d’hectares alloués aux pépinières de Bucarest, qui assuraient les plants d’arbre censés être plantés à l’intérieur de la ville, ont changé de statut, étant déclarés zones destinées à la construction. A proximité de la forêt de Băneasa a été érigé tout un quartier d’immeubles et de villas étendu sur 600 hectares. On avait même prévu la construction d’une autoroute à 6 bandes qui devait traverser la forêt, pourtant les organisations environnementales ont réussi à arrêter la mise en œuvre de ce projet. Des centaines d’arbres fruitiers appartenant au Centre de recherche de Băneasa ont été abattus illégalement. Dan Trifu explique: « D’importantes superficies appartenant à l’Institut de pomoculture de Băneasa sont devenues la propriété de personnes douteuses, qui souhaitent détruire la zone et présentent des projets d’urbanisme pour y ériger des constructions. A proximité de l’Aéroport de Bucarest-Baneasa, a été créée une aire commerciale très connue en sacrifiant des dizaines d’hectares de vergers de l’Institut d’Agronomie de Bucarest. Le plus bel alignement de chênes rouges d’une capitale européenne, celui dont bénéficiait Bucarest le long de la route nationale 1, a été défriché pour construire cette aire commerciale. Des centaines d’hectares d’espaces verts ont été anéantis et le niveau de pollution a augmenté dans la zone. »
Ces 25 dernières années, plus d’un million d’arbres et d’alignements ont disparus de Bucarest. Presque la moitié des arbres qui bordaient jadis les rues de la capitale n’existe plus de nos jours, se révolte Dan Trifu : « Les statistiques font état de quelque 150 hectares de zones vertes compromises entre les immeubles suite aux travaux prévus par le Projet d’urbanisme datant de 2000. Il faut comprendre que toutes ces zones vertes se trouvant autour des immeubles locatifs ou des institutions publiques ne figurent pas comme telles dans le projet d’urbanisme. C’est une tromperie. Une sorte de crime commis par les autorités locales de Bucarest qui n’ont pas conféré un statut approprié à toutes ces zones vertes. Du coup, elles ont été attribuées soit aux zones industrielles soit aux espaces d’habitation. Prenons l’exemple du Parc Izvor dont 8 hectares, presque la moitié de sa surface, figure comme zone constructible dans le Projet d’urbanisme de la capitale ! C’est inimaginable ! Ou encore le Parc Tineretului qui, en plus des 28 hectares de perdus, fut sur le point d’en perdre trois autres destinés à la construction d’un campus universitaire privé. Le Parc de l’Ecole Polytechnique s’est vu rétrocéder presque la moitié de sa superficie et il risque à présent d’abriter trois immeubles de bureaux de 26 étages chacun, selon le Plan d’urbanisme. Le Parc Prisaca Dornei a perdu 6 hectares de terrain. Actuellement, il n’y reste qu’une petite zone ressemblant toujours à un parc, puisque le reste est couvert de villas et de restaurants…Ce parc abritait jadis la zone la plus verte d’un quartier résidentiel de la capitale. Là, nous avons perdu 2 autres hectares d’espaces verts. Dans cette zone, de beaux alignements d’arbres et parterres de fleurs longeaient le parc. Et c’était toujours là que se trouvait la plus magnifique plantation de thuya de Bucarest. Quant au parc IOR, à présent il s’appelle « Alexandru Ioan Cuza », car la moitié a été rétrocédé. »
Tous les parcs de Bucarest ont donc été amoindris, alors que des squares entre les immeubles ont complètement disparu. Plusieurs parcs ont été sauvés grâce aux efforts des organisations environnementales, suite à des procès. C’est le cas du Parc Carol, où l’on envisageait de construire la cathédrale de la nation, et du parc de la Gare du Nord, qui devait devenir un parking souterrain. Bucarest compte 23 m2 d’espaces verts par tête d’habitant, le calcul prenant en compte les parcs, les cimetières, les alignements d’arbres et les forêts.
Les organisations environnementales contestent, elles, ce chiffre, affirmant que les autorités avaient inclus, parmi les espaces verts, la forêt de Băneasa, qui se trouve, en fait, à l’extérieur de la ville et la superficie des lacs de Bucarest. Selon les ONGs, chaque habitant de la capitale roumaine bénéficierait de 8,5 m2 de verdure. De toute façon, Bucarest est devenu un perpétuel chantier, ce qui entraîne un niveau de pollution de l’air qui tue des milliers de personnes chaque année. La nature réclame ses droits. Finira-t-elle par triompher ? (Trad. : Dominique, Ioana Stăncescu)