Le défilé de la rivière Jiu
Le Parc national « Le Défilé du Jiu » compte parmi les aires protégées les plus spectaculaires de Roumanie. Il longe la Vallée du Jiu et d’étend sur plus de 11.100 hectares, entre les massifs Parâng et Vâlcan. Cette superficie est couverte à hauteur de 80% par des forêts de hêtre et de chêne sessile, de charme et de frêne. Les spécialistes ont identifié plus de 700 espèces de plantes et quelque 440 espèces d’animaux, dont certaines sont protégées par la loi. Malheureusement, la flore et la faune seront menacées par les travaux hydro – énergétiques qui devraient capter les eaux de la rivière Jiu dans certains secteurs et les diriger ailleurs, via des conduites de très grande taille.
România Internațional, 30.06.2017, 14:35
Le Parc national « Le Défilé du Jiu » compte parmi les aires protégées les plus spectaculaires de Roumanie. Il longe la Vallée du Jiu et d’étend sur plus de 11.100 hectares, entre les massifs Parâng et Vâlcan. Cette superficie est couverte à hauteur de 80% par des forêts de hêtre et de chêne sessile, de charme et de frêne. Les spécialistes ont identifié plus de 700 espèces de plantes et quelque 440 espèces d’animaux, dont certaines sont protégées par la loi. Malheureusement, la flore et la faune seront menacées par les travaux hydro – énergétiques qui devraient capter les eaux de la rivière Jiu dans certains secteurs et les diriger ailleurs, via des conduites de très grande taille.
Le biologiste Călin Dejeu, qui s’active depuis des années à sauver les rivières de montagne, continue de faire des démarches pour stopper ce projet : Ce Parc national est le plus spectaculaire du pays. C’est une immense étendue de nature sauvage, hétérogène, qui s’étale sur la verticale, depuis les creux des montagnes jusqu’à la vallée de la rivière Jiu. Les forêts d’épicéa sont prédominantes dans les zones plus hautes et froides. Viennent ensuite les espèces thermophiles, tel le frêne à fleurs, que l’on peut observer à la sortie du défilé. Il y a aussi des forêts vierges ou quasi-vierges, qui couvrent les versants. Les rochers et les cataractes de la rivière rajoutent au charme de ces endroits. La flore, très variée, dénombre 17 espèces. En haute montagne, on rencontre des genévriers et de nombreuses espèces d’orchidées. Très riche elle aussi, la faune compte 11 espèces d’amphibiens (le triton crêté, la salamandre), des reptiles (la vipère à cornes), 135 espèces d’oiseaux, un couloir de migration des oiseaux migrateurs, dont l’aigle royal, le hibou grand-duc, la cigogne noire. On a même signalé la présence, pendant certains hivers, du cormoran pygmée. Le projet hydro – technique que l’on envisage de mettre en oeuvre dans le défilé suppose de sécher la rivière, ce qui affectera bien des espèces. On ne peut même pas imaginer combien grand en sera l’impact sur certaines espèces d’oiseaux et sur les quelque 13 espèces de poissons répertoriées jusqu’ici, qui vivent dans ce cours d’eau, dont 4 sont protégées : le chabot de rivière, le barbeau, le goujon et la Sabanejewia. Une seule espèce endémique y a été retrouvée. Il s’agit de la nisipariţa, ou la Sabanejewia romanica, qui ne vit qu’en Roumanie ».
Le Jiu est la rivière de Roumanie la plus propice pour la pratique du rafting, mais elle ne le sera plus quand elle sera captée, son débit devant passer de 20 m3 par seconde à l’entrée dans le défilé à seulement 2,7 m3/s, s’inquiètent les spécialistes. Călin Dejeu a déjà déposé une pétition signée par plus de 20 mille personnes, qui souhaitent l’annulation de ce projet. Il a également saisi la justice européenne au sujet de l’illégalité de ce projet, dont il détaille le parcours.
Călin Dejeu: « Les travaux ont démarré en 2004 et ont heureusement progressé très lentement, de sorte qu’en 2012, seulement 45% du projet étaient réalisés. Ensuite, toujours par bonheur, la compagnie d’électricité Hidroelectrica ayant été déclarée en défaut de paiement, on a suspendu les travaux jusqu’en 2016. Autant dire que ce n’est pas la loi environnementale qui sauve pour l’instant la rivière Jiu, mais les ennuis financiers de la société Hidroelectrica. Or, il aurait fallu tout arrêter en 2005, lorsque le défilé du Jiu a été déclaré Parc national, car les travaux hydro-techniques sont tout à fait incompatibles avec ce statut. Dans n’importe quel pays du monde, on ne touche pas aux parcs nationaux. On ne peut pas détruire la nature et encore moins une aire protégée et ce avec l’aide des autorités. C’est du jamais vu et c’est une honte, une tragédie nationale. Pour l’instant, il n’y a de dégâts que dans la zone des chantiers, mais le grand désastre surviendra quand le projet aura fini et la rivière sera déviée, son lit devant passer par le tunnel. Le paysage est désolant dans les chantiers, car pour construire des chemins d’accès on a dynamité et abattu la forêt ».
Plus de 450 micro-centrales hydrauliques sont actuellement à différents stades de construction ou de fonctionnement à travers la Roumanie. Plusieurs d’entre elles se trouvent au cœur de sites figurant dans le réseau européen Natura 2000.
Călin Dejeu : « A regarder sur la carte la chaîne des Carpates, on voit des rivières détruites par les barrages ou des micro-centrales hydrauliques. Il ne reste que quelques cours d’eau ou des segments des rivières d’antan. L’affluent du Jiu, le Jiet, est complètement sec en raison des travaux de captation effectués par la compagnie Hidroelectrica. Toute l’eau s’écoule sous la montagne avant de se jeter dans une autre rivière, Lotru. Le Jiet n’a pas encore atteint son débit naturel. Même la rivière Capra, du Transfăgărăşan, a été déviée. Ses eaux sont acheminées par des tuyaux et la cascade d’autrefois n’existe plus… »
En novembre 2013, la branche roumaine de l’organisation écologiste WWF (Le Fonds mondial pour la nature), a parlé de la nécessité de protéger les rivières des Carpates. Elle a lancé la campagne Les rivières de montagne, dernière chance et déposé une pétition auprès des autorités roumaines, demandant que des mesures soient prises afin de préserver ces cours d’eaux. (Trad. Mariana Tudose)