La sècheresse frappe en Europe. Et la suite?
Le continent européen risque de se voir confronter à un nouvel été chaud et sec alors qu'il souffre déjà d'un manque chronique d'eau ...
Eugen Coroianu, 25.08.2023, 13:26
Le continent européen risque de se voir
confronter à un nouvel été chaud et sec alors qu’il souffre déjà d’un manque
chronique d’eau après plusieurs années de vaches maigres en matière de précipitations.
La neige s’était laissée désirer l’hiver dernier, et le faible taux de
précipitations enregistré durant le printemps n’a rien fait pour arranger les
choses. Malgré tout, à l’exception notable de l’Espagne, les sols du continent
européen se retrouvent globalement dans une meilleure situation hydrique qu’en
2022, selon des données obtenues grâce aux satellites du programme européen Copernicus.
En effet, près de 27% du territoire étudié (Europe et les rives de la
Méditerranée) a été affecté par la sécheresse fin avril, contre 47% l’année
dernière. Cependant, cette image d’ensemble à l’échelle du continent ne manque
pas de cacher de fortes disparités selon les pays.
Aussi l’Espagne est-elle confrontée
à l’une des périodes de sécheresse les plus graves de son histoire récente. Les
spécialistes prônent une supervision minutieuse et des plans d’utilisation de l’eau
pour gérer une saison qui pourrait s’avérer critique en matière de ressources
en eau. La France annonce à son tour tenir prêt d’eau dès le 1er juin les pompiers et les bombardiers d’eau,
soit un mois plus tôt qu’à l’accoutumée. L’hiver inhabituellement sec a réduit
l’humidité des sols et accru les craintes d’un retour à la situation de 2022,
lorsque 785.000 hectares ont été détruits par les flammes en Europe, soit plus
du double par rapport à la moyenne annuelle des 16 dernières années.
Quant à la
Roumanie, nous avons également dû faire face à une année très sèche, avec des
effets graves sur l’agriculture. Pour cette année cependant, les analystes de
la société de conseil française Agritel tablent sur un revirement de la
production roumaine de blé, évaluée à plus de 10 millions de tonnes, un
rendement bien supérieur à 2022. Il n’empêche, la sécheresse pédologique devrait
continuer d’affecter des zones étendues de la région de Dobroudja et du sud du
pays, voire certaines parties de la Moldavie (est) et du Banat (ouest).
Bogdan Antonescu,
expert en phénomènes météorologiques extrêmes, précise à cet égard :
« Selon nos prévisions, nous devrions
traverser une période de sécheresse, en particulier pendant les mois d’été, à l’instar
de l’année précédente, qui avait touché bon nombre de régions d’Europe. Le mix
fait de vagues de chaleur et période de sécheresse conduit à la création de
conditions propices à l’apparition des incendies de végétation. Les prévisions
tablent sur la poursuite de la sécheresse en Roumanie, dont notamment dans le
Dobroudja et le sud du pays, et sur le continent européen. »
Nous avons demandé à M. Antonescu de ce
qui peut être fait pour limiter les effets de la sécheresse :
« Nous pouvons prendre certaines
mesures, car les périodes de sécheresse sont relativement faciles à prévoir. Du
point de vue des prévisions, tout est relativement simple. On peut rationaliser
par exemple les ressources en eau. Car c’est le plus gros problème en période
de sécheresse. Pour ce qui est de l’agriculture, il faudrait s’orienter vers
des cultures plus résistantes à la sécheresse. Mais là je parle des solutions à
prendre sur le long terme. À court terme, il faudrait identifier les zones les
plus vulnérables, car c’est là qu’il faut mettre en œuvre les mesures précédentes
: la rationalisation d’eau, la constitution des réserves, la recherche des
sources d’eau alternatives, adapter les cultures. Et l’irrigation, évidemment. Les
mesures macro doivent par ailleurs adresser les causes du changement climatique.
Viser la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui provoquent tous
ces phénomènes météo extrêmes, dont la sécheresse. Il existe de nombreuses
mesures censées réduire, dans 10 ou 30 ans, les émissions de gaz à effet de
serre. Mais, encore une fois, il s’agit de mesures qui, une fois prises, feront
leurs effets dans les décennies à venir. Pourtant, on le voit, le changement
climatique affecte déjà notre vie quotidienne. Prenez cette période de
sécheresse, accompagnée de vagues de chaleur. Les mesures dont je vous parlais ce
sont des mesures à court terme. Si vous voulez, d’un point de vue scientifique,
nous comprenons très clairement ce qui nous arrive. Maintenant, pratiquement, le
problème du changement climatique est passé du domaine scientifique dans le
domaine politique. Car c’est en vain que certains pays prennent ces mesures et
les mettent en œuvre, si les autres pays poursuivent leurs émissions comme
auparavant. Il nous faut agir de concert, à l’échelle mondiale. »
Selon l’Organisation météorologique
mondiale, la période 2023-2027 sera presque certainement la période la plus
chaude jamais enregistrée, sous l’effet combiné des émissions de gaz à effet de
serre et du phénomène météorologique El Nino, qui provoque la hausse des
températures. (Trad. Ionut Jugureanu)