La réhabilitation de vieilles forêts des monts Făgăraș
C’est au beau milieu des monts Făgăraș, situés dans le centre de la Roumanie, que la fondation Conservation Carpathia développe le projet européen à l’acronyme suggestif : SUPERB.
Eugen Coroianu, 30.08.2024, 13:39
En effet, dès l’année dernière l’équipe de spécialistes de la fondation s’était proposé de créer des passerelles forestières entre les aires encore occupées par les forêts vierges et qui avaient survécu aux campagnes de défrichage massif qui ont affecté la région. Les travaux de plantation démarrés dans la zone ont tenté de diversifier la composition des espèces existantes, pour faire notamment revenir les espèces d’origine au milieu des sapinières. Les plantations réalisées avec des espèces spécifiques à plus de 1.700 mètres d’altitude, à l’aide notamment des pins des Alpes, des pins couchés et de genièvres, ont constitué une prouesse en soi, l’objectif de la démarche étant de reconstituer tant que cela se peut l’habitat protégé d’origine. Par ailleurs, les spécialistes de l’université de Prague, partenaires du projet, ont démarré une étude censée suivre de près les étapes de la reconstitution écologique de la région. Les conclusions et les résultats de cette étude ont été partagé dans le cadre d’un séminaire où autorités locales et représentants des administrations des fonds forestiers ont été présents. Selon le rapport issu à l’occasion, 2.900 jeunes pousses de pin des Alpes, de pin couché et de genièvre ont été plantées à la frontière de l’étage alpin, un véritable exploit pour les forestiers de la fondation, qui devaient parcourir tous les jours près de trois heures de marche avant de pouvoir atteindre la zone de plantation. Il faut dire que des ânes, chargés tous les jours de transporter les pousses destinées à être plantées le jour même, ont été mis à profit du projet. Le pin cembro ou pin des Alpes, espèce particulièrement tenace et longévive, capable d’empêcher l’érosion des sols et de maintenir sa forme arborescente en altitude, fut pour la première fois utilisé dans ce type de démarche par la fondation Conservation Carpathia. Mihai Zota, directeur des activités de conservation des espèces au sein de la fondation, précise :
« Il s’agit d’un projet européen de type Horizon 2000. Une initiative qui a réuni autour de ce projet 36 organisations partenaires, entités publiques et associations confondues, des 16 Etats de l’UE et de 2 autres Etats hors l’Union. Il s’agit de créer un modèle de bonnes pratiques, en utilisant une aire d’expérimentation et des expériences pilotes. Il s’agit de mettre à l’épreuve, à taille réelle, diverses idées portant sur la réhabilitation écologique des écosystèmes forestiers affectés par l’action humaine. Ce genre d’expérience pilote est voué à être implémentée ultérieurement à grande échelle pour autant qu’elle donne les résultats escomptés. Vous savez, l’homme a depuis toujours voulu régir la nature, il s’est pensé plus malin qu’elle. Et l’on s’est rendu compte qu’on s’est trompé. Les forêts naturelles sont le résultat d’une évolution, d’une sélection naturelle étendue sur des centaines de milliers d’années, peut-être sur des millions d’années. Penser pouvoir surpasser la nature, la qualité de la sélection naturelle, est un vœu pieux, mais suranné. Avoir remplacé, dans toute l’Europe d’ailleurs, les forêts d’origine par des sapinières, c’était fou. Passé un certain âge, l’on voit les sapinières souffrir, déracinées par les vents, attaquées par les insectes. Maintenant, l’on assiste à un changement de paradigme dans toute l’Europe. Il nous faut retrouver la nature, la laisser faire. Et notre projet ne fait que prôner cette approche, rien de plus ».
D’autres travaux de réhabilitation forestière ont ciblé les zones affectées par les défrichages sauvages qui se sont déroulés entre 2005 et 2010. Plus de 15.000 pousses de sapin, hêtre, érable sycomore et autres épicéa commun ont été plantées tout au long de la vallée supérieure de la Dâmbovita. Et toujours dans le cadre du projet SUPERB, la fondation Conservation Carpathia avait déroulé des actions visant la reconversion des monocultures sapinières de la vallée Tămaș. Il s’agit néanmoins d’un processus qui prend du temps, étendu parfois sur plus de 20 ans. Les sapinières plantées depuis les années 50 du siècle passé ont montré leurs limites, leur vulnérabilité face aux vents fort de montagne, aux chutes de neige, à l’invasion des insectes. Place dorénavant aux forêts d’origine, que le projet SUPERB entend reconstituer sur une zone dont la superficie avoisine les 2.300 hectares.
(Trad. Ionut Jugureanu)