Erosion des monts Carpates
L'érosion accélérée dont souffrent les Carpates roumaines risque de mettre en danger la biodiversité et les habitats naturels, tire la sonnette d'alarme
Eugen Coroianu, 23.11.2023, 22:49
L’érosion accélérée dont souffrent les Carpates roumaines risque de
mettre en danger la biodiversité et les habitats naturels, tire la sonnette d’alarme
Aritina Haliuc, chercheuse postdoctorale à l’Université
de Bordeaux. Deux études récemment parues sur le sujet font état de l’érosion
des sols constatés dans deux zones distinctes des Carpates roumaines : au lac
Rouge et au lac Ighiel. Concrètement, les chercheurs avaient mesuré la profondeur
des sédiments déposés sur le fond de ces deux lacs durant le dernier siècle, et
ont tenté de comprendre la part des activités humaines et du changement
climatique dans le phénomène. Aussi, les deux études ont conclu d’une même voix :
l’intensification des activités humaines accélère de manière proportionnelle l’érosion
des sols. Par ailleurs, l’apport accélérée de sédiments a tendance à colmater
les sources d’eau qui alimentent le lac, et de diminuer d’autant l’espérance de
vie de ces lacs, phénomène constaté surtout au sujet du lac Rouge. Ecoutons Vlad
Zamfira, journaliste au site Infoclima :
« Les activités humaines, les déforestations, l’utilisation intensive des pâturages se sont accélérées
durant le dernier siècle, tout comme l’érosion. Dans les Carpates, la
conversion des écosystèmes naturels en pâturages avait appauvri le nombre d’espèces
de plantes, fragilisant le sol, qui est devenu plus vulnérable face à l’érosion.
Qui plus est, le contexte actuel, caractérisé par le réchauffement climatique, ce
qui se traduit par des périodes de grande sécheresse, par des inondations et par
d’autres phénomènes météo extrêmes, ne fait qu’accélérer le phénomène d’érosion.
Les projections européennes font état d’une accélération de l’érosion des sols,
une accélération qui se situera dans une fourchette entre 13 et 22% d’ici à
2050. Mais au fond, vous pourriez vous demander ce qu’est l’érosion d’une
montagne, comment se manifeste-t-elle ? Vous savez, toutes les formes de relief que l’on
voit aujourd’hui, comme les montagnes, les vallées, les collines, les plateaux
et les plaines, sont le résultat de l’érosion. L’érosion est le processus de
dégradation et de transformation du relief sous l’action de l’eau, du vent, de
la glace. Il existe une érosion chimique et une érosion physique ou mécanique.
L’on parle de la première lorsque la composition chimique de la roche s’en
trouve modifiée. L’érosion physique en revanche défait la roche, alors que la
composition chimique de cette dernière demeure inchangée. Les glissements de terrain, les coulées de boue
surviennent à cause de l’érosion physique. Or, la déforestation, les incendies
de végétation, l’utilisation excessive des pâturages accélèrent la dégradation
du sol, empiètent sur la biodiversité, sur la fertilité du sol, et favorisent
le glissement de terrain et les inondations dans les vallées. »
A cause de l’érosion, les roches sont morcelées, deviennent plus lisses
et sont plus faciles à emporter par les éléments. Aussi bien la glace que l’eau
favorisent l’érosion physique. Le vent, qui transporte de la poussière, du
sable et d’autres particules constitue à son tour un facteur important d’érosion,
selon Aritina Haliuc. Des facteurs tels que le climat, le relief, la végétation,
l’activité tectonique, les activités humaines constituent autant de variables
qui accélèrent ou non l’érosion. La végétation en revanche constitue un facteur
de stabilité. Les racines des arbres, des arbustes, des autres plantes
stabilisent le sol et empêchent le mouvement des sédiments et les glissements
de terrain. Sur les hauteurs des Carpates, où la végétation se fait rare, un
taux d’érosion même réduit mène à des pertes irréversibles pour le sol, mène à
la dégradation du paysage et de l’écosystème. Par ailleurs, les incendies de
végétation guettent, et peuvent s’avérer dévastateurs pour les écosystèmes
montanes, surtout les plus fragiles, menant à la disparition des habitats
naturels, de la biodiversité, et allant jusqu’à menacer la sécurité des communautés
humaines voisines. En détruisant la végétation qui a un rôle important dans la
protection du sol, les incendies favorisent les inondations, les glissements de
terrain et les coulées de boue. Les Carpates souffrent : l’accroissement
des températures, des précipitations intenses dans certaines périodes, l’allongement
des saisons chaudes sont autant des signaux d’alarme, conclut Aritina Haliuc,
chercheuse postdoctorale à l’Université de Bordeaux.
Face à cela, des initiatives prises au niveau
national ou international tentent d’enrayer le phénomène. La loi de la
conservation du sol tente pour sa part de prévenir l’érosion et de diminuer ses
effets. Le Programme national de développement rural, qui bénéficie de fonds
européens, encourage le développement des pratiques agricoles durables et
soucieuses de l’environnement. Par ailleurs, la stratégie de l’UE en la matière
vise à suivre de près le phénomène de dégradation des sols et encourage la gestion
durable. Enfin, au niveau régional, la Convention des Carpates, signée par 7
pays de la région, entend conserver les écosystèmes fragiles présents dans les Carpates
et protéger les communautés locales. Ajoutons
à ces initiatives publiques, les initiatives locales, communautaires, l’action
des associations locales qui tentent d’endiguer la déforestation, d’accroitre
le nombre des zones protégées et des parcs naturels et qui effectuent un
travail de fond pour sensibiliser les communautés locales d’agir dans leur
intérêt dans la protection de l’environnement naturel. (Trad. Ionut Jugureanu)