Au secours des forêts des Carpates
Etendu sur 198 mille hectares, le massif de Fagaras, dans les Carpates méridionales, se distingue par des paysages sauvages d’une rare beauté et par une très riche biodiversité. Il est d’ailleurs un des sites Natura 2000. Malheureusement, depuis quelques années, ces montagnes souffrent à cause de défrichements à tout-va. Le département d’Arges, par exemple, a enregistré le triste record du plus grand nombre de défrichements illégaux – 6.458 – identifiés par les autorités entre 2009 et 2011, mais ce chiffre a bien augmenté depuis. Les forêts privées sont les plus menacées, car leurs propriétaires n’ont pas acheté des services de gardiennage, malgré une obligation légale en ce sens. Cette situation n’est pas unique, elle est, en fait, une réalité partout dans le pays.
România Internațional, 26.02.2016, 14:53
Etendu sur 198 mille hectares, le massif de Fagaras, dans les Carpates méridionales, se distingue par des paysages sauvages d’une rare beauté et par une très riche biodiversité. Il est d’ailleurs un des sites Natura 2000. Malheureusement, depuis quelques années, ces montagnes souffrent à cause de défrichements à tout-va. Le département d’Arges, par exemple, a enregistré le triste record du plus grand nombre de défrichements illégaux – 6.458 – identifiés par les autorités entre 2009 et 2011, mais ce chiffre a bien augmenté depuis. Les forêts privées sont les plus menacées, car leurs propriétaires n’ont pas acheté des services de gardiennage, malgré une obligation légale en ce sens. Cette situation n’est pas unique, elle est, en fait, une réalité partout dans le pays.
Depuis quelques années, la Fondation « Conservation Carpathia » déroule un projet censé sauver les forêts. Grâce à des fonds provenant de donations internationales, la fondation achète les forêts des Monts Făgăraş qui sont mises en vente. Elle procède à leur reboisement et mène aussi des activités de restauration des zones dégradées. Mihai Zotta, directeur technique de la Fondation « Conservation Carpathia » raconte comment tout a commencé : « L’idée est née dans les années 2005-2006, lorsque les coupes de bois illégales avaient commencé dans le parc national Naţional Piatra Craiului, suite aux rétrocessions de forêts. Christoph Promberger, notre directeur exécutif, et Hanganu Horaţiu, à l’époque directeur intérimaire du parc, ont invité plusieurs philanthropes, soucieux de préserver la nature, à visiter la zone. Les discussions menées par la même occasion ont débouché sur la conclusion que ce n’est pas la variante classique, à savoir la lutte contre les coupes illégales, qui peut sauver les forêts, mais une autre, perçue comme assez étrange en ces temps-là. Il s’agit de l’achat de forêts, qui, aujourd’hui encore, paraît louche aux yeux de certains. C’est en 2007 que l’on a acquis les premières superficies boisées dans le Parc national Piatra Craiului. Conséquence: les coupes illégales ont repris ailleurs, sur la Vallée de la Dambovita, dans une zone des Monts Făgăraş, récemment classée site Natura 2000. La déforestation ayant touché, entre 2004 et 2010, près de 2 milliers d’hectares de superficies boisées, on a acheté des forêts là aussi. Il y a jusqu’ici plus de 600 contrats d’achat et de vente. Au départ, personne n’aurait imaginé que l’on puisse acquérir ainsi plus de 16 mille hectares de forêt. »
Pour la gestion des forêts achetées, la Fondation a créé son propre district forestier et une association de chasse, la première du pays à ne rien chasser. La Fondation détient aussi trois pépinières où l’on produit des plants de reboisement. Les spécialistes de la Fondation « Conservation Carpathia » jugent très important de garder la composition naturelle de la forêt. Plus de 2.500 hectares de forêt, situés dans la Vallée de la Dâmboviţa, dans la région de Rucăr, ont été déboisés illégalement entre 2005 et 2011, sans presque aucune action de repeuplement. Les activités de régénération ont déjà démarré sur les 400 hectares achetés par la Fondation, précise Mihai Zotta: « Initialement nous avons acheté toutes les forêts que l’on pouvait sauver, pour qu’elles ne soient pas coupées. Ensuite, notamment après 2012, on a commencé une série de projets de reconstruction écologique, dont le plus important est co-financé par la Commission européenne. C’est dans le cadre d’un projet Life Natura que l’on a acheté environ 400 hectares de massifs forestiers coupés, sur les plus de 2000 qui existent dans la région, et pour lesquels nous réalisons cette reconstruction écologique. En fait, les activités effectives de reconstruction écologiques sont réalisées grâce au cofinancement qui vient de la part de la Commission européenne, alors que les forêts sont achetées par la Fondation par ses propres moyens. Nous avons trois petites pépinières où nous produisons une partie des plantules nécessaires aux reboisements. Il y a une centaine d’années, ces forêts de la Vallée de la Haute-Dâmbovita étaient formées de hêtres ainsi que d’un mélange de hêtres et de conifères. Ces forêts étaient riches en espèces de sapin, hêtre, érable sycomore, épicéa, orme, puis à l’étage supérieur, les montagnes étaient couvertes de sorbiers et de nombreuses autres espèces. A l’époque communiste, avec l’exploitation intensive des forêts de cette région, il a existé une politique de replanter des forêts de conifères au lieu de forêts d’espèces valeureuses. La raison invoquée était le fait que ces arbres arrivaient à maturité plus vite et que leur bois avait plus de valeur pour le bâtiment et pour l’industrie locale du meuble. Aujourd’hui, nous devons replanter les espèces qui composaient jadis les forêts de la région. »
Hormis la reconstitution des forêts qui avaient existé jadis dans le massif de Fagaras, la Fondation envisage de replanter les aulnes qui couvraient les vallées de la rivière Dâmbovita et de ses affluents. Entre temps, cette ONG achète aussi d’autres massifs forestiers afin de créer finalement une zone protégée dans le sud des Carpates ou les coupes d’arbres et la chasse soient complètement interdites. Mihai Zotta : « Ce que nous souhaitons c’est que les monts Fagaras, entièrement ou même partiellement, c’est-à-dire l’étage alpin, les forêts vierges, les forêts qui n’ont pas encore été exploitées, soient incluses dans un Parc national. Les monts Fagaras auraient du constituer le premier parc national de Roumanie. Cela n’a pas été possible en raison des différents intérêts socio-économiques. Et à ce sujet, nous essayons également de suivre aussi un autre chemin. Nous souhaitons initier dans toutes les communautés autour du massif de Fagaras un projet visant à identifier des affaires soutenables qui puissent produire des revenus pour les communautés locales, sans nuire à l’environnement et en mesures de contribuer à la conservation de la nature. Par conséquent, en 5 – 10 ou 20 ans, ces communautés locales pourraient se rendre compte que le Massif de Fagaras est le plus important capital de la région. Nous avons fait quelques pas sur ce chemin. Nous déroulons un projet dans le cadre duquel des études socio-économiques ont été réalisés afin d’élaborer des plans d’affaires. C’est un premier pas que nous considérons indispensable pour la création à l’avenir d’un parc national. »
La Fondation « Conservation Carpathia » fera don à l’Etat roumain des aires protégées qu’elle mettra au point, à condition que l’Etat s’occupe de leur administration et qu’il veille au maintien d’un régime stricte de conservation.