Vulnérabilités sociales et immobilières en cas de séisme
Située dans la zone sismique de Vrancea, la capitale roumaine, Bucarest, pourrait être frappée par deux grands tremblements de terre par siècle, comme ce fut le cas d’ailleurs le siècle dernier, avec les séismes de 1940 et de 1977, les deux d’une magnitude de 7,4 sur l’échelle ouverte de Richter.
Christine Leșcu, 18.12.2019, 12:29
Située dans la zone sismique de Vrancea, la capitale roumaine, Bucarest, pourrait être frappée par deux grands tremblements de terre par siècle, comme ce fut le cas d’ailleurs le siècle dernier, avec les séismes de 1940 et de 1977, les deux d’une magnitude de 7,4 sur l’échelle ouverte de Richter.
A présent, 42 ans après le plus récent grand tremblement de terre, quelle est la situation de la consolidation des immeubles classées au patrimoine national ? La population est-elle préparée à une calamité similaire ? Des réponses et des solutions essayent de donner deux ONGs – l’Association roumaine pour la culture, l’éducation et la normalité (Arcen) et l’Association pour la réduction du risque sismique Re : Rise – par le biais du projet Antiseismic District, qui vise le centre historique de la ville de Bucarest. Le projet se propose de préparer quelque 20 mille bucarestois pour faire face aux vulnérabilités séismiques, vu que du point de vue scientifique, un nouveau séisme de grande magnitude aura certainement lieu, à une date et une heure pourtant impossible à prédire.
En Roumanie les immeubles sont classés par types de risques sismique de 1 à 4, mais aussi par catégories d’urgence, de U1 à U3, et d’ailleurs ce sont ces catégories qui indiquent combien urgente est la consolidation d’un immeuble. La législation est ambiguë, peu connue et peu comprise par les Bucarestois, qui sont de toute façon mal préparés pour un nouveau tremblement de terre qui pourrait trouver Bucarest moins préparé que jamais, fragilisé par l’absence de travaux sérieux de consolidation suite aux séismes antérieurs, affirme Edmond Niculuşcă, le directeur général d’ARCEN, l’Association roumaine pour la culture, l’éducation et la normalité.
Edmond Niculuşcă : « Selon la mairie de la capitale, Bucarest compte actuellement 300 immeubles à risque sismique du 1er degré. Mais un peu plus de 1600 immeubles ne figurent dans aucune catégorie de risque, pourtant ils apparaissent dans les catégories d’urgence 1,2 et 3. Les catégories d’urgence, définies dans des textes de lois datant des années 1990, établissaient aussi des délais pour la consolidation de ces immeubles, qui impliquent des risques majeurs en cas de tremblement de terre. Donc, officiellement, Bucarest a plus de 2000 immeubles à risque sismique 1, qui pourraient tout simplement s’effondrer au prochain séisme majeur. En réalité ce nombre est assez réduit, car, en fait, on ne connait pas combien d’immeubles à risque sismique existent dans la capitale. »
Les spécialistes de l’Université technique de constructions montrent que, dans le cas d’un séisme de 7,5 sur l’échelle ouverte de Richter, produit à une profondeur de 90 km, plus de 42% des bâtiments bucarestois auront à souffrir. Certains s’écrouleront entièrement, surtout ceux érigés avant 1963, alors que d’autres seront tout simplement inhabitables.
Compte tenu de tous ses éléments inconnus, que peuvent faire les Bucarestois pour diminuer autant que possible les effets d’un tremblement de terre ? Edmond Niculuşcă : « Nous encourageons les gens à entreprendre des actions individuelles, dont ils sont les seuls responsables, et d’assumer cette responsabilité qui leurs donne le pouvoir de faire la différence entre la vie et la mort, entre pertes financières majeures et dégâts modérés. »
Une de ces actions, apparemment banales mais nécessaires en cas de calamité, est de préparer un bagage d’urgence composé entre autres d’une trousse de premiers secours, de quelques bouteilles d’eau, d’aliments non-périssables, d’un sifflet, d’une radio portable à batteries et de quelques vêtements. Les personnes qui habitent dans des immeubles construits avant le grand tremblement de terre de 1977, doivent absolument envisager de consolider le bâtiment, si besoin est. La loi stipule que l’expertise technique en est gratuite et simplifie les démarches en vue d’obtenir un crédit, similaire à celui hypothécaire, pour financer le coût des travaux. Il faut souligner pourtant, que seulement les associations de propriétaires et non pas les propriétaires individuels bénéficient de ces dispositions.
Si une association n’existe pas, elle peut être créée par une implication citoyenne, qui peut résoudre un tas de choses, affirme l’ingénieur du BTP Matei Sumbasacu, membre de l’association Re : Rise : « Nous nous imaginons que cette consolidation est l’unique option pour réduire le risque sismique, ce qui est faux. Nous pouvons nous préparer aussi d’une autre manière, non seulement en consolidant l’immeuble. Il ne faut pas employer l’absence de tout progrès en matière de consolidation comme excuse pour ne rien faire d’autre en parallèle. La première chose qu’il faut entreprendre c’est de parler aux voisins de la possibilité qu’un tremblement de terre se produise. C’est ainsi qu’est née Re :Rise, ONG fondée officiellement il y a trois ans déjà. Mais il y a 5 ans, lorsque j’habitais dans un immeuble vulnérable, je consacrais tous mes samedis estivaux à des discussions avec les voisins, sur les séismes et sur notre immeuble. C’est ainsi que j’ai appris un tas de choses. Ce fut extrêmement important, puisque peu à peu, les gens ont tous commencé à s’impliquer dans des préparatifs en vue du tremblement de terre. »
L’implication citoyenne augmente le degré d’information, mais elle crée aussi des communautés qui, en cas de calamité, pourraient s’entraider pour réduire les effets d’un séisme. Mais la coagulation des communautés n’est toujours pas chose facile, se souvient Edmond Niculuşcă : « En fait, c’est très difficile. Aux premières réunions de notre projet Antiseismic, seulement 5 ou 8 personnes étaient venues. Il est important, mais aussi difficile d’évoquer la vie dans une ville qui met ta vie en danger. C’est aussi une grande erreur de ne pas le faire et de ne pas essayer d’améliorer la situation. Et voici donc un nouveau défi pour nous : convaincre les gens de faire expertiser les immeubles qu’ils habitent. Ces 30 dernières années, très peu d’immeubles ont été consolidés et très peu sont à l’heure actuelle en chantier. Du point de vue des finances, je ne sais pas s’il est possible de consolider tous ces bâtiments. Malheureusement, au niveau des communautés d’habitants de la ville, la situation n’est pas des meilleures. Il y a trop de bureaucratie, les choses trainent, ils font trop peu de confiance aux autorités. Mais nous voulons encourager les gens à prendre à bras le corps ce problème du risque sismique et à s’organiser dans des associations de propriétaires, de locataires, pour entreprendre des actions qui diminuent le risque sismique de leur bâtiment, pour procéder à des expertises techniques et pour modifier leur comportement avant, durant et après un tremblement de terre. » (Trad. : Alex Diaconescu)