Véronica
Les travaux de l’hôpital Veronica ont commencé en 2021 dans un contexte difficile. Dan Damaschin, curé de l’église de l’hôpital d’obstétrique et de gynécologie „Cuza Voda” de Iasi raconte.
Roxana Vasile, 31.07.2024, 12:20
Elle s’appelait Véronica Popa, comme beaucoup d’autres femmes, elle élevait seule ses enfants dans des conditions matérielles difficiles. Le jour où elle a été diagnostiquée avec un cancer en stade avancé, elle n’a pas pu bénéficier de traitement parce qu’elle n’avait ni carte d’identité ni assurance maladie. Elle est morte avant que les problèmes administratifs ne soient réglés, le 26 février 2021, laissant derrière elle cinq orphelins et une prière adressée au prêtre Dan Damaschin, qui avait désespérément essayé de lui venir en aide. Dans cette prière, elle lui demande de soutenir les pauvres qui ont besoin de soins médicaux.
Le curé de l’église de l’hôpital d’obstétrique et de gynécologie „Cuza Voda” de Iasi, le prêtre Dan Damaschin nous raconte son parcours.
« A la base, j’ai étudié la médecine. J’ai terminé mes études puis j’ai travaillé comme infirmier pendant que j’étudiais la théologie. Par la suite, j’ai été dans des paroisses qui étaient privées de tout soutien médical, alors j’ai continué à pratiquer en tant qu’infirmer et même en tant qu’assistant en pharmacie parce que les gens venaient me voir au presbytère où j’avais organisé un point de distribution de médicaments. Et voilà que je suis arrivé à Iasi dans une maternité, où j’ai pu mettre à contribution toute cette expérience socio-médicale afin que des mères douloureusement touchées par la pauvreté et la douleur ne bénéficient pas seulement d’un toit pour elles et leurs enfants, de nourriture et de chauffage mais aussi d’une prise en charge générale de leur santé, parce que si elles vont bien, leurs enfants iront bien et par ce biais toute la communauté. Malheureusement, au fil des années, j’ai perdu de très nombreuses batailles. Je parle des mères qui sont décédées par manque de ressources, parce que prévenu trop tard je ne pouvais plus agir, parce que nous n’avions personne pour nous soutenir dans les épreuves que traversaient ces femmes. »
Ce sont ces expériences qui ont amené le prêtre Dan Damaschin à rêver d’un lieu où les mères défavorisées seraient reçues dignement. Il n’y avait plus qu’un pas à faire pour qu’un hôtel abandonné devienne la première clinique médico-sociale de Roumanie, exclusivement dédiée aux personnes sans ressources.
« Pour moi, Veronica symbolise toutes les mères. C’est elle qui nous a obligé à aller plus loin, à passer à un autre niveau, de la simple idée à sa réalisation, à trouver un lieu pour installer l’hôpital et plus de ressources afin de commencer vraiment le projet. Nous nous sommes posés la question du nom à donner à ce projet, on voulait que ce nom reste et qu’il attire beaucoup d’énergie autour de lui. Nous avons fait appel à des amis expérimentés qui nous ont proposé beaucoup de noms différents, certains classiques, d’autres en anglais à destination des jeunes mais le souvenir de Veronica, de tout ce qu’elle a fait pour sa famille, pour la communauté, pour l’Eglise, ne me quittait pas et j’ai dit, ‚non ce n’est pas possible, Veronica doit rester dans nos mémoires, elle doit nous inspirer’. C’est ainsi que nous avons choisi ce nom, Veronica, comme le symbole de toutes les mères qui ont renoncé pour leurs enfants à leur carrière, à leur vie personnelle, qui ont enduré les privations pour donner de la joie aux autres et élever leurs enfants. »
Les travaux de l’hôpital Veronica ont commencé en 2021 dans un contexte difficile. Dan Damaschin.
» Pendant la pandémie, de nombreux hôpitaux ont pris feu et des personnes venues pour une simple pneumonie sont sorties les pieds devant. Ces drames ont provoqué des changements législatifs portant sur les autorisations incendie et la protection civile. Il a fallu que nous revoyions tout notre projet afin qu’il respecte ces nouvelles règles, alors qu’entre nous soit dit, à Bucarest un seul hôpital sur les 20 que compte la ville respecte ce cadre légal… Nous avons dû tripler le budget du projet et maintenant le bâtiment qui abrite la clinique Veronica présente les standards les plus élevés en termes de sécurité, du toit, à l’isolation, en passant par les fenêtres, les détecteurs de fumée, les bouches d’incendie qui ont couté plusieurs centaines de milliers d’euros, mais aussi les escaliers extérieurs, les ascenseurs et tout un tas d’installations ultra performantes. Est-ce que tout ceci est nécessaire ? Seul Dieu le sait. Mais nous avons voulu le meilleur pour les mères que nous souhaitons accueillir. »
Inaugurée le 8 mars dernier, la clinique Veronica est composée de 5 étages de 250 m2 chacun. Au rez-de-chaussée se trouve une pharmacie délivrant des médicaments gratuits ainsi qu’une section de radiologie avec scanner et IRM. Au premier étage se trouvent les sections de cardiologie et de gynécologie, toutes deux bénéficiant d’appareils modernes. Le deuxième étage accueille les cabinets de médecine générale, médecine interne, sections de diabétologie, pneumologie et néphrologie. Le prêtre Dan Damaschin poursuit la visite guidée.
» Au troisième étage nous avons installé une section de chirurgie ainsi qu’un cabinet de stomatologie qui ne compte malheureusement que deux fauteuils mais qui est équipé pour faire des radios dentaires. Il y a également des cabinets de microchirurgie, de médecine ORL et d’ophtalmologie. Au quatrième, il y a la section pédiatrique, la section de neuropsychiatrie et la chapelle Sainte Veronica où les patients peuvent recevoir un soutien spirituel. Autre aspect essentiel, tous les patients auront accès à des repas chauds. Une grande partie de nos patients viennent à l’hôpital mais ils n’ont même pas de quoi se payer un sandwich. Et nous voulons non seulement que leur hospitalisation se passe bien mais aussi qu’ainsi traités ils reprennent confiance en l’être humain, ils retrouvent santé et dignité. »
L’hôpital Veronica va fonctionner grâce à des personnels médicaux permanents, rémunérés grâce aux donations mais aussi grâce à des soignants acceptant de faire du bénévolat en faveur des plus pauvres. La transformation de l’hôtel désaffecté, l’équipement médical, tout a été financé par le biais de donation. Plus de 3 millions d’euros ont déjà été dépensés, sur un budget total estimé à 4.5 millions d’euros. Le prêtre Dan Damaschin est conscient du chemin qu’il reste à parcourir pour pouvoir achever le projet.
« Au nom de ces 10 000 enfants et de leurs mères qui ont besoin de soutien, nous vous remercions pour votre attention et vous prions de transmettre la bonne nouvelle de la miséricorde chrétienne. »
Ainsi Dan Damaschin lutte ans relâche pour boucler le financement de l’hôpital Veronica de Iasi.