Un Tribunal de la famille et de la jeunesse
Conçu sous la forme d’un projet pilote censé être multiplié à travers la Roumanie jusqu’en 2007, l’institution reste, de nos jours encore, le seul tribunal du pays ayant des compétences générales ou spécialisées en droit de la famille. Depuis sa création, plusieurs voix ont réclamé sa suppression, en invoquant une activité trop restreinte par rapport aux ressources financières et humaines nécessaires à son bon fonctionnement. Lors d’un débat public récemment lancé sur la plate-forme PressHub.ro, la cheffe du Tribunal, la juge Gabriela Chihaia, défend le rôle de l’institution qu’elle dirige.
Roxana Vasile, 28.09.2022, 14:30
Conçu sous la forme d’un projet pilote censé être multiplié à travers la Roumanie jusqu’en 2007, l’institution reste, de nos jours encore, le seul tribunal du pays ayant des compétences générales ou spécialisées en droit de la famille. Depuis sa création, plusieurs voix ont réclamé sa suppression, en invoquant une activité trop restreinte par rapport aux ressources financières et humaines nécessaires à son bon fonctionnement. Lors d’un débat public récemment lancé sur la plate-forme PressHub.ro, la cheffe du Tribunal, la juge Gabriela Chihaia, défend le rôle de l’institution qu’elle dirige.
Le Tribunal, dit-elle, dispose d’une pièce destinée exclusivement aux auditions des mineurs. C’est grâce à différents financements dont celui versé par Les Femmes s’impliquent, une association non gouvernementale qui milite pour l’égalité des chances, que le Tribunal a pu aménager cet espace joliment décoré où les mineurs puissent être entendus dans une ambiance moins pesante. N’oublions pas que dans la plupart des cas, il s’agit d’enfants ayant vécu des traumas dont les effets sont souvent à long terme. Voilà pourquoi il est important qu’ils se sentent sécurisés au moment de l’audition, renchérit la juge aux affaires familiales, Gabriela Chihaia: On accueille les enfants dans un endroit moins austère qu’une salle d’audience où il faut respecter une certaine procédure: on se met debout quand le juge fait son entrée, les parties impliquées sont tour à tour entendues, l’inculpé est souvent en détention provisoire, mais il se peut aussi qu’il soit libre et donc, présent en salle, tout comme ses proches ou les membres de sa famille. La plupart des procès avec mineurs victimes ne sont pas publics, mais se déroulent à huit clos en dehors des salles d’audience, soit dans le hall, soit dans la cour du tribunal. N’empêche, le mineur est toujours confronté, ne serait-ce que visuellement, aux autres ce qui risque de lui provoquer un trauma supplémentaire à celui dont il est déjà victime. Du coup, le fait de pouvoir l’accueillir dans une pièce spécialement aménagée le met plus en confiance et l’aide à témoigner plus facilement devant le juge. Nous avons eu des cas où des enfants, stressés dans un premier temps, ont commencé par jouer avant de se livrer au juge, beaucoup plus facilement qu’ils ne l’auraient fait dans une salle d’audience.
Deuxième argument en faveur de la mise en place, en Roumanie, de plusieurs Tribunaux de la famille et de la jeunesse: le nombre à la hausse des procès impliquant des mineurs. Des procès qu’une instance spécialisée en affaires familiales jugerait avec priorité, selon la juge Gabriela Chihaia: De tels procès se font de plus en plus nombreux. Depuis le 1 janvier 2019, date à laquelle j’ai commencé à travailler dans ce tribunal et jusqu’à présent, le nombre de dossiers impliquant des mineurs, victimes notamment des agressions sexuelles, a augmenté. Même s’il ne s’agit pas d’une croissance exponentielle, de telles affaires sont fréquentes. Et puisque nous sommes spécialisés en droit de la famille, on peut mieux s’organiser pour nous en occuper. Par exemple, on essaie de juger avec célérité les cas des mineurs victimes de la traite humaine ou de la violence ou encore les cas de ceux accusés d’homicide ou de tentative d’homicide. Mais le principe de célérité doit aussi respecter les normes de procédure pénale, les délais prévus par la loi, la possibilité des accusés de se défendre, bref, les droits de toutes les parties impliquées. Mais, une fois toutes les procédures respectées, on arrive à solutionner nos dossiers dans un délai de temps raisonnable.
Compte tenu de la spécificité de leurs activités, les magistrats auprès du Tribunal de la famille et de la jeunesse de Brasov se sont spécialisés en la majorité des règlements et litiges ayant trait aux mineurs. Gabriela Chihaia: Dans un tribunal ordinaire, les dossiers impliquant les mineurs sont jugés parmi d’autres affaires civiles ou pénales. Dans ce cas, impossible qu’un juge soit chargé seulement de la protection de l’enfance en danger et de la répression des mineurs délinquants. Voilà pourquoi on insiste depuis des années déjà sur l’importance de doter le pays de tribunaux spécialisés. De telles instances constitueraient un plus pour le système juridique de Roumanie, pour les magistrats, mais surtout pour la société dont on défend les intérêts.
Voué à l’oubli depuis quelques années déjà, le projet des tribunaux de la famille et de la jeunesse en Roumanie continue à faire des adeptes, ne serait-ce que parmi ceux qui espèrent que leur pays réponde aux normes internationales en matière de protection de l’enfance.