Un danger qui ne peut plus être ignoré : les jeunes et la consommation de drogues
Une réponse étatique sous dimensionnée pour un problème sur le long terme
Luiza Moldovan, 08.01.2025, 11:49
Le 31 mai sera désormais la journée nationale dédiée à la prise de conscience des risques liés à la drogue. C’est le sens d’une loi tout juste adoptée par le Parlement de Bucarest. Selon le député Brian Cristian, du parti d’opposition pro-européen l’Union Sauvez la Roumanie, une journée symbolique comme celle-ci ne résout en rien ce problème important de la société roumaine. Le député a précisé qu’un jeune sur dix et un quart des lycéens ont consommé au moins une fois de la drogue, selon les chiffres avancés par les autorités et les médias. Pour Brian Cristian, il s’agit de l’effet de dizaines d’années de politiques publiques antidrogue iniques et de l’incapacité de l’Etat à lutter contre les grands trafiquants de drogue. Selon lui, « les jeunes sont traités comme des délinquants alors que les grands trafiquants s’en tirent impunis ». Il ajoute que : « sans programmes de prévention efficaces, sans ressources pour les programmes visant la jeunesse, sans ressources suffisantes pour subventionner le sport, qui constitue une très bonne alternative pour les jeunes pour passer leur temps libre, la Roumanie continuera à perdre la lutte contre la drogue », toujours selon Brian Cristian.
En effet, la réalité du terrain s’avère parfois stupéfiante. Des enfants de 12 ans ont déjà essayé des drogues, auxquelles ils ont eu accès auprès de dealers de 14 ans, sans se rendre compte des traces dévastatrices que ces substances laissent dans leur cerveau. Radu Țincu, médecin en toxicologie, a expliqué lors d’une conférence spécialisée que davantage de programmes de prévention et de sensibilisation étaient nécessaires, étant donné que la plupart des jeunes ne sont pas conscients des effets dévastateurs que peuvent causer l’utilisation de certaines substances. Radu Țincu avance quelques détails.
« La consommation de substances psychoactives à un si jeune âge, alors que le système nerveux central n’a pas encore achevé son développement, peut entraîner des séquelles dans le domaine neurocognitif, avec des troubles du comportement, des troubles de la pensée, des troubles de l’attention, dont certains peuvent être irrémédiables. Par ailleurs, la consommation de drogues pendant l’adolescence augmente le risque de développer une maladie mentale à l’âge adulte, ce qui soulève à nouveau de grandes questions d’un point de vue social. À quoi ressemblera une société dans laquelle ces jeunes souffriront de troubles mentaux ou de troubles du comportement ? Si nous parlons d’overdoses et de soins intensifs, jusqu’à 20-30 000 euros peuvent être dépensés pour chaque cas individuel, puis jusqu’à 10 000 euros pendant la période de désintoxication dans un centre psychiatrique.
Se tenir aux cotés des jeunes
L’un des programmes antidrogue menés en 2024 en Roumanie était « Choisir de choisir – Une caravane artistique pour prévenir la consommation de drogues », mis en œuvre par l’association « E Ceva Bine » (Quelque chose de bien) et financé par le ministère de l’Intérieur, via l’Agence nationale antidrogue. Réalisé dans 9 villes du nord-est de la Roumanie, dans les départements de Botoșani, Neamț et Vaslui, le projet visait à sensibiliser et à éduquer les jeunes âgés de 12 à 25 ans, ainsi que leurs parents, sur les risques liés à la consommation de drogues. Le projet visait à renforcer la confiance et la résilience des enfants et des jeunes présentant un risque de consommation de drogue, ainsi que celles de leurs parents, par le biais d’activités de loisirs comme alternative à la consommation de drogue, sous la bannière du choix et de l’expression par l’art et d’autres formes d’éducation non formelle. 8 000 jeunes ont bénéficié du programme.
Quel est le meilleur plan d’action pour un jeune ou un enfant qui commence à avoir des problèmes avec la drogue ? Iulian Văcărean, président de l’association « E Ceva Bine », leur répond directement.
« Je pense que la chose la plus importante est d’en parler aux gens qui sont proches de vous, parce que les parents, les enseignants et ceux qui se soucient vraiment de vous, vous aideront toujours à vivre et à choisir le meilleur chemin ».
De l’espoir du côté des institutions ?
Les spécialistes se sont également rendus dans le département de Suceava, dans le nord de la Roumanie, où ils se sont entretenus avec des élèves, des parents et des enseignants des écoles de la municipalité de Fălticeni. Cătălin Țone, expert antidrogue et collaborateur régulier de la radio publique sur cette question nous raconte ces expériences.
« Radio Romania Actualités, en collaboration avec d’autres partenaires, poursuit une campagne antidrogue lancée il y a environ deux ans. Nous parcourons le pays, nous organisons des activités préventives avec les élèves, les parents et les enseignants. Elles sont toutes interactives, nous distribuons des prix, nous encourageons le dialogue. Nous essayons de ne pas tomber dans les travers des activités classiques de prévention, qui n’ont souvent pas l’effet escompté. Nous constatons des changements conceptuels. Les responsables de la prévention, du contrôle et du traitement ont commencé à parler, à discuter. Ici, le nouveau le paquet législatif vient avec de bonnes nouvelles, en particulier dans le domaine de la lutte contre la drogue, à savoir : l’augmentation des peines, la création du registre des trafiquants de drogue, suppression des peines avec sursis. Une autre bonne nouvelle est qu’un projet de loi sur la création de huit centres de traitement de la toxicomanie a été promulgué il y a quatre mois. On parle aussi beaucoup de la réorganisation de l’Agence nationale anti-drogue pour l’adapter aux nouvelles exigences, ce qui me semble une bonne chose étant donné que l’Agence est le stratège national dans ce domaine ».
La stratégie de lutte contre la drogue se construit peu à peu en partant du corps social. (Trad : Clémence Lheureux)