Stéréotypes de genre dans la littérature et l’éducation.
Comment naissent les stéréotypes qui définissent le rôle de la femme et de l’homme au sein de la société ? Par quels moyens sont-ils perpétués ? Par l’éducation ? Par la culture ? C’est à ces questions que se propose de répondre une récente étude sur les stéréotypes de genre de la culture roumaine et dans la vie quotidienne, étude qui fait partie du projet consacré à «L’insertion et la promotion des femmes sur le marché du travail».
Christine Leșcu, 28.01.2015, 14:09
Comment naissent les stéréotypes qui définissent le rôle de la femme et de l’homme au sein de la société ? Par quels moyens sont-ils perpétués ? Par l’éducation ? Par la culture ? C’est à ces questions que se propose de répondre une récente étude sur les stéréotypes de genre de la culture roumaine et dans la vie quotidienne, étude qui fait partie du projet consacré à «L’insertion et la promotion des femmes sur le marché du travail».
Déroulée par la Fondation pour une Société ouverte et financée de fonds européens, l’étude a visé 4 domaines : film, théâtre, littérature et médias. Son but : vérifier l’hypothèse selon laquelle les stéréotypes de genre ou ceux liés à la féminité ont un fondement culturel.
Mircea Vasilescu, président de la Fondation pour une société ouverte, passe en revue les conclusions de l’étude : «L’hypothèse que nous avons analysée s’est avérée correcte dans son ensemble, c’est-à-dire que la manière dont nous voyons les femmes et la féminité repose sur notre «héritage culturel». Certes, les médias y jouent un rôle très important, notamment par leur impact, vu qu’elles prolongent la pensée fondée sur des stéréotypes et elles exploitent différents stéréotypes concernant les femmes pour gagner en audience. Et je pense ici notamment aux tabloïds».
A part les médias, l’enseignement semble être à son tour une source de stéréotypes, parfois par la simple analyse des textes littéraires proposés aux élèves. Notre interlocuteur, Mircea Vasilescu, est aussi critique et historien de la littérature. Il nous explique comment sont caractérisés différents personnages féminins dans les écoles :
«Nous avons vérifié l’information sur ces personnages littéraires fournie par les manuels, par les recueils qui proposent aussi des commentaires littéraires et par les sites consacrés aux exposés scolaires. Ces exposés en disent long sur la manière dont on étudie la littérature à l’école, en s’arrêtant généralement sur des banalités. Et alors je me demande si une fois l’école terminée, les jeunes ne commencent pas à mettre en œuvre dans la vie réelle les idées retrouvées dans les commentaires littéraires, et ont une approche des femmes conforme aux stéréotypes. »
Oui, l’école transmet des stéréotypes, constate l’étude. Mais souvent les interprétations des personnages féminins proposées par les manuels ne sont pas trop exactes, ni favorables aux personnages en question.
Par ailleurs, ces dernières années, les médias, notamment les émissions télévisées de divertissement ont créé un nouveau type de femme : l’assistante de production. La jeune animatrice habillée de manière plutôt vulgaire qui divertit le public par son ignorance et par les bêtises qu’elle dit, selon le rôle attribué par le réalisateur de l’émission. Cette nouvelle apparition renforce en quelque sorte le stéréotype selon lequel il n’y a pas trop de femmes dans les émissions télévisées dites « sérieuses ».
Mircea Vasilescu: « Il y a très peu de présences féminines dans les débats télévisés portant sur des sujets politiques ou sociaux. Il y a très peu de femmes invitées à s’exprimer en tant qu’expertes dans différents domaines. Et d’habitude on invite les mêmes femmes, qui proviennent plutôt du milieu politique ».
Les stéréotypes sont transmis non seulement via l’école ou les émission télévisées, mais aussi par des messages des parents depuis l’âge le plus jeune. Livia Aninosanu, coordinatrice du centre Partenariat pour l’égalité — partenaire du projet « L’intégration et la promotion des femmes sur le marché de l’emploi » affirme que par la socialisation, les enfants arrivent à apprendre très tôt ce que les garçons et les filles devraient faire dans la société: « Nous encourageons certaines émotions chez les garçons et nous en décourageons d’autres. Nous procédons de même dans le cas des jeunes filles. Dans le cas des garçons, ils entendent assez souvent « ne pleure pas, tu n’es pas une fille ! ». Pour les garçons, depuis un âge assez jeune, le langage émotionnel est assez restreint. On leur permet d’exprimer leurs émotions négatives par la fureur, mais on les décourage de se montrer émotifs, d’exprimer leur peur. En échange, dans le cas de filles, elles ne sont pas encouragées à exprimer leur fureur, à dire « non » ou à mettre des barrières très claires. On leur permet d’être fragiles. Nous dirigeons les enfants vers des rôles qu’ils ont à remplir dans la société, leur inoculant l’idée que les garçons sont forts et que les filles sont faibles. »
Les jouets différenciés ont aussi un rôle dans cette détermination comportementale : « Dans tout grand magasin pour enfants nous avons des étals pour les gamines et les gamins. Les premiers, on peut les reconnaître d’après la couleur rose foncée. On y voit des jouets qui représentent les rôles qu’elles devraient remplir à l’avenir dans la société : mini cuisines, mini-machines à laver, fers à repasser en miniature. Dans le cas des garçons, il y a des jeux qui permettent d’explorer l’espace, des voitures, des armes… Nous avons relativement peu de jouets neutres du point de vue du genre. Je crois qu’il existe de nombreuses situations quand les enfants auraient souhaité joué avec d’autres choses. En travaillant avec les enseignantes de maternelle, nous avons constaté qu’il existe une crainte très forte que les garçons jouent avec les poupées par exemple, où qu’ils s’impliquent dans le jeu des filles. Cette simple préférence provoque des craintes parmi les adultes. Le garçon en question est corrigé presque immédiatement. »
Peut-être qu’il vaut mieux corriger les attitudes de adultes, affirment les spécialistes en égalité des sexes. Les enfants ne devraient pas être éduqués conformément à des filtres de genre, mais encouragés à expérimenter et à résoudre des situations des plus variées. (trad. Valentina Beleavski/Alex Diaconescu)