Records négatifs du nombre de personnes à la retraite
Il s’agit de la baisse la plus importante depuis 2013. La pandémie de COVID-19 est la première cause de décès expliquant cette diminution. Des données confirmées par l’analyste économique Cătălin Ghinăraru.
Christine Leșcu, 17.11.2021, 08:18
Il s’agit de la baisse la plus importante depuis 2013. La pandémie de COVID-19 est la première cause de décès expliquant cette diminution. Des données confirmées par l’analyste économique Cătălin Ghinăraru.
« La sortie d’une personne du système de retraite peut avoir deux explications. Soit elle est décédée, soit elle ne remplit plus les conditions légales requises. Je parle ici de la pension d’invalidité ou de l’allocation d’affection longue durée. Dans ce cas de figure, le départ à la retraite n’est pas définitif. En effet, une personne invalide ou malade et temporairement dans l’incapacité de faire son travail suite à un accident ou à une maladie ne sera pas à la retraite indéfiniment. Elles doivent régulièrement effectuer des examens pour surveiller leur état de santé. Et elles sont dans l’obligation légale de s’y présenter. Lorsqu’elles ont récupéré leur capacité à travailler, elles sortent effectivement du système de retraite. Cette possibilité existe bel et bien. »
Si l’on observe le système de retraites dans son ensemble, on constate que le nombre de nouveaux bénéficiaires a diminué au cours des dernières années. Cătălin Ghinăraru nous en dit davantage sur les origines de ce phénomène.
« On parle dans ce cas de causes conjoncturelles, mais le nombre de bénéficiaires est en fait en diminution depuis longtemps. Depuis la première décennie du 21ème siècle, plus précisément. Des transformations structurelles se sont produites. Tout d’abord, les effets des lois 19 et 223 visant à augmenter l’âge de la retraite dès 2015 se sont fait sentir. A l’heure actuelle il est fixé à 65 ans pour les hommes et devrait passer à 63 ans pour les femmes d’ici à 2030, conformément aux dispositions de la loi 260. En outre, selon une décision de la Cour constitutionnelle, les femmes ont la possibilité de travailler jusqu’à 65 ans si elles le souhaitent, par souci d’égalité avec les hommes. L’âge de la retraite ayant donc augmenté, les hommes comme les femmes restent plus longtemps sur le marché du travail. De plus, les conditions pour obtenir la pension d’invalidité sont désormais plus strictes. De fait, au facteur conjoncturel lié à la pandémie qui a augmenté le nombre de décès chez les personnes âgées viennent s’ajouter des causes structurelles liées à la réforme du système de retraite public. »
A l’instar de beaucoup de pays industrialisés, la Roumanie traverse elle aussi une crise démographique. Il existe au sein de sa population un déséquilibre entre le nombre de retraités et celui des travailleurs actifs. Ce qui pourrait laisser penser, de prime abord, que cette baisse du nombre de retraités est une bonne nouvelle. Cătălin Ghinăraru nous en dit plus.
« En Roumanie, le rapport entre le nombre de personnes actives sur le marché de l’emploi et le nombre de retraités n’est pas très favorable. Mais la légère diminution du nombre de retraités peut être perçue positivement. Nous faisons face à un problème de durabilité du système de retraite. Il est bon de préciser quelques points importants : cette tendance ne va pas durer car nous approchons doucement mais sûrement de 2030 puis de 2032. A partir de là, la plupart des gens appartenant à cette génération très nombreuse vont partir à la retraite. Ce sont les fameux « enfants du décret » qui devraient atteindre l’âge de départ à la retraite aux alentours de 2032. Si les conditions de départ à la retraite restent les mêmes, nous allons assister à une augmentation massive du nombre de retraités. »
Pour cette raison, des discussions sont en cours pour rallonger la période de cotisation, augmentant implicitement l’âge de départ. Mais l’idée d’accroître progressivement l’âge de départ à la retraite jusqu’à près de 70 ans rencontre une opposition farouche de la part de la population. Que pense l’analyste économique Cătălin Ghinăraru de cette situation ?
« Cette proposition n’a pas été bien accueillie, ni ailleurs, ni chez nous. Cette augmentation de l’âge de départ à la retraite implique une durée de cotisation de 40 ans. C’est très long, surtout en Roumanie où les conditions sur le marché de l’emploi ne sont pas des plus favorables. Beaucoup se demandent s’ils parviendront à cotiser sur l’intégralité de cette période. La loi actuelle et les lois en cours d’élaboration permettraient donc de compenser en offrant la possibilité d’acheter des trimestres de cotisation. Il est aussi vrai que les choses pourraient changer d’ici là. Il est tout à fait possible que cette génération née dans les années 60-70 pense différemment des générations précédentes. En effet, ces personnes sont arrivées sur le marché du travail et ont pu exercer leur activité dans un contexte de marché libre. »
Pour le moment, difficile de prédire quels seront les options et les comportements adoptés par la génération des enfants du décret au moment de prendre leur retraite. De même, nul ne sait comment évoluera la loi et l’influence que cette dernière aura sur l’état d’esprit des gens au sujet de la retraite.
(Trad. : Charlotte Fromenteaud)