Quels remèdes pour un enfant abusé sexuellement ?
80% des saisines
concernant des abus contre des mineurs entre 2014 et 2020 n’ont pas donné lieu
à des poursuites judiciaires. C’est le résultat d’un rapport de l’Inspection
judiciaire, au sujet duquel la présidente exécutive de l’organisation Sauvez
les enfants Roumanie, Gabriela Alexandrescu tire la sonnette d’alarme. Au total
ce sont plus de 18 500 saisines qui avaient été déposées durant la période
mentionnée, dont 80 % portant sur des atteintes graves aux libertés et à
l’intégrité sexuelle de l’enfant, et qui ont été classées sans suite. Par
ailleurs, l’Etat roumain semble plutôt préoccupé de punir le coupable (si les
poursuites pénales sont lancées) et se préoccupe très peu, voire pas du tout,
de la prise en charge psychologique de l’enfant victime.
Christine Leșcu, 10.05.2023, 13:54
80% des saisines
concernant des abus contre des mineurs entre 2014 et 2020 n’ont pas donné lieu
à des poursuites judiciaires. C’est le résultat d’un rapport de l’Inspection
judiciaire, au sujet duquel la présidente exécutive de l’organisation Sauvez
les enfants Roumanie, Gabriela Alexandrescu tire la sonnette d’alarme. Au total
ce sont plus de 18 500 saisines qui avaient été déposées durant la période
mentionnée, dont 80 % portant sur des atteintes graves aux libertés et à
l’intégrité sexuelle de l’enfant, et qui ont été classées sans suite. Par
ailleurs, l’Etat roumain semble plutôt préoccupé de punir le coupable (si les
poursuites pénales sont lancées) et se préoccupe très peu, voire pas du tout,
de la prise en charge psychologique de l’enfant victime.
C’est pourquoi,
nous avons demandé à Gabriela Alexandrescu ce qu’il faut faire pour aider un enfant
victime d’abus sexuel :
« En général, en Roumanie, on n’est pas conscients des effets d’un abus
sexuel sur l’enfant. On sait aussi que ces abus sont rarement rapportés en
Roumanie, en réalité, le nombre des enfants abusés est beaucoup plus grand que
celui des saisines déposées. Il faut dire aussi que l’abus sexuel est une
expérience fortement traumatisante qu’il est impossible de surmonter tout seul.
L’enfant a besoin de beaucoup de soutien, et cela immédiatement. En l’absence
de ce soutien, il y aura très probablement des conséquences sur le court terme,
alors que les conséquences sur le long terme affecteront l’ensemble du
développement de l’enfant. De notre point de vue, pour aider ces enfants et
pour limiter ces actes, il est nécessaire d’introduire l’éducation à la santé
dans les écoles, y compris l’éducation à la santé de la reproduction et
l’éducation sexuelle. Il est nécessaire que de plus en plus d’enfants
connaissent les risques et les dangers auxquels ils peuvent être exposés. Et
puis, il faut aussi avoir des spécialistes formés pour dépister ces cas et
discuter avec les enfants victimes d’abus sexuels. Il faut aussi faire croître
la confiance de l’enfant et de la famille dans les autorités. C’est pourquoi il
est important d’avoir des enseignants, des juges, des psychologues, des
policiers, des magistrats spécialisés pour interviewer, analyser et juger les
cas d’abus sexuels envers les enfants. Il est essentiel d’avoir un bon système,
formé de fins connaisseurs des signes de l’abus. D’ailleurs, nous avons lancé
un premier service spécialisé, du type Branahaus – un service lancé il y a
plusieurs années en Islande. Son rôle est de discuter, de protéger, de soutenir
l’enfant victime d’abus sexuel dans le respect de l’intérêt supérieur de
l’enfant. Mais, il est nécessaire que le traitement de ces cas soit remboursé
par l’Etat, pour que ce soit facile pour l’enfant et sa famille de bénéficier
de ces services et d’avoir un appui émotionnel afin d’éviter un nouveau trauma.
»
N’importe quel
enfant peut être victime d’un abus sexuel. La
situation économique de sa famille y joue pour beaucoup, mais la vérité c’est
qu’il n’y pas de profil stricte. Gabriela Alexandrescu explique :
« En général, les
caractéristiques de l’enfants à risque accrus d’abus ont trait à sa
vulnérabilité émotionnelle. L’enfant n’est pas toujours conscient du fait que
quelque chose de mal lui est arrivé et donc il n’en parlera pas. Les enfants
plus petits ont, peut-être, un risque encore plus élevé, en raison de leur
développement cognitif. C’est pourquoi ils peuvent être des victimes des années
durant, sans même le savoir. D’habitude, les agresseurs menacent la victime
pour qu’elle garde le secret. C’est à l’adolescence, lorsqu’ils ont acquis
suffisamment d’informations sur la vie sexuelle, que ces enfants se rendront
compte qu’ils ont vécu quelque chose d’anormal. Mais lorsqu’ils sont petits, le
plus souvent ils ne s’en rendent pas compte. Plus encore, l’enfant n’est pas
capable de consentir en ce qui concerne une relation de nature sexuelle, il est
donc très facile pour un adulte de le manipuler. Dans les textes spécialisés,
dans les études que nous avons menées, nous avons constaté que l’idée comme
quoi c’est un certain type d’enfant qui est susceptible d’être victime d’un
abus sexuel n’est qu’un mythe. La vérité c’est que l’abus sexuel n’est pas lié
au statut social ou économique, ni au niveau d’éducation, ni aux
caractéristiques générales d’un enfant. Mais, sans doute, les conditions
économiques, sociales et familiales, notamment la marginalisation sociale, le divorce,
le concubinage, les événements défavorables au sein de la famille, les difficultés
économiques – tout cela peut s’avérer un facteur de risque pour les
enfants ».
Gabriela Alexandrescu de
l’organisation Sauvez les Enfants a également dressé le portrait-robot celui
qui abuse et de la relation qu’il développe avec sa victime :
« Pour ce qui
est des agresseurs, ils sont pour la plupart des membres de la famille
d’origine ou de la famille élargie de l’enfant abusé. Ce sont des personnes que
les enfants connaissent et auxquelles ils font confiance : des voisins,
des amis de famille, des personnes ayant une position de force par rapport à
l’enfant, comme un professeur, par exemple, un entraîneur, etc. A chaque fois, l’agresseur tente de cacher
l’abus et d’habitude il y réussit, car ce sont des personnes qui ont l’air
d’être bienveillantes et attentives. Le tout pour tromper les parents et gagner
la confiance de l’enfant et de sa famille. »
Après avoir mieux compris les caractéristiques générales
d’un enfant qui risque d’être abusé et celle d’un agresseur, revenons aux
conséquences de ces gestes. Et pour cause : l’absence d’une psychothérapie
pour l’enfant victime est très grave, selon la psychothérapeute Elena Maria
Dumitrescu. Et elle nous explique pourquoi :
« La psychothérapie dispose de méthodes
censées guérir ces blessures qui affectent les capacités à s’adapter de la
personne concernée. Son résultat dépend de plusieurs éléments, dont le plus
important est la capacité d’établir une relation de confiance avec des
personnes importantes dans la vie de l’enfant, qui puissent lui offrir
réellement de la sécurité et de la protection. Lorsque cette blessure est
extrêmement profonde et que la connexion avec cette personne-là ne peut pas se faire
pour satisfaire aux besoins de l’enfant, ce dernier apprendra à vivre avec
cette blessure en développant certaines capacités d’adaptation. Une bonne relation
parent-enfant pourra satisfaire aux besoins émotionnels de ce dernier et créer
un milieu sûr pour communiquer ouvertement sur ses expériences quotidiennes.
Ainsi, le parent pourra observer avec qui et comment son enfant interagit et
pourra identifier les éventuels aspects inadéquats. Malheureusement, il existe
de nombreuses situations où ce type de relation ne peut pas se réaliser. Alors,
les agresseurs, qui sont de très bons observateurs, remarqueront les points
vulnérables de la victime et en profiteront pour manipuler les choses à leur
avantage. »
Quels remèdes pour un enfant abusé sexuellement ? La
psychothérapeute Elena Maria Dumitrescu répond :
« Dans la psychologie on parle du
triangle dramatique agresseur-victime-sauveteur. Les gens apprennent des rôles.
Certains apprendront le rôle de l’agresseur, ils s’identifieront avec celui-ci
et deviendront à leur tour des agresseurs. D’autres, au contraire, prendront le
rôle du sauveteur dans leurs relations et voudront sauver l’enfant de toute
personne qui lui est proche. D’autres encore continueront de vivre dans le rôle
de victime dans leurs relations avec les autres. Pour ce qui est des enfants,
plus tôt on intervient, plus on a de chances que la victime apprenne de
nouvelles manières de s’adapter et de fonctionner et plus elle aura des chances
de guérir. Une fois adulte, le processus de formation de la personnalité est
finalisé et les choses se stabilisent. Mais la psychothérapie dispose des
techniques nécessaires d’intervention pour tout le parcours thérapeutique de la
victime, en tant qu’enfant et en tant qu’adulte. » (Trad. Valentina Beleavski)