Quels métiers pour les jeunes touchés du syndrome de Down?
Christine Leșcu, 16.11.2022, 13:27
Nous sommes au centre de Bucarest, au
cœur du quartier historique de la capitale. Dans une petite ruelle, plutôt à
l’abri de la foule qui déferle de partout, un salon de thé attend ses clients
dans une ambiance décontractée. Une fois à l’intérieur, vous allez remarquer
parmi le personnel de salle, plusieurs jeunes trisomiques. Ce sont des
bénévoles, membres de l’Association DownPlus Bucarest qui font une formation de
serveur grâce à un projet déroulé en partenariat avec la Direction générale de
Sécurité sociale de la ville.
Georgeta Bucur, représentante de
l’association mentionnée, nous en donne des détails : « Il s’agit
d’un partenariat censé permettre aux jeunes atteints du syndrome de Down de se
frayer un chemin en société, en pratiquant de nouveaux métiers. Ce projet n’est
pas singulier, on en a déjà mis en place d’autres afin de découvrir les
domaines dans lesquels ces jeunes pourraient travailler et de voir la manière
dont on pourrait les aider pour leur assurer une meilleure insertion sur le
marché de l’emploi. (…) Il s’agit d’un projet bénévole dont la durée est d’un
an et qui se terminera au mois de mai, après quoi, on verra bien comment les
choses se poursuivront. (…) Une chose est sûre, ce projet nous permettra de
savoir avec certitude lesquels de nos jeunes bénévoles seraient capables de
travailler comme serveurs ».
La raison pour laquelle on a opté pour
un engagement bénévole tient de la législation en place en Roumanie qui
interdit à une personne atteinte du syndrome Down de toucher un salaire et une
AAH (allocation adulte handicapé) en même temps.
Voilà pourquoi le temps passé au salon
de thé est considéré comme une sorte de stage de formation, affirme Georgeta
Bucur : « Ces jeunes sont prêts à relever toute sorte de défis. Ils
se sont montrés heureux de servir dans un Salon de thé (…). Quant à nous, nous
essayons de leur proposer une large variété d’activités censées leur offrir la
chance d’une vie active. Nous voulons les faire sortir de chez eux pour les
protéger des risques associés à un quotidien sédentaire ; faire en sorte
pour qu’ils ne deviennent pas obèses, les empêcher de sombrer dans la
dépression, car ce sont des individus pour lesquels l’entourage est très important.
Voilà pourquoi nous cherchons des idées pour les obliger à rester actifs, en
dehors de la maison. Et puis, ce type de stage nous permet de voir s’il serait
possible de lancer une mission sociale au sein de laquelle ils pourraient être
embauchés. (…) Pour l’instant, le programme dont on parle s’avère bénéfique
aussi bien pour la santé des personnes trisomiques, que pour leur moral, car
ils sont très contents de se retrouver dans un groupe. L’association DownPlus
Bucarest est comme une famille pour eux et ils profitent de toutes les rencontres avec les autres membres
du groupe, peu importe le type de rencontre. Ça peut être au Salon de thé, sur
le terrain de sport, pendant les classes de danse, quelle que soit le type
d’activité, ces personnes s’en donnent à cœur joie ».
Anca Miron, 39 ans, fait partie des 25 personnes
trisomiques âgées de 18 à 42 ans, incluses dans le projet. Le travail dans le
Salon de thé lui plaît beaucoup : « J’apporte aux clients le thé, le café,
l’eau ou le jus de fruit et j’aime bien le faire. Je m’entends très bien avec
les clients et ça me fait plaisir de leur apporter ce qu’ils souhaitent (…).
Sinon, j’aime bien l’équitation, la peinture et les sports, en général. »
Une passion partagée aussi par Călin Marinescu, 21 ans,
qui fait de la gymnastique : « Je fais du bénévolat dans ce salon de
thé et je m’y plais beaucoup. Je trouve sympa de servir les gens et de rester à
leurs petits soins. Pourtant, j’aimerais bien travailler dans le tourisme, dans
une agence touristique ou dans l’hôtellerie. J’aime bien voyager à travers le
monde (…).L’endroit que j’ai le plus
aimé a été Abou Dhabi où j’ai remporté plusieurs médailles dans des
compétitions de gymnastique. J’ai décroché l’or au cheval d’arçons et aux anneaux
et le bronze au sol et au concours multiple individuel ».
L’occasion de préciser que tous les jeunes qui font du
bénévolat dans le Salon de thé SanThé sont des personnes très actives qui font
du sport, de la danse ou de la musique.
Pour des résultats encore plus satisfaisants, il est
souhaitable que les parents se rangent du côté de leurs enfants. C’est le cas
de Luminița Miron, mère d’Anca Miron, qui nous a déclaré, en parlant de sa
fille, que :
« Ces enfants ont beaucoup de hobbys. Et beaucoup d’habilités.
A part leur capacité immense d’affection, car toutes ces personnes sont
particulièrement ouvertes et empathiques, les trisomiques sont capables
d’obtenir de très bons résultats en gymnastique. Ils aiment bien faire du
sport, ils sont doués pour le sport. Et puis, même s’ils ne participent qu’à
des compétitions spécialement créées pour des personnes atteintes du syndrome de Down, ils peuvent obtenir de très bons résultats aux agrès, aux concours de
patinage, de rollers ou de ski. (…). Ils adorent la musique et ils sont
capables de faire de la danse traditionnelle ou sportive. (…) Ils sont pleins
d’énergie et ils sont très contents de se réunir. Ils aiment bien se lancer
dans des défis. »
Même si leurs journées de travail dans le salon de thé
sont assez chargées, ils retrouvent l’énergie nécessaire pour bien s’acquitter
de leurs taches.
Luminița Miron, mère d’Anca : « Pour travailler, ils
nécessitent un accompagnement permanent, mais, il nous suffit de les voir
heureux, épanouis et aptes à acquérir de nouvelles habilités pour nous investir
à fond, sans ressentir la moindre fatigue. A force de nous transmettre de leur
énergie, ils finissent par nous mobiliser nous aussi et du coup, on reste à
leur côté et on se réjouit de leur moindre victoire. (…). Comme parent, on
finit par retrouver les ressources nécessaires pour les épauler en sachant que
leur développement peut aller au-delà d’un diagnostic donné à la naissance. Ils
arrivent à développer leurs compétences et leurs habilités et un parent trouve
toujours la force de lutter pour le bien de son enfant ».
A l’heure où l’on parle, le Salon de thé SanThé du centre-ville ouvre grandes ses portes à tous ceux
qui souhaitent faire la connaissance de ces jeunes courageux et apprendre leur
histoire devant une tasse de thé.
Georgeta Bucur : « Cela nous fait grand plaisir
d’entrer en conversation avec nos clients. Il y en a qui viennent nous voir par
curiosité, après avoir entendu parler de ce projet. D’autres savent déjà à quoi
s’attendre, ils connaissent des choses sur la trisomie et donc, ils viennent
pour nous soutenir. On a eu la joie d’accueillir une famille de Iasi, en visite
à Bucarest, qui a choisi de consacrer deux heures à notre cause ».
D’ici la fin de ce programme, au printemps prochain,
l’Association DownPlus Bucarest espère offrir à un nombre important de jeunes
trisomiques l’opportunité d’apprendre le métier de serveur, tout en rendant les
employeurs ouverts envers cette catégorie de personnes. (trad. Ioana Stancescu)