Quelle évaluation de l’enseignement?
Happé, depuis une vingtaine d’années, par un tourbillon de changements, le système roumain d’enseignement cherche à répondre de la meilleure façon aux défis du 21e siècle. C’est le cas, par exemple, de la capacité de ce système d’évaluer son propre fonctionnement, notamment le travail des enseignants et les résultats des élèves et des étudiants. Cette capacité fait d’ailleurs l’objet d’une récente étude, réalisée conjointement par la Roumanie, l’Unicef et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La loi de l’éducation actuellement en vigueur a introduit quatre évaluations des élèves – deux dans le primaire et deux autres au collège, les résultats de l’évaluation nationale de la dernière année de collège influant sur l’entrée des enfants au lycée.
Christine Leșcu, 17.05.2017, 13:30
Happé, depuis une vingtaine d’années, par un tourbillon de changements, le système roumain d’enseignement cherche à répondre de la meilleure façon aux défis du 21e siècle. C’est le cas, par exemple, de la capacité de ce système d’évaluer son propre fonctionnement, notamment le travail des enseignants et les résultats des élèves et des étudiants. Cette capacité fait d’ailleurs l’objet d’une récente étude, réalisée conjointement par la Roumanie, l’Unicef et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La loi de l’éducation actuellement en vigueur a introduit quatre évaluations des élèves – deux dans le primaire et deux autres au collège, les résultats de l’évaluation nationale de la dernière année de collège influant sur l’entrée des enfants au lycée.
Considérée comme le plus important test à passer par les élèves roumains jusqu’à l’âge de 14-15 ans, l’évaluation nationale provoque de nombreuses controverses, explique Ioana Băltăreţu, membre du Conseil national des élèves : « En ce qui concerne notre évaluation, le Conseil national des élèves a remarqué le fait que l’accent est trop souvent mis sur les matières scolaires qui font l’objet des examens nationaux. D’ailleurs, la formule actuelle de ces examens privilégie la mémorisation et laisse de côté les capacités de raisonnement. La dernière enquête PISA (Programm for International Student Assessment ou en français Programme international pour le suivi des acquis des élèves) montre qu’environ 40% des élèves roumains de 15 ans sont des analphabètes fonctionnels. Ils lisent un texte, mais sont incapables de le comprendre, à cause de techniques d’enseignement qui reposent sur la mémorisation ».
Toute au long de leur scolarisation, les enfants et les jeunes passent par des évaluations d’étape et ils souhaiteraient pouvoir évaluer, à leur tour, la manière dont ils sont instruits et traités, ajoute Ioana Băltăreţu.
Ioana Băltăreţu : « Nous pensons que l’implication des élèves dans l’évaluation interne laisse encore à désirer. Malgré l’activité du représentant des élèves au Conseil d’école, aux commissions d’évaluation et de lutte contre la violence, les élèves sont dans l’impossibilité d’exprimer leur opinion ou ne sont même pas invités aux discussions dans près de 98% des cas. Il faut respecter la législation en vigueur et appliquer les droits des élèves représentés. Nous pensons qu’il est impérativement nécessaire que les évaluations ne soient plus superficielles, qu’elles soient perçues comme un mécanisme capable de consolider un système éducationnel de bonne qualité, profitable pour nous tous ».
L’étude intitulée « Evaluations et examens dans le système d’éducation de Roumanie », et réalisée par l’Unicef et l’OCDE, se réfère précisément à la modalité dont les tests peuvent montrer leur efficacité. La réalité à la base de cette enquête n’est pas vraiment réjouissante. Les tests PISA montrent qu’en 2015, les élèves roumains ont enregistrés des progrès, par rapport à 2012. Mais en « Sciences », par exemple, 38,6% des enfants de 15 ans se sont situés en dessous du niveau 2, qui est le niveau à atteindre à la fin de la scolarité obligatoire, afin d’avoir un fonctionnement efficient dans la société du savoir. Comment faire, alors, pour que les examens et les évaluations nous aident à saisir le niveau réel de compétences des élèves et à les guider pour améliorer leurs résultats? De l’avis des auteurs de l’étude « Evaluations et examens dans le système d’éducation de Roumanie », la réponse se trouverait dans une plus grande flexibilité du système d’éducation. L’école devrait être un lieu de grande performance, certes, – comme la Roumanie l’a déjà prouvé – mais aussi de l’inclusion, où tous les élèves réussissent à acquérir les compétences et les connaissances demandées sur le marché de l’emploi.
Or, sur ce point, des améliorations sont encore possibles, remarque Andreas Schleicher, directeur à l’OCDE : « Au début des années 2000, la Roumanie n’avait aucune autorité d’évaluation indépendante des établissements scolaires. Aujourd’hui, elle s’est dotée d’un important centre d’évaluation et, surtout, elle est un des seulement quelques exemples de progrès rencontrés en Europe. Les nouveaux programmes scolaires vont de pair avec les aspirations du 21e siècle. Chaque jeune se voit offrir la possibilité d’approfondir ses connaissances, d’acquérir les compétences et la capacité d’analyse critique nécessaires pour participer à la société de demain. Il est vrai que, dans le domaine de l’éducation, la théorie est plus facile que la pratique. Une partie de l’infrastructure et des enseignants n’est pas synchronisée avec les besoins du 21e siècle. Les examens nationaux continuent à définir l’avenir des élèves en s’appuyant sur un paquet rigide de connaissances académiques, et cela arrive déjà à l’âge de 14 ans. Or, nous trouvons que c’est quelque chose d’obsolète et d’injuste ».
Pour les autorités roumaines, l’aspect le plus important de l’étude menée par l’UNICEF et l’OCDE est la recommandation de considérer que, dans l’enseignement préuniversitaire, les évaluations doivent avoir un caractère formatif, sans hiérarchies ni classements, a déclaré le ministre roumain de l’éducation nationale, Pavel Năstase.
Pavel Năstase : « Nous allons changer d’approche et regarder l’évaluation – des élèves, des enseignants, des établissements et du système – comme une opportunité de procéder à un suivi et d’intervenir pour que le processus éducationnel améliore sa qualité et soit centré sur les élèves. Nous souhaitons avoir des enseignants préparés à réaliser une évaluation formative quotidienne en classe, non seulement par des travaux de contrôle, des épreuves semestrielles ou des examens nationaux. En procédant de cette manière, la pression posée sur les élèves diminuerait et ceux qui font difficilement face aux évaluations classiques pourraient s’exprimer aussi. La composante « évaluation formative » est donc un élément très important de cette étude. Elle devrait aboutir à la mise en page de fiches personnalisées, à utiliser dans la formation ultérieure des élèves. Actuellement, nous réalisons l’évaluation, mais sa mise à profit ainsi que la personnalisation de la formation pour répondre aux besoins de chaque élève n’existent pas dans toutes les écoles ».
Le ministère de l’éducation nationale de Bucarest prépare, pour l’enseignement préuniversitaire et pour l’enseignement supérieur, plusieurs programmes centrés sur l’évaluation des élèves et des enseignants, le financement provenant de fonds européens. (Trad. Ileana Taroi)