Quel avenir pour l’école en milieu rural?
« L’état de l’école d’aujourd’hui donnera l’état du pays de demain », affirmait Spiru Haret, celui qui au XIXe siècle, posait les bases de l’éducation moderne en Roumanie. Cela fait plusieurs dizaines d’années que l’école roumaine est plutôt mal en point et l’actuelle pandémie ne fait qu’empirer les choses. La situation est particulièrement difficile en milieu rural, là où l’association à but non lucratif BookLand, connue pour sa foire itinérante du livre, pour ses colonies de vacances culturelles et pour ses conférences inspirationnistes destinées aux jeunes, s’active dernièrement pour rénover et équiper plusieurs écoles, améliorant ainsi les chances de nombreux enfants à l’éducation.
Roxana Vasile, 10.02.2021, 12:28
« L’état de l’école d’aujourd’hui donnera l’état du pays de demain », affirmait Spiru Haret, celui qui au XIXe siècle, posait les bases de l’éducation moderne en Roumanie. Cela fait plusieurs dizaines d’années que l’école roumaine est plutôt mal en point et l’actuelle pandémie ne fait qu’empirer les choses. La situation est particulièrement difficile en milieu rural, là où l’association à but non lucratif BookLand, connue pour sa foire itinérante du livre, pour ses colonies de vacances culturelles et pour ses conférences inspirationnistes destinées aux jeunes, s’active dernièrement pour rénover et équiper plusieurs écoles, améliorant ainsi les chances de nombreux enfants à l’éducation.
Mihaela Petrovan, fondatrice de BookLand, se penche sur les succès, les obstacles et les projets de son association: « Je crois vraiment que l’éducation peut guérir. Je n’exagère pas. A BookLand, l’équipe est une poignée de gens simples, sincères, honnêtes et impliqués qui respectent toujours leurs engagements. Tout ce que nous avons promis, nous l’avons réalisé, et parfois même plus. L’année dernière, par exemple, on s’est proposé de rénover dix écoles et on en a fait quatorze. Pourquoi des écoles et pourquoi en milieu rural? La place que l’éducation occupe dans ma vie est évidente. Après, moi-même je suis issue de la campagne et je suis fière de mes origines. Le village m’a formée, a forgé mon caractère et m’a rendu plus forte… Voilà pourquoi j’ai trouvé normal d’offrir quelque chose en échange. Il convient de préciser que l’idée nous est venue après qu’une école nous a contactés pour nous demander un coup de main. Pour nous, il n’a pas été difficile de mentionner dans un fichier Excel qu’une école a besoin de portes, de fenêtres, d’un plancher ou de pupitres. En revanche, ce qui nous a posé problème, ce fut de convaincre des entreprises à nous offrir du matériel et puis de passer aux travaux proprement dits : peindre, installer le plancher, bref, tout ce qu’il faut faire dans une école et qui ne peut pas se faire ni avec des robots, ni avec des drones. C’est aux gens de travailler, à toutes ses équipes d’ouvriers que nous avons fait venir du milieu urbain pour travailler à la campagne. Ce fut là le défi le plus difficile à relever ; oui, nous avons peiné avant de trouver l’entreprise prête à nous aider et à nous fournir le premier financement. »
Malgré la pénibilité de la démarche, Mihaela Petrovan et ses collègues de BookLand n’ont pas croisé les bras. La petite somme d’argent reçue en premier lieu leur a permis de rénover une première école. Après, encore une autre et puis, une autre. Quinze mois plus tard, le nombre d’écoles remises à neuf se monte déjà à quatorze. Un succès dû à la persévérance de ceux de BookLand de plaider cette noble cause auprès des entreprises qui du coup, ont fini par réagir. Finalement, chacune des écoles concernées a pu bénéficier d’un budget de quelque 31 mille euros. Assez pour refaire la toiture d’une école ou pour équiper une autre d’une chaudière de grandes dimensions. Mihaela Petrovan détaille : « On s’est concentré sur les zones pauvres du pays et parmi elles, on a choisi la plus défavorisée, à savoir la Moldavie (est). C’est une région qui regorge de gens sensationnels, intelligents, débrouillards, bavards, qui ont tout simplement eu la malchance de ne pas profiter d’une position géographique favorable, comme les Transylvains. Moi, même si je suis originaire de Transylvanie, j’ai décidé de réparer des écoles en Moldavie, car c’est là que le plus grand besoin se fait sentir. Là et dans le sud du pays. Sur l’ensemble des établissements scolaires qui s’y trouvent, on en choisit les plus délabrés et les plus anciens, certains plus que centenaires et qui, en plus de travaux de rénovation, nécessitent des travaux de consolidation… On ne peut pas faire venir un enfant dans une école pourrie et prétendre qu’il soit performant. Ce n’est pas possible ! C’est un réel plaisir d’apprendre dans une salle de classe toute neuve, où cela sent bon, sans odeur de moisissure et sans dégâts des eaux au plafond à chaque fois qu’il pleut. Ça fait la différence ! Si nos enfants se sentent respectés, ils respecteront ce pays à leur tour ! »
Selon des statistiques publiées sur la page Facebook de l’association BookLand, 82% des écoles de Roumanie datent d’avant 1970, 16% d’avant 1989 et seulement 2% ont été construites après la chute du communisme. Sur l’ensemble des écoles du milieu rural, une bonne partie manque de toilettes, d’eau courante ou d’assainissement. La pauvreté fait qu’à la campagne, seulement 77% des enfants suivent l’école primaire et seulement 4,74% arrivent à finaliser des études supérieures. Plus de 42% des élèves du milieu rural ratent leur bac. Notons aussi que près de 40% des ménages ruraux manquent de connexion à Internet, dans un pays où l’école a eu lieu exclusivement en ligne pendant onze mois, à cause de la pandémie. Mihaela Petrovan complète ce triste tableau :« Ces écoles ont survécu, Dieu sait comment. Les chaires vieilles de plus de cent ans, ils les ont couvertes de nappes pour cacher leur mauvais état. Pareil pour les pupitres des gamins, complètement délabrés, et qui ont été couverts de nappes ou de couvertures. C’est inadmissible ! Ça fait mal au cœur ! En plus, prétendre aux professeurs de changer de méthode d’enseignement du jour au lendemain, c’est complètement absurde ! On ne peut pas faire de l’école à distance dans un village ou une commune où il n’y a pas Internet. On s’est rendu dans des écoles où, à la place d’un tableau, il y avait des lattes peintes en noir. Les enfants n’ont pas de tableau pour écrire à la craie et nous, on parle de cours à distance, sur la tablette ? Soyons sérieux ! On est tous des ignorants et des hypocrites si on tourne le dos au milieu rural d’où la plupart de nous sont issus. A la campagne, les enfants n’ont pas les mêmes avantages que ceux nés en ville, or cela est bien dommage et c’est injuste. Nous, on ne veut pas critiquer. Tout ce qu’on veut, c’est aider, car on se dit qu’on a bon cœur et que du coup, on pourrait faire quelque chose de bien. On a tous donné un coup de main, on s’est réuni, on a cherché de l’aide auprès des entreprises… mais vous savez, ce que nous, on a fait, tout le monde peut le faire. »
Pour cette année, BookLand se propose de rénover vingt écoles de la campagne. Et puis, l’ASBL a encore un rêve que sa fondatrice, Mihaela Petrovan, nous révèle : « Notre rêve serait que d’ici 2023, on fasse construire la première école étalon de Roumanie. Pour cela, on commencer dès maintenant à chercher des partenariats. On voudrait donc faire construire une école neuve, inspirée du modèle finlandais, mais adaptée à la région des Balkans, avec des professeurs et des curricula décidés par nous, entièrement gratuits. »
Ceux d’entre vous qui souhaitent aider l’organisation BookLand peuvent faire un don de deux euros par mois, en envoyant le texte CONSTRUIM via texto au numéro 8845 (depuis un numéro de téléphone roumain). Une petite somme qui, au bout de douze mois, pourrait suffire pour offrir à un enfant pauvre la chance d’une chaise ou d’un pupitre neuf dans sa salle de classe. (Trad. Ioana Stancescu)