Quand la peur s’installe
Luiza Moldovan, 09.11.2022, 13:13
On la ressent, mais c’est par le corps que cela
s’exprime, de manière physique, puissante : c’est la peur. La plupart
d’entre nous est mal à l’aise avec ce sentiment, d’autres le cherchent avec
détermination. Lorsque l’on reconnaît en nous la peur, notre amygdale, petit
organe situé au milieu de notre cerveau, se met au travail, alertant notre
système nerveux qui ordonne à son tour à notre corps de se mettre en action.
L’amygdale cérébrale fait partie de notre cerveau limbique, qui joue un rôle
essentiel dans nos émotions et notre comportement. Le plus connu, celui du
traitement de notre peur. Il s’agit d’une composante de notre cerveau primitif,
capable de traiter aussi certaines odeurs et informations biologiques, telles
que les phéromones, qui influencent notre comportement sexuel ou maternel, par
exemple.
La psychologue Daniela Ionescu nous explique plus en
détails les symptômes physiques de la peur : « La peur peut nous
donner de l’énergie et de la détermination dans nos actions. Mais, souvent, la
peur peut aussi se transformer en anxiété ou en crise d’angoisse, c’est-à-dire
une forme de souffrance physique et psychologique difficile à gérer. Si, par
exemple, vous n’aviez pas peur de mourir de froid en hiver, renonceriez-vous à
vos vacances de rêve pour dépenser tout votre argent dans un système de
chauffage performant ? Parmi les symptômes physiques de la peur, on
retrouve les tremblements, la transpiration, les battements accélérés du cœur, la
respiration rapide, les douleurs d’estomacs ou d’intestin, ou encore
l’incapacité à avoir des rapports sexuels. Parmi les symptômes psychologiques,
on retrouve cette fois l’anxiété, l’agitation, le sentiment de perte de
contrôle sur les situations vécues, l’hyperactivité qui peut parfois se
transformer en agressivité. »
La peur est un outil dans les dynamiques sociales, à tous
les niveaux, et si l’on ne fait pas attention, on peut se faire manipuler sans
même s’en rendre compte. Même si elle est contestable sur le plan pédagogique,
la menace du grand méchant loup fait peur aux enfants, qui feront ce qu’on leur
demande, même s’ils ne sont pas d’accord. A l’âge adulte, le grand méchant loup
prend d’autres formes. Une banque qui vous menace de confisquer vos biens si
vous ne la remboursez pas dans les temps, un supérieur qui menace de vous
licencier si vous ne remplissez pas vos objectifs. Bref, la peur est un outil
de manipulation très efficace.
Daniela Ionescu nous en dit plus : « Si une même
personne, ayant de l’autorité sur vous, vous présente des dangers réels ou
imaginaires qui vous font peur et vous offre du même coup les solutions, il y a
de forte chance que vous soyez victime de manipulation. Et lorsque nous
accusons les autres d’être responsables de ce que nous ressentons, alors nous
leur donnons le pouvoir de contrôler nos émotions. »
La peur
assombrit les esprits et nous empêche de voir les choses avec discernement. En
période de guerre par exemple, le trop grand nombre d’informations désastreuses
peut porter préjudice à votre radar intérieur. Il devient alors difficile de
distinguer la réalité de la fiction. C’est un peu comme être soi-même en
guerre. Il faut distinguer la peur de la phobie, mais la peur peut devenir une
forme d’addiction.
Daniela Ionescu, psychologue, nous explique : « Des
évènements dévastateurs, ou présentés comme tels, instaurent un climat de peur.
Si la peur nous aide à trouver des solutions, alors elle peut être positive. Si,
à l’inverse, elle nous amène à nous concentrer uniquement sur le problème, elle
nous épuise. Un épuisement qui peut nous mener à la dépression, c’est-à-dire au
manque de réaction face à un danger de mort. En d’autres termes, un peu de peur
peut nous sauver la vie. Beaucoup de peur peut nous tuer. La peur s’apprivoise.
Les hormones qu’elle nous fait produire peuvent être une source d’addiction,
car l’adrénaline a des effets agréables, mais de courte durée. On peut alors en
venir à rechercher le danger et s’il n’existe pas, on peut finir par
l’imaginer. »
La peur
peut aussi vous garder en sécurité. Il s’agit d’une émotion complexe. Elle peut
présenter des avantages et vous tirer de situations délicates, mais elle peut
aussi avoir des conséquences dramatiques.
Daniela Ionescu nous en dit plus : « Si l’on
part du principe que l’homme est une machine biologique, alors la peur, en tant
qu’émotion primaire, instinctive, constitue un moteur, un moyen de survie. Nous
avons dans notre cerveau une antenne qui scanne en permanence notre
environnement interne et externe, à la recherche de dangers potentiels. Pour le
dire autrement, notre organisme est constamment en état d’alerte. Lorsqu’il
constate la présence d’un danger, notre cerveau déclenche un signal d’alerte et
mobilise ses forces pour réagir rapidement : l’adrénaline et le cortisol.
Ce sont les deux hormones du stress, comme nous l’avons déjà évoqué. Elles
préparent le corps afin qu’il soit en mesure de lutter ou de s’enfuir. Ainsi,
les émotions, et dans ce cas ci la peur, influencent directement notre
comportement, occultant notre discernement. Le problème c’est que notre cerveau
ne sait pas faire la différence entre un danger réel ou imaginaire. Par
exemple, si vous lisez un texte sur la guerre, vous imaginez ce à quoi cela
ressemble, vous pensez à la guerre, et votre corps réagit en conséquence, comme
si vous participiez vraiment à la guerre. »
Ceci dit, il s’avère utile de reconnaître ses émotions.
Si la peur en est un, pensons un peu d’où elle vient et comment on peut la
maîtriser. Qui sait, on pourrait finir par la surmonter. (Trad : Charlotte
Fromenteaud)