Pour et contre la fiscalisation du pourboire
Depuis le 1er janvier 2023, une nouvelle loi réglemente la taxation des paiements informels que les clients offrent pour des services diverses. Le plus connu en est le pourboire (en roumain « bacșiș »), offert dans les restaurants. Dorénavant, l’Etat prélèvera 10 % du pourboire, qui reste toujours un acte bénévole, mais qui désormais est mentionné sur l’addition.
Ștefan Baciu, 01.02.2023, 14:53
Concrètement, avant de l’émission du reçu, le client reçoit une note et décide s’il souhaite – oui ou non offrir un pourboire. Si oui, il décide de la valeur – qui peut être une somme fixe de son choix ou un pourcentage de l’addition. Avant l’entrée en vigueur de cette loi, l’idée de rendre officiel le pourboire avait suscité d’amples discussions publiques. D’un côté, les clients s’inquiétaient qu’ils seraient obligés de payer un pourboire, même sans le souhaiter. De l’autre côté, les prestataires de services pensaient que, suite à la taxation, leurs revenues baisseraient. Pour leur part, les patrons de l’industrie d’hospitalité affirment que l’adoption de cette loi n’aura que des conséquences positives pour tous ceux qui sont impliqués. Dragoș Anastasiu, le porte-parole de l’Alliance pour le Tourisme, explique ce point de vue : « Je voudrais souligner que le pourboire est tout à fait bénévole. Il était, il reste et il sera une décision prise par chaque client qui est content et qui souhaite dire merci pour les services a reçus. Par cette loi, on vient de réglementer ce qui était déjà devenu une coutume. C’était une nécessité, car plus de 50 % des clients des restaurants et des hôtels paient par carte bancaire et plus de la moitié d’entre eux souhaitent offrir un pourboire par carte. Avant cette loi, il était très difficile de le faire d’une manière transparente et, en fait, nos employés recevaient moins de 40 % de ce montant. Aujourd’hui, ils en reçoivent 90 % (suite à l’impôt de 10%). Voilà comment nos employés gagneront de l’argent, en fait. »
C’est justement à cause de cette pratique tout à fait triste (des certains patrons qui confisquaient une partie du pourboire des employés), que Ioan Biriș, le président de l’Organisation des Patrons des Hôtels et des Restaurants de Roumanie, salue le fait que la fiscalisation de ces payements qui, jusqu’ici informels, a rendu les revenus transparents. Ioan Biris : « Le principal gagnant de cette loi est celui qui travaille dans l’industrie, car il est le bénéficier d’un revenu qui existait toujours même jusqu’à maintenant. Quand même, à cause de l’hypocrisie avec laquelle nous nous sommes habitués, ce revenu était toujours caché. Par cette loi, nous venons de rendre la relation entre nous et nos employés transparente. Notre industrie a été longuement critiquée à cause des salaires très bas. En réalité, une grande partie des revenus de nos employés consiste en ce pourboire, ce que tout le monde connait. Comme ce n’était pas légal, il était impossible tant de le promouvoir, que de le quantifier. Désormais, on a retrouvé la normalité. Maintenant, si un jeune homme souhaite poursuivre une telle carrière, il peut saura très clairement sur quels revenus il pourra compter. Et probablement, cela déterminera davantage de des jeunes à choisir cette industrie. »
Peu après le 1er janvier, les bénéfices financiers de cette nouvelle loi étaient déjà évidents. Dès la première semaine, la plupart du pourboire a été payée par carte, ce qui est facilement enregistré et taxé. Ce qui plus est, les hôtels peuvent en bénéficier aussi, pas seulement les restaurants. Parmi les paiements enregistrés par les hôtels, le pourcentage du pourboire était de seulement 3 – 5 %, pour plusieurs raisons : la plupart des paiements est faite par carte et les entreprises qui payaient pour l’hébergement de leurs employés choisissaient de ne plus offrir de pourboire en espèces.
La situation a changé grâce à cette loi, selon Călin Ile, le président de la Fédération de l’Industrie Hôtelière de Roumanie : « Cette loi, grâce à la déductibilité fiscale qu’elle propose, permet aux patrons des entreprises ou aux responsables des compagnies de soutenir l’activité des unités qu’ils fréquentent. Beaucoup de clients viennent chez nous pour des programmes de teambuilding ou ils participent à des événements organisés par le milieu des affaires. Par conséquent, c’est sûr que le montant qui sera désormais alloué pour le pourboire pour les salariés de notre domaine sera plus important. Nous nous attendons aussi à une amélioration de la qualité des services, c’est-à-dire à ce qu’un employé, qui attend un pourboire, offre de meilleurs services. Le pourboire est bénévole et il sera accordé si le bénéficiaire est content des services reçus. Ne pensez-vous pas que cette corrélation déterminera l’amélioration des services, ce que nous souhaitons tous d’ailleurs, c’est-à-dire une plus haute qualité des services dans le tourisme roumain ? Les clients pourront récompenser à juste titre ceux qui fournissent de bons services, donc les prestataires de services seront plus motivés à faire bien leur travail, car cela sera étroitement lié à ses revenus nets. »
Ce qui plus est, l’officialisation des payements qui jusqu’ici étaient informels démotivera ceux qui auparavant s’appropriaient mêmes des montants qui ne leur appartenaient pas. Călin Ile, le président de la Fédération de l’Industrie Hôtelière de Roumanie, nous en offre plus de détails : « Je voudrais faire des précisions en ce qui concerne un thème que certains employés du tourisme ont fait circuler dans l’espace public : le risque que certains patrons ne rendent pas le pourboire aux employés. C’est un fait illégal. Je pense que nous devons donner un signal aux employés qui seront discriminés et leur dire qu’ils ont le droit de dénoncer une telle pratique, de se rendre même à l’autorité fiscale de l’unité administrative-territoriale où ils se trouvent. Nous ne pouvons pas accepter que cette loi soit préjudiciée par certains patrons qui ne la respecteront pas. Mais, à mon avis, la plupart d’entre eux essayeront de respecter la loi et de distribuer le pourboire entier, aux termes de la loi et selon nos insistances. »
C’est l’espoir des patrons de l’industrie d’hospitalité qui souhaitent attirer plus d’employés dans un domaine confronté à un déficit profond de personnel. Pourtant, il faut dire que de l’autre côté de la barricade, les salariés du domaine craignent vraiment la baisse de leurs revenus, notamment suite à l’imposition de 10 % du pourboire. Il faudra encore attendre pour tirer les conclusions exactes de cette nouvelle loi règlementant le pourboire en Roumanie. (trad. Andra Juganaru)