Pollution et santé
Les valeurs moyennes des émissions de particules en suspension sont souvent dépassées à Bucarest, si bien que le nombre des patients hospitalisés pour soigner des troubles respiratoires ne cesse de croître.
Christine Leșcu, 15.11.2023, 01:55
Chaque jour les habitants de Bucarest
ressentent la pollution de l’air, surtout depuis 5 ans. Des recherches menées
ces derniers temps lient augmentation de la pollution et problèmes de santé.
L’enquête la plus récente allant dans ce sens a été réalisée par une équipe constituée
de 14 spécialistes sous la coordination de l’Institut de Pneumologie Marius
Nasta de Bucarest. L’enquête se concentre sur les liens entre les particules en
suspension de type PM 2,5 et PM 10 et les patients internés pour maladie
chronique. Le Centre pour des politiques durables Ecopolis a tiré des
conclusions, présentées dans ce rapport, sur la qualité de l’air à Bucarest en
lien avec les particules en suspension et les substances toxiques de type dioxyde
d’azote mesurées grâce à son réseau de capteurs Aerlive.
La Saint Valentin, le jour le plus pollué de l’année
Oana Neneciu,
coordinatrice du réseau de 44 capteurs installés en collaboration avec la
mairie de la capitale, apporte des précisions sur les conclusions du rapport : Les
particules en suspensions sont des particules de poussière chargées de toutes
sortes de substances qui montent du sol en général et qui restent dans les
voies respiratoires ou qui entrent directement dans nos poumons. Les PM 10 sont
des particules un peu plus grandes, avec un diamètre plus élevé. Les PM 2,5 sont
les particules considérées comme les plus nocives parce qu’elles entrent
directement dans les poumons. Sur 266 jours de données, 101 jours présentent
des dépassements des valeurs maximales admises pour les PM 2,5. Parmi les mois
pendant lesquels les capteurs ont fonctionné, le plus pollué est le mois de
février. Donc février est le mois le plus pollué de l’année. Il est intéressant
de noter que le 14 février, le jour de la Saint Valentin est le jour le plus
pollué de l’année. Il semblerait que tout le monde va fêter l’amour en voiture.
La pollution horaire maximale a été enregistrée devant un hôpital pour enfant,
l’hôpital Victor Gomoiu, elle a atteint les 371 microgrammes par mètre cube
justement le 14 février. Sur les 30 écoles qui ont été analysées, il y a eu en
tout 30 écoles et 14 hôpitaux testés, 29 écoles ont enregistrés des valeurs
plus élevées que la moyenne annuelle pour les PM 2,5. Si on parle de pollution
aux particules en suspension, les zones les plus touchées ne sont pas nécessairement
celles du centre-ville. La pollution aux PM touche habituellement les artères
routières principales les plus utilisées, celles que les gens empruntent pour
aller dans le centre. Pour les hôpitaux, 13 sur les 14 testés ont enregistré
une moyenne annuelle supérieure aux valeurs maximales admises.
Les dépassements des valeurs maximales admises de particules en suspension sont calculés sur la base de la directive européenne que la Roumanie a acceptée, par rapport à leur impact sur la santé. L’OMS a également établi des recommandations concernant la limite admise du taux de particules en suspension. Pour les PM 2,5, la limite est fixée à 5 microgrammes par mètre cube par mois sur l’année, pour les PM 10, la limite est de 15 microgrammes par mètre cube par mois. Partant de ces données de référence, les auteurs de l’Etude concernant l’impact de la pollution sur les maladies chroniques, réalisée par l’Institut Marius Nasta, ont analysé les effets des dépassements des limites admises sur leurs patients pendant 5 ans.
Beatrice Mahler, directrice de l’Institut de pneumologie, présente les conclusions de l’étude. Nous avons
comparé les relevés de PM effectués et le nombre de patients internés et nous
avons observé 3 catégories d’affection : les affections respiratoires, les
affections cardiovasculaires et les accidents vasculaires cérébraux. Nous avons
constaté après l’analyse des données que la période avec le plus haut niveau de
pollution est comprise entre mars et mai. La pollution commence en septembre et
augmente jusqu’en novembre. 2020 fait exception mais nous savons que c’était
une période d’état d’urgence pendant laquelle le nombre de patient hospitalisés
a chuté, les gens restaient chez eux et l’industrie s’était arrêtée. Après
l’analyse des données scientifiquement corrélées, nous avons mis en évidence
que l’influence des particules PM 2,5 et 10 entraîne un nombre mensuel moyen
d’hospitalisations pour affections respiratoires compris entre 1963 et 3825.
Par exemple, dans le cas d’une augmentation de 10 microgrammes par mètre cube
sur la moyenne mensuelle de PM 2,5, il y a une augmentation du nombre
d’hospitalisations pour affection respiratoire comprise entre 90 et 938 cas.
Les personnes malades arrivent à l’hôpital lorsque le niveau de pollution
augmente. Le nombre d’hospitalisations liées à l’augmentation des PM 10 est un
peu moins élevé parce que ces particules étant plus grandes, elles ne
parviennent pas jusqu’aux alvéoles pulmonaires mais restent dans les voies
respiratoires, elles provoquent des infections type bronchites etc
La pollution amplifie aussi les maladies cardiovasculaires
Dans le cas des maladies cardiovasculaires, la situation
est comparable. La même corrélation statistique existe entre taux de PM et
nombre d’hospitalisations, comme le confirme Beatrice Mahler : L’augmentation de PM 2,5 de 10 microgrammes par mètre cube par mois engendre
une croissance du nombre d’hospitalisations pour affections cardiovasculaires
comprise entre 26 et 1392 patients. Donc l’impact est immense, à la fois sur
l’hypertension, les infarctus, et tous les problèmes traités par nos collègues
cardiologues. Pour les PM 10, le nombre d’hospitalisation est plus faible, entre
25 et 888. Nous avons eu une surprise concernant les accidents vasculaires
cérébraux, même si nous savions qu’il existait un lien entre les maladies
neurologiques ou les affections vasculaires cérébrales et les particules en
suspension. Nous avons fait la corrélation juste avec les PM 2,5, pas les PM
10, et nous avons constaté environ 10 hospitalisations de plus par mois pour
accident vasculaire cérébral quand le nombre de PM 2,5 augmente de 10
microgrammes par mètre cube.
Ainsi les conclusions des spécialistes sont claires : quand la
concentration de particules en suspension augmente à Bucarest, le risque
augmente que les personnes ayant des maladies pulmonaires, cardiovasculaires ou
présentant des risques d’accident vasculaire cérébral finissent à l’hôpital.
Ces hospitalisations engendrent des coûts importants. Selon cette étude,
l’augmentation de la concentration en PM 2,5 peut générer des frais
d’hospitalisation estimés entre 137.820 lei (environ 26 500 euro) et
1.436.369 lei (environ 288 000 euros) par mois. (trad. Clémence Lherueux)