Plaidoirie pour la dignité
La question des personnes atteintes d’un handicap mental n’a jamais été abordée du point de vue des droits humains. Malgré l’inquiétude que certaines institutions internationales ont exprimée à l’égard de la manière dont ces personnes sont traitées dans les établissements de santé mentale de Roumanie (subordonnés au ministère de la Santé, à l’Autorité nationale pour la protection des personnes handicapées ou à l’Autorité nationale pour la protection des droits de l’homme), la législation n’offre pas encore les garanties nécessaires à leur protection. Ces personnes sont en réalité privées de certains droits et libertés.
Ana-Maria Cononovici, 27.11.2013, 13:52
La question des personnes atteintes d’un handicap mental n’a jamais été abordée du point de vue des droits humains. Malgré l’inquiétude que certaines institutions internationales ont exprimée à l’égard de la manière dont ces personnes sont traitées dans les établissements de santé mentale de Roumanie (subordonnés au ministère de la Santé, à l’Autorité nationale pour la protection des personnes handicapées ou à l’Autorité nationale pour la protection des droits de l’homme), la législation n’offre pas encore les garanties nécessaires à leur protection. Ces personnes sont en réalité privées de certains droits et libertés.
C’est dans ce contexte que le Centre de ressources juridiques (CRJ) a lancé le programme intitulé « Plaidoirie pour la dignité». Il se propose de contribuer à la création d’un mécanisme indépendant de suivi des institutions privatives de liberté (y compris des centres psycho-sociaux). Le programme vise aussi à améliorer le cadre légal et institutionnel en matière de protection des droits des personnes à handicap mental et à accroître la capacité de les intégrer et les accepter dans la communauté. En quoi consiste la violation de certains droits fondamentaux des personnes internées dans un tel centre?
Explications avec Georgiana Marinescu, directrice exécutive du Centre de ressources juridiques: « La privation de liberté n’est pas synonyme à la seule incarcération. Dans ce cas précis, il s’agit du séjour dans un centre de placement que l’on ne peut pas quitter quand on le souhaite. C’est donc être interné dans un centre destiné aux personnes handicapées, dans un hospice ou un établissement de réhabilitation neuropsychiatrique. Une fois là, on n’est plus libre d’en sortir quand bon nous semble. Or, vu que ce cas de figure relève de la privation de liberté, ces personnes doivent jouir de toutes les garanties dont on bénéficie en milieu carcéral ou en état de détention provisoire, sinon de plus de garanties, puisque l’on a affaire à un groupe vulnérable qu’il faudrait protéger ».
Dès son lancement, le programme «Plaidoirie pour la dignité» a examiné plusieurs situations de transgression des droits de l’homme dans les centres de placement. Plusieurs de ces cas ont été même jugés par la Cour européenne des droits de l’homme. En dehors de cette situation, le Centre de ressources juridiques lutte pour trouver des solutions aux problèmes du système. Un nouveau cas soumis à la Cour européenne des droits de l’homme est celui d’un jeune rom infecté par le VIH, atteint d’un retard mental et malade de tuberculose. Il est décédé à l’âge de 19 ans, après avoir été transféré d’un centre de placement des mineurs vers un autre, destiné aux personnes souffrant de troubles psychiques. Son nom est déjà symbolique: Valentin Câmpeanu.
Les explications de l’avocat Constantin Cojocaru, représentant de l’ONG Interights: «Nous avons déploré la violation de plusieurs droits inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme : le droit à la vie, à la liberté, à la vie privée, à la non discrimination, le droit à un remède efficace. Valentin Câmpeanu s’est carrément retrouvé seul au bon gré des autorités qui ne l’ont pas protégé. Nous demandons à la Cour d’accorder protection aux personnes à handicap, vu leur situation spéciale. Ces gens, en quelque sorte invisibles, deviennent visibles grâce notamment à ce cas. Il faut trouver des solutions à ces problèmes structuraux ».
Georgiana Pascu, chef du programme «Plaidoirie pour la dignité» en charge du dossier Câmpean, à l’époque — c’est-à-dire en 2004 –nous explique pourquoi ce cas est devenu symbolique et a laissé espérer une sortie de ce cercle vicieux. «Le dossier concerne un jeune qui, en 2004, avait 19 ans à peine. Le cas réunit tous les éléments, car il s’agissait d’une personne jeune sans parents et sans défense, ayant des problèmes de santé mentale. La façon d’agir, dans ce dossier, prouve que dans le système médical chaque personne a un rôle important à jouer. On ne doit pas minimiser le rôle de l’assistant social, qui a adressé des sollicitations, le rôle du président du Conseil départemental, qui aurait peut-être dû accompagner Valentin. Pourtant, il a été transféré comme un procès verbal. Le document autorisant le transfert de Valentin stipulait, je cite: «équipement et enfant transférés». La situation est dramatique. »
En visitant de nombreux centres de placement, les rapporteurs du Centre de ressources juridiques non seulement ont pu constater de graves abus, mais ils ont également cherché l’origine des problèmes. Dans la plupart des cas, les recherches menées dans les centres de placement prouvent que les abus se perpétuent pour plusieurs raisons. La plus importante en est la structure des centres: celle-ci ne respecte pas les besoins de ces jeunes, qui ont des vulnérabilités différentes et nécessitent une attention différente.
En outre, le personnel dont disposent ces centres est en nombre insuffisant et inadéquat du point de vue qualitatif et il n’est pas motivé, les salaires étant trop bas. S’y ajoute l’absence d’une formation professionnelle continue pour toutes les catégories professionnelles qui y travaillent. Un dernier inconvénient: les jeunes victimes des abus ne disposent pas d’instruments pour saisir les organismes habilités et aucun mécanisme ne permet l’accès de ces adolescents à la justice. C’est d’ailleurs ce qui a déterminé le Centre de ressources juridiques à lutter pour le droit de représenter ces jeunes devant l’Etat…(trad. : Mariana Tudose, Dominique, Alex Diaconescu)